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1. Genèse de l’association

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1.A. Des idées à l’action

En 2009, un groupe d’amis bisontins, étudiants en sociologie et animés par les thématiques
en rapport avec le développement durable, l’Économie Sociale et Solidaire et la démocratie
participative, en a assez de refaire le monde et décide de mettre ses convictions en pratique, de
passer d’une réflexion théorique à une action de terrain. Ils cherchent alors un domaine d’action qui
puisse leur permettre de promouvoir les valeurs et les idées qu’ils portent. Convaincus que les offres
d’emplois dans le domaine du développement durable ne correspondent pas à leurs aspirations,
certains membres de ce groupe ont pour projet de créer une activité économique suffisamment
rémunératrice pour permettre un investissement total dans l’association qui soit à la fois salarié et
militant. Plusieurs pistes d’actions sont alors envisagées : création d’une monnaie locale et solidaire,
promotion et diffusion des couches lavables, opération de compostage en pied d’immeuble.

Jean, qui se trouve au coeur de la réflexion collective, est informé des expériences de
compostage collectif menées dans d’autres villes françaises et la démarche de ce type de projet le
séduit : il s’agit d’« amener des gens qui ne sont pas forcément des écolos convaincus à cette
pratique. »(1). Le compostage est un bon moyen de concilier une action locale à une réflexion globale
puisque des valeurs ou conceptions, qui ont une portée plus générale – telles que la préservation des
ressources naturelles (retour des principes fertilisants à la terre), le mode d’alimentation (pour faire
du compost il ne faut pas manger des plats tout préparés) ou le lien social (la gestion partagée d’un
site de compostage peut être vectrice de convivialité au sein d’un espace d’habitation collectif) –,
sont susceptibles d’être véhiculées à travers cette activité.

Ce projet associatif rentre alors en résonance avec la réflexion que mène le SYBERT sur la
valorisation organique et le choix de privilégier un système décentralisé de traitement des biodéchets.

Pour ce faire, le SYBERT a besoin d’un prestataire externe qui joue le rôle de relai de
terrain. Cette opportunité conforte la future association dans sa démarche en faveur du compostage
collectif et l’oblige à se positionner rapidement sur cette thématique afin de pouvoir bénéficier d’un
éventuel partenariat avec le SYBERT. Celle-ci commence alors à se structurer en prenant un
premier nom très représentatif de l’esprit qui anime ses membres : « Utopya and Co »(2). L’objectif
fixé est de défendre des valeurs pouvant paraître utopiques à travers l’adoption de gestes concrets
qui s’ancrent dans le quotidien. La jeune association compte se professionnaliser(3) en acquérant une
compétence reconnue en matière de compostage collectif(4), tout en gardant une démarche militante
promouvant un changement global. Après un nouveau brainstorming, le nom définitif de
l’association est finalement trouvé : Trivial Compost qui signifie, comme l’explique Jean, que « le
compostage c’est trivial, ou du moins ça doit le devenir. Et, via le compost, il faudra qu’on arrive à
véhiculer ce pourquoi on a monté cette association et toucher un maximum de thématiques. »

1.B. Des désillusions qui forgent l’expérience

Les statuts de l’association sont déposés le 10 mars 2010 et Trivial Compost se lance dans
des animations grand public sur le compostage pour le compte du SYBERT. Cette même année, le
SYBERT émet un appel d’offre pour le marché d’accompagnement des copropriétés dans le
compostage en pied d’immeuble. Trivial Compost, faisant figure de « petit poucet »(5), souhaite initier
une coopération avec les autres associations bisontines d’éducation à l’environnement afin
d’apporter une réponse commune qui soit crédible, complète et fédératrice. Malheureusement, cette
expérience se solde par un échec en raison de la difficile convergence des différents points de vue
réunis. Les associations les plus expérimentées ont insisté pour gonfler le devis présenté au
SYBERT et c’est la Fabrique des Gravottes (entreprise qui conçoit et assemble les composteurs) qui
est finalement retenue pour assurer l’accompagnement des projets de compostage en pied
d’immeuble. La tournure légèrement polémique que prend finalement ce louable projet de
coopération inter-associative déflore la conception idéaliste du monde associatif qui était alors celle
de Trivial Compost.

Jean : « Et puis bon, à travers ces réunions on s’est rendus compte que c’était la guerre entre toutes les
associations d’éducation à l’environnement. Et puis là, quelque part, on a perdu notre virginité. L’associatif c’est
ultra-concurrentiel, c’est à couteaux tirés quoi. » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars
2012.)

