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1) L’importance de la conspiration

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Une insurrection armée, pas plus d’ailleurs qu’un coup d’Etat, n’est réalisable sans une méthodique organisation. C’est ici qu’intervient la question de la conspiration, qui prend alors tout son sens : il s’agit de préparer secrètement l’insurrection armée. Pourtant Trotski, dès le départ, semble indiquer que l’insurrection armée et la conspiration ne sont pas compatibles : « La conspiration est d’ordinairement opposée à l’insurrection comme l’entreprise concertée d’une minorité devant le mouvement élémentaire de la majorité. Et en effet : une insurrection victorieuse, qui ne peut être que l’œuvre d’une classe destinée à prendre la tête de la nation, par sa signification historique et par ses méthodes, est profondément distincte d’un coup d’État de conspirateurs agissant derrière le dos des masses »102. Néanmoins, insurrection armée et conspiration, ne sont pas antinomiques. Car si la première a pour nature la visibilité et la seconde le secret, Trotski n’en admet pas moins qu’elles sont complémentaires, la première étant subordonnée à la seconde (on peut également admettre comme vraie la réciprocité du postulat, à savoir que la seconde est également subordonnée à la première) : « Ce qui vient d’être dit ne signifie pourtant pas du tout que l’insurrection et la conspiration s’excluent l’une l’autre en toutes circonstances. Un élément de conspiration, dans telle ou telle mesure, entre presque toujours dans l’insurrection. Étape historiquement conditionnée de la révolution, l’insurrection des masses n’est jamais purement élémentaire. Même ayant éclaté à l’improviste pour la majorité de ses participants, elle est fécondée par les idées dans lesquelles les insurgés voient une issue aux peines de l’existence. Mais une insurrection des masses peut être prévue et préparée. Elle peut être organisée d’avance. Dans ce cas, le complot est subordonné à l’insurrection, il la sert, facilite sa marche, accélère sa victoire. Plus élevé est le niveau politique d’un mouvement révolutionnaire, plus sérieuse est sa direction, plus grande est la place occupée par la conspiration dans l’insurrection populaire »103. Dans la conspiration, qui prépare donc la fameuse insurrection armée, sont pris en compte différents facteurs : le plan d’insurrection, qui peut changer en fonction de 47

diverses circonstances, la capacité à gérer les masses, le jour de l’insurrection, la prudence, la prise en compte du temps, et l’esprit d’initiative. De cette élaboration stratégique complexe, Trotski s’en réfère à Marx et Engels comme ce que ces derniers nomment « Art de l’insurrection » : « Dans la combinaison de l’insurrection des masses avec la conspiration, dans la subordination du complot à l’insurrection, dans l’organisation de l’insurrection à travers la conspiration, réside le domaine compliqué et lourd de responsabilités de la politique révolutionnaire que Marx et Engels appelaient « l’art de l’insurrection ». Cela suppose une juste direction générale des masses, une souplesse d’orientation devant des circonstances changeantes, un plan médité d’offensive, de la prudence dans la préparation technique et de la hardiesse à porter le coup »104. Et, bien sûr, pour qu’il y ait conspiration, il faut que le plus grand secret entoure le plan d’offensive, ce qui nécessite de tenir le plus grand nombre dans l’ignorance du plan d’action : « Il ne pouvait être question d’exposer devant la fraction le plan de l’insurrection : ce que l’on dit dans une assemblée nombreuse, même à huis clos, se répand toujours au dehors »105. Quant au calcul du temps, il très difficile à appréhender, bien plus que dans une guerre classique : « Mais le calcul du temps, dans une insurrection, est encore plus difficile que dans une guerre régulière »106. En effet, une insurrection armée se doit d’être calculée de la façon la plus précise possible. Si le moment décidé du soulèvement n’est pas bon, alors l’insurrection armée est vouée à l’échec. Et Trotski l’admet, c’est la tâche la plus difficile à réaliser pour la direction révolutionnaire : « Entre le moment où la tentative de provoquer un soulèvement doit encore inévitablement s’avérer prématurée et amener un avortement révolutionnaire, et le moment où la situation favorable doit être considérée comme irrémédiablement perdue, une certaine période de la révolution s’écoule -elle peut se mesurer en quelques semaines, parfois en quelques mois- dans le courant de laquelle l’insurrection peut s’accomplir avec de plus ou moins grandes chances de succès. Discerner cette période relativement courte et choisir ensuite un moment déterminé, 48

dans le sens précis du jour et de l’heure, pour porter le dernier coup, c’est pour la direction révolutionnaire la tâche la plus lourde de responsabilité »107. Après l’importance de la conspiration, voyons maintenant le cas d’un point constitutif de l’insurrection armée, les barricades, à travers un cas d’étude : la Commune de Paris.

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