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1. Apports théoriques et état de la question

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L’analyse du discours est une discipline qui prône l’hétérogénéité, elle puise sa matière dans différentes sciences. Elle se situe « au point de contact entre la réflexion linguistique et les autres sciences humaines » (Maingueneau, 1976 : 3), elle reprend pour son compte les méthodes et outils théoriques de ces dernières et de là se fraye un chemin en vue d’arriver à une certaine exhaustivité analytique. C’est pour cette raison qu’il est peu aisé de délimiter les contours de cette discipline (analyse du discours), mais en même temps beaucoup de chercheurs tendent vers elle. Car ils y trouvent une certaine liberté méthodologique. L’analyse du discours « récemment annexée à la problématique linguistique n’a pas encore dépassé le stade des prolégomènes et cherche encore à constituer sa méthodologie et son objet » (Maingueneau, 1976 : 3).

Mais avant d’aller plus loin de notre étude, il est important, si ce n’est nécessaire, de donner une définition claire du terme même de discours. Selon la conception courante, le discours est une sorte d’actualisation de la langue. En cela, il est proche de la parole qui est elle-même une utilisation individuelle d’un système de règles établi et reconnu (la langue). On appelle discours, « toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelques manières… Correspondances, mémoires, théâtre, ouvrages didactiques, bref tous les genres où quelqu’un s’énonce comme locuteur et organise ce qu’il dit dans la catégorie de la personne » (Maingueneau, 1976 : 11). Le terme discours est repris par Dominique Maingueneau, dans initiation aux méthodes d’analyse du discours, où il l’expose d’une façon détaillée(11) ; il associe ainsi, à l’instar d’E. Benveniste, discours et énonciation et cite le linguiste européen en reprenant sa définition « l’énonciation suppose la conversion individuelle de la langue en discours » (Maingueneau, 1976 : 11). Cependant, la définition qui nous semble pertinente pour l’étude du mot harraga, est celle donnée au numéro 6, qui stipule que la notion de « discours » « s’oppose… comme ensemble fini, relativement stable d’éléments au discours, entendu comme lieu où s’exerce la créativité, lieu de la contextualisation imprévisible qui confère de nouvelles unités de la langue. C’est ainsi qu’on dira que la polysémie d’une unité lexicale est un fait de discours qui se convertit progressivement en fait de langue. » (Maingueneau, 1976 : 12)

Cette conception pose donc une incessante navette de la langue au discours et du discours à la langue. Tout d’abord, le discours actualise la langue chaque fois qu’un sujet parlant l’utilise et ensuite, l’apport des discours qui infléchissent des sens nouveaux qui sont intégrés en langue par la suite.

1.1 L’évolution de la sémantique linguistique

« La sémantique linguistique peut se définir comme la discipline qui cherche à expliciter les propriétés des formes linguistiques leur permettant ultimement d’évoquer l’univers d’expérience. Ces propriétés se trouvent aujourd’hui l’objet de débats animés »(12) (Larrivee, 2008 : 9). Cela est pour nous une évidence, car, nous le savons, la sémantique — dans le domaine de la linguistique — est loin d’emprunter qu’un seul itinéraire pour rendre compte des faits de langue. En effet, les auteurs qui ont traité de la sémantique ont fait appel à des outils théoriques différents et ont appréhendé la science du sens (sémantique) en s’inscrivant dans différents paradigmes de recherche. Afin de rendre ce que nous venons d’avancer, plus cohérent, nous vous proposons de suivre l’évolution de la sémantique, et par la même occasion nous vous invitons à considérer de très près le choix théorique pour lequel nous avons opté.

1.1.1. La sémantique de BRÉAL

C’est principalement à Bréal, essai de sémantique (1897), que nous devons les études sémantiques actuelles. C’est lui qui a ouvert la voie à une théorie sémantique centrée sur la diachronie qu’il a élaborée en l’axant sur la signification et en visant à identifier les causes et les mécanismes des changements linguistiques (Bréal, 1955 : 2). Grâce à Bréal, le sujet-énonciateur se voit attribuer la place qui lui revient de droit lors de l’étude du langage humain (Bréal, 1955 : 2).

Bréal s’inscrit dans le paradigme psychologiste et c’est exactement le paradigme sur lequel nous avons porté notre choix. « Le paradigme psychologiste pose le rapport entre le langage et une pensée animée par la vie mentale du sujet. » (Larrivee, 2008 : 19.) Beaucoup de chercheurs ont repris les apports théoriques de Bréal en apportant leurs touches personnelles à tel point qu’on est loin de retrouver la sémantique de Bréal de nos jours.

Toutes les recherches effectuées dans ce sens attribuent à la science du sens un rôle qui en fait une discipline floue et difficile à cerner.

1.1.2 La sémantique structurale

La sémantique structurale constitue un apport théorique qui s’oppose catégoriquement à celui élaboré par Bréal. Alors que ce dernier étudiait l’évolution des langues dans l’histoire, les précurseurs de la sémantique structurale et à leur tête Greimas (1966), eux prônent une étude de la langue en synchronie.

La sémantique est une discipline qui demeure souvent en retrait. Ceux qui veulent l’approcher craignent de ne pouvoir la cerner et ceux qui la cernent craignent de s’en approcher. Et cela, Greimas le résume parfaitement lorsqu’il pose que « le problème de la signification se situe au centre des préoccupations actuelles » (Greimas, 1986 : 5). Ainsi, dans sémantique structurale, Greimas redonne vie à l’étude des significations (sémantique), il lui attribue la place qui lui revient de droit. Longtemps ignorée, la sémantique se trouve aujourd’hui indispensable aux études entreprises en linguistique. Et cela est pour nous une évidence : comment pouvons-nous prétendre faire une étude linguistique sans passer par l’étude des significations des unités qui constituent la langue ? Autrement dit : comment se passer de la sémantique dans l’étude d’une langue alors qu’elle est reconnue comme étant l’une des composantes au même titre que la phonologie et la syntaxe ? Ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui — après avoir été surnommée la parente pauvre de la linguistique (Greimas, 1986 : 6) — on lui attribue l’appellation de science pilote (Greimas, 1986 : 6 ).

En ce qui concerne notre travail, il est impossible de concevoir l’étude d’un vocable, et qui est pour nous le signifiant « harraga », sans passer par sa signification. En effet, si ce terme existe c’est justement parce qu’il a un sens, un signifié ; ce signifié n’est pas né par hasard ; il y eut pour cela un certain nombre d’événements qui ont contribué à lui donner vie et ainsi faire de lui le signifiant d’aujourd’hui. Ce dernier arrive à circuler grâce à une structure bien déterminée qui lui permet d’exister et d’évoluer au contact des autres unités en présence. Et c’est justement auprès de ses « camarades » de structure que le signifiant tend à développer son signifié.

Comme nous l’avons signalé auparavant, il s’agira pour nous d’étudier la structure des discours qui traitent du phénomène de la harga en Algérie. Et pour ce faire, nous partons de la conception greimasssienne du terme illustrée comme suit :

« A/est en relation (s) avec/B. A et b étant deux termes constitutifs de la structure ; S étant le contenu sémantique de la relation. » (1)

C’est ainsi que s’effectuera notre étude. Elle tentera de cerner les relations qu’entretiennent certaines unités linguistiques, et poser à partir de là, quels sens elles acquièrent quant à cette relation ?

Lorsque Greimas parle de termes objets, il entend la relation qui doit être effectuée lors de l’étude des deux plans du langage. Pour lui, il est nécessaire de passer par l’un dans l’étude de l’autre.

Lorsque nous analysons un segment de discours, nous devons nécessairement passer par l’étude sémantique du lexique utilisé. En effet, le choix qu’opère l’énonciateur entre tel ou tel lexème est déterminant des représentations qu’il se fait de l’objet de son discours ; et ceci détermine donc l’orientation de ce dernier (le discours). Aussi comme le dit si bien pierre Patrick Haillet « la structure de l’énoncé détermine son aptitude à jouer telle ou telle fonction discursive » (Haillet, 2007 : 50)

1.1.3 La sémantique interprétative

Cette sémantique est issue des travaux de François Rastier, élève de Greimas, fonde une théorie minutieuse qui vise à mettre en relation dialectique des signifiés à l’intérieur d’un énoncé donné. La sémantique interprétative a mis au point une vaste terminologie, elle a mis au point différents paliers sémantiques allant du morphème au texte(13).

1.1.4 La sémantique catégorielle

Parler de sémantique catégorielle revient nécessairement à classer certains objets du monde et les mettre ensemble en vérifiant les sèmes qu’ils peuvent avoir en commun pour décider de l’appartenance à une catégorie donnée. Pour être admise, une entité doit avoir des traits en commun avec la catégorie.
La sémantique catégorielle a donné naissance à de multiples travaux de chercheurs qui ont su trouver en cette discipline un moyen de rendre plus accessible des phénomènes assez complexes telle la polysémie en langue.

1.1.4.1. Le courant objectiviste de la sémantique du prototype :

Catégoriser un objet du monde c’est en quelque sorte le représenter comme appartenant à telle ou telle catégorie.

Une entité pour qu’elle puisse être intégrée, doit impérativement remplir les conditions nécessaires et suffisantes (CNS) qui lui permettent d’être associée à d’autres entités d’une catégorie donnée. En guise d’illustration, nous considérerons le schéma suivant : A et B sont des entités appartenant à une catégorie X. Pour être admises, A et B doivent posséder des sèmes communs ; avant d’intégrer X, ils ont dû passer par des critères de sélection. X exige que ses entités remplissent les conditions d’accès à son territoire. Telle est du moins la définition donnée par le modèle aristotélicien de la catégorisation. Ce dernier voit la chose de façon claire et nette selon une certaine rigidité ; il stipule que « la catégorisation s’opère sur la base de propriétés communes. Les membres d’une catégorie présentent des traits identiques. Si un objet particulier est perçu comme étant un arbre, c’est parce qu’il possède les caractéristiques qui définissent la catégorie ou le concept d’arbre. On regroupe les choses ensemble sur le principe de propriétés partagées. » (Kleiber, 1999 : 13-14)

Cette conception de la catégorisation a subi des modifications à la suite de travaux portant sur la prototypie dont le but est de construire d’autres fondements épistémologiques en proposant un métalangage plus adéquat et plus approprié. Le modèle ainsi obtenu permet d’appréhender la catégorisation linguistique d’une façon plus flexible.

1.1.4.2. Sémantique du prototype : version standard

La version standard du prototype a apporté un renouveau à la conception de la catégorisation dont se proclamaient les classiques ; la prototypie est avant tout une science qui a trait à la cognition. Elle tente de pénétrer en quelque sorte les structures cognitives du locuteur. Elle (version standard) ne répond plus aux mêmes exigences.

Un prototype est une instance typique d’une catégorie et les autres éléments sont assimilés à cette catégorie sur la base de leur ressemblance perçue avec le prototype (Kleiber, 1999 : 57)

1.1.4.3. Sémantique du prototype : version étendue

Les membres d’une catégorie ne sont pas obligés d’avoir des traits en commun avec le prototype pour intégrer la catégorie, ils peuvent n’avoir que des ressemblances de famille entre eux ainsi que le stipule la version étendue de la sémantique du prototype.

À la question pourquoi avoir opté pour la théorie de la sémantique catégorielle, nous répondrons que cette dernière permet de classer les mots du point de vue sémantique en adoptant une méthode de catégorisation qui facilite l’accès au sens. Pour être plus explicite il nous a paru très compliqué de saisir avec précision le sens exact attribué au praxème harraga suite à la lecture du corpus. Par sens nous n’entendons guère le sens primitif, premier que l’on donne au mot, mais bien de cerner l’individu qui se cache derrière. C’est pour cette raison que nous nous sommes tournés vers la sémantique catégorielle, car cette dernière permet de classer les mots en termes de sèmes prototypiques.

Nous avons donc pu, en étudiant notre corpus, déceler le prototype du harraga et qui est pour nous : personne jeune, de sexe masculin, moyens limités, faible niveau d’instruction, de nationalité algérienne(14). C’est donc ces sèmes que nous pensons être à même de définir le prototype harraga. Ainsi, un jeune garçon est plus harraga qu’une jeune fille par exemple, un vieux est plus harraga qu’un jeune… Il va de soi maintenant que pour mettre dans la catégorie HARRAGA un individu il doit répondre à quelques critères assignés au prototype. Nous l’avons dit plus haut, le prototype est le meilleur représentant ou le premier exemplaire d’une catégorie.

La conception du prototype selon la version étendue marque une sorte de rupture avec la version précédente, mais en même temps regroupe toutes les conceptions autour du domaine de la catégorisation.

Le prototype devient dans la nouvelle version de Kleiber, non pas le meilleur exemplaire d’une catégorie donnée, mais « une notion prototypique » (Kleiber, 1999 : 147) et, l’on parle dès lors de « degré de prototypicalité » (Kleiber, 1999 : 750). Ce qu’il y a de différent entre la version standard et la version étendue c’est le fait que le prototype, selon cette dernière, ne remplit pas forcément tous les traits sémantiques qui lui permettent d’appartenir à la catégorie ; le prototype devient une sous-catégorie abstraite qui peut ou non acquérir toutes les conditions nécessaires et suffisantes.

Ce qui ne donne pour résultat que les individus harraga n’ont parfois aucun trait en commun avec le prototype que nous avons pu établir, mais possèdent des ressemblances de famille aussi minimes soient-elles.

1.1.4.4 La ressemblance de famille

Ce sont les ressemblances qui permettent à telle instance ou propriété d’intégrer la catégorie. La théorie de ressemblance de famille se rapproche de l’étude polysémique d’un mot, elle proclame qu’un mot est en mesure en même temps d’appartenir à une catégorie, mais aussi de changer de catégorie en changeant de noyau sémantique.

Dans la version standard, la ressemblance de famille se faisait avec le prototype qui reste le meilleur exemplaire de la catégorie et donc le gardien d’entrée de cette dernière. Dans la version étendue, elle sauvegarde son statut, mais elle écarte le prototype comme meilleur exemplaire de la catégorie.

1.2 Le paradigme énonciatif

L’énonciation est devenue de nos jours un élément clé pour toutes les études entreprises en science du langage. Elle est « l’objet d’une exploration de plus en plus diversifiée » (Cervoni, 1987 : 7)

« Les théories de l’énonciation s’accordent pour considérer la langue saussurienne, le code structuraliste et la compétence chomskyenne comme des définitions de l’objet de la linguistique réductrice à l’excès, notamment en raison des insuffisