Fidèles à une esthétique du « monde trouvé », les artistes de rue se servent souvent des signes et affiches publicitaires comme base de leur travail. La motivation première est de reconquérir l’espace public, de contrarier un discours trop homogène, de proposer une réponse à ce qui pourtant n’a rien d’un dialogue. Cette pratique, décrite par Naomi Klein comme « culture jamming », est une réaction à la colonisation de l’espace public par les messages publicitaires, conséquence logique de la tendance intrinsèque des marques à l’expansion. Le détournement naît du désir de faire sien le paysage urbain, de neutraliser les messages publicitaires en les remplaçant par une autre fiction.
L’objectif d’un détournement est de révéler la vérité de la publicité : non seulement le vrai message énoncé sous couvert de slogan accrocheur, mais aussi les conditions de production du produit ou service vanté. Pour ZEVS, il s’agit de « révéler les mécanismes à l’œuvre dans la communication publicitaire (2)» ; pour Naomi Klein, de montrer une radiographie de la campagne (3).
28. Princess Hijab, Paris, 2010
Détourner, c’est extraire une image, un message, un objet de son contexte pour créer une nouvelle signification. Jeu de mot, parodie, reconfiguration : les modes d’intervention sont variés, à la frontière entre art et activisme. Certains artistes ont fait du détournement une marque de fabrique, donnant à leurs attaques un style identifiable, comme les Attaques visuelles de ZEVS, série de taches sanglantes au front des visages souriants des affiches, ou la campagne d’ « hijabisation » de Princess Hijab, qui recouvre les mannequins dénudés des couloirs du métro d’un voile noir pudique
2 Stéphanie Lemoine, In Situ, p. 91
3 Naomi Klein, No Logo, p. 281-282
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