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1.2 L’humanitaire et la politique.

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La frontière n‘est pas aisée à tracer. Politiques ou humanitaires, l‘intervention française en faveur des maronites du Liban, en 1860 ; les ingérences européennes dans l‘Empire ottoman, au XIX° siècle (« l‘enfant grec » de Victor Hugo suscitait à l‘époque une émotion humanitaire) ; la répression par des forces internationales de la révolte des Boxers lors des célèbres cinquante-cinq jours de Pékin ; les opérations de l‘O.N.U. au Zaïre, au lendemain de l‘indépendance etc.… L‘ambiguïté des interventions humanitaires actuelles naît, en premier lieu, de la diversité des missions : s‘agit-il de distribuer du riz, de soigner des malades ou des blessés ? De pacifier et de mettre fin au pillage des bandes armées ? De contrôler un processus électoral comme au Cambodge, en Côte d‘Ivoire et dans divers pays, de reconstruire un État comme en Somalie ?

Chacune de ces missions appelle certaines modalités, recourt à des compétences différentes, s‘inscrit enfin dans une politique d‘ensemble. L‘ouverture de corridors ou de ―sanctuaires‖ humanitaires, le désarmement de combattants peuvent être la condition de l‘assistance proprement dite ; la surveillance des élections, le préalable à une reconstruction de l‘État.

Quand cette vision politique d‘ensemble vient à manquer, la gesticulation prend la place de l‘action, les convois d‘assistance sont bloqués au sol, les forces armées sont pris en otages et, comme en Bosnie, la paix règne dans les cieux où veillent les avions de l‘O.T.A.N. tandis que les combats continuent de faire rage sur terre. Dans son ouvrage, Le Regain démocratique, Jean-François Revel(37) rappelle une leçon de l‘histoire que nous avons tendance à oublier : « Il est plus facile de sauver un État chancelant que des citoyens persécutés. »

On arrête plus aisément le débarquement à Suez ou l‘invasion du Koweït que le massacre des Kurdes ou la « purification ethnique » dans l‘ex-Yougoslavie. Fût-elle couverte par un droit d‘ingérence, une opération humanitaire d‘État est toujours lourde de contraintes et d‘ambiguïtés et trouve rapidement ses limites. Mais l‘insurrection des consciences individuelles, quand elle se tourne vers les gouvernements, ne se heurte pas seulement aux pesanteurs administratives et à la complexité de toute action politique ; elle rencontre aussi la raison d‘État. Les perplexités des gouvernements devant la situation dans l‘ex-Yougoslavie ne traduisent pas uniquement l‘impuissance à décider, les divisions des Européens ou l‘éloignement des États-Unis ; elles s‘expliquent également par le souci des responsables politiques et militaires de proportionner les risques aux enjeux : jusqu‘à quel point peut-on risquer un conflit majeur pour le respect d‘un principe ?

Tout se passe comme si les Européens ne pouvaient ni supporter dans leur espace continental les violations répétées des droits de l‘homme, ni engager un conflit que tout laisse prévoir meurtrier, difficile à circonscrire et auquel des sociétés individualistes et peu portées au sacrifice sont sans doute mal préparées.

Michael Novak(38), spécialiste américain des relations internationales, écrit dans Human Rights and the New Realism : « Une politique des droits de l‘homme est subversive ; elle implique une restructuration de l‘ordre mondial. C‘est peut-être désirable, mais c‘est intrinsèquement conflictuel. » Le monde dans lequel s‘exerce l‘action humanitaire n‘est pas un univers de bons et de méchants, de shérifs et de hors-la-loi, c‘est un monde fait à la fois de puissances et de groupes souvent radicalisés et incontrôlables, incertain, opaque, dangereux. L‘humanitaire ne saurait ni y exercer pleinement sa mission sans le concours des États, ni y servir impunément d‘alibi à l‘inaction diplomatique ou de succédané de l‘emploi de la force.

37 Chezrevel.net.- Le regain démocratique.- http://chezrevel.net/le-regain-democratique: « La démocratie est-elle un luxe ou un minimum vital? Le marxisme avait cru l‘un; nous découvrons l‘autre. Nous assistons, depuis 1980, à l‘amorce d‘un regain démocratique dans le monde, avec ses composantes inséparables: le libéralisme économique, les libertés individuelles et les droits de l‘homme. D‘abord le tiers-monde, ensuite le monde communiste ont, sinon encore réalisé, du moins réclamé la démocratie politique et l‘économie de marché. Ils tentent de les construire. Socialisme et tiers-mondisme s‘effondrent de concert. de leur côté, les démocraties chevronnées, et même leurs partis de gauche, rejettent de plus en plus l‘étatisme et le dirigisme, et jusqu‘au modèle social-démocrate; En politique étrangère même, on s‘achemine vers un nouveau droit international où seront un jour, peut-être, seuls tenus pour légitimes les Etats démocratiques. Les autres ne pourront plus compter sur la complicité passive des démocraties et invoquer le vieux principe de la ―non-ingérence‖ pour asservir leurs populations impunément, comme ce fut et c‘est encore le cas dans tant de régimes totalitaires.»
38 Innovation-democratique.org.- L‘action humanitaire a travers le monde.- http://www.innovation-democratique.org/L-action-humanitaire-a-travers-le.html, déjà citée,

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