Trivial Compost tire des enseignements de cette expérience avortée et décide de répondre
seul à l’appel d’offre du SYBERT l’année suivante, ce qui se traduit cette fois ci par un succès. Dès
lors, le statut de prestataire du SYBERT donne du crédit et une viabilité économique à l’association
qui peut progressivement employer des salariés (principalement via des contrats aidés) et acquérir
des moyens logistiques (local, véhicule utilitaire, etc.). Toutefois, ce nouveau statut est source de
tensions entre les objectifs de base de l’association et les objectifs inhérents à son statut de
prestataire du SYBERT. Sa mission d’accompagnement des copropriétés dans la mise en place
d’opérations de compostage collectif l’oblige à accorder la priorité au compostage sur d’autres
thématiques qui lui tiennent à coeur.

Jean : « Bon, là on est deux ans après, et c’est vrai que le ”via le compost”, à part dans le discours, c’est difficile
de le trouver palpable parce qu’on a voulu trouver une viabilité économique pour qu’on soit une association et
qu’on ait aussi des permanents. Et ben, ouais, là on est dans le compost la tête dans le guidon et prestataire du
SYBERT. Ça c’est clair et net. » (Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.)
Trivial Compost se confronte au dilemme des associations environnementales(6) qui se traduit par la
difficulté de concilier une dimension militante à une dépendance vis-à-vis des financeurs.
L’association, faisant de nécessité vertu, compose dans un entre-deux qui, nous le verrons, est à la
fois un frein et un moteur pour l’action associative.

Notons au passage que les deux stratégies défendues par Trivial Compost pour avoir une
influence à un niveau plus global sont le recrutement de nouveaux alliés dans une population qui
n’est pas acquise à la cause écologique et la convergence des pratiques et réflexions alternatives via
la coopération et la mutualisation des forces associatives positionnées dans ce domaine(7).

1 Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.
2 Le « Co » est synonyme de « concret, coopération, compostage, etc. ».
3 « Au sein du monde associatif, la professionnalisation désigne, soit l’importation de méthodes se voulant
professionnelles, par opposition à un amateurisme associé aux bénévoles, soit l’embauche de spécialistes ou de
professionnels dûment formés aux techniques utiles dans les « fonctions » de l’entreprise comme le marketing, la
communication, les ressources humaines, etc. Ou encore, dans un troisième sens assez différent, le statut salarié de
ceux qui n’exercent pas de manière bénévole (par exemple, les pompiers professionnels, opposés aux pompiers
volontaires). » UGHETTO Pascal, COMBES Marie-Christine, « Entre les valeurs associatives et la
professionnalisation : le travail, un chaînon manquant ? », in Socio-logos. Revue de l’association française de
sociologie, 2010 : n°5.
4 Deux membres de l’association partent en Belgique suivre une formation de maîtres composteurs auprès de
l’organisme qui fait figure de référence en matière de compostage, le Comité Jean Pain
5 Entretien avec Jean, salarié de Trivial Compost, le 9 mars 2012.
6 « En fin de compte, soit les associations canalisent leur capacité mobilisatrice vers la construction d’un relais
d’influence qui tend à les assimiler à une structure parapublique, soit elles préservent leur capacité mobilisatrice
autonome, au prix d’une faible institutionnalisation et du maintien d’une concurrence, souvent difficile à tenir avec
les associations participatives et les groupes politiques traditionnels. Mais sans doute est-il préférable de ne pas
analyser cette configuration en termes de dilemme participation-intégration/autonomie-protestation et de considérer
que le système d’action caractéristique des associations de défense de l’environnement s’organise en tension entre ces
deux polarités, la plupart d’entre elles combinant dans leur registre d’action, selon les moments et les enjeux, l’une et
l’autre démarche. » LASCOUMES Pierre, L’éco-pouvoir, Paris : La Découverte, 1994 cité in LHUILIER
Dominique, COCHIN Yann, op. cit., p. 42.
7 Cette conception des leviers pour atteindre un changement systémique est véhiculée par les acteurs promouvant une
« décroissance soutenable », projet dans lequel s’inscrit Trivial Compost : « La difficulté est de dégager des
capacités pour mettre en synergie des actions intervenant sur des plans ou dans des registres différents. Comment
créer structurellement les conditions d’une participation collective ? Les dynamiques de réseaux, et plus
particulièrement de mise en réseau d’expérimentations diverses (comme les systèmes d’échanges locaux [SEL], les
Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne [AMAP]…), peuvent se présenter comme une piste et leur
développement conjoint mérite donc d’être regardé plus attentivement. Un changement à un niveau systémique,
comme celui promu sous le label de la « décroissance soutenable », ne peut effectivement se faire sans une forme de
coordination entre un large ensemble d’acteurs et une mise en commun, voire une synergie, de ressources et de
compétences. ». RUMPALA Yannick, « La décroissance soutenable face à la question du « comment ? » », in
Mouvements, 3/2009 : n° 59, p. 163-164.

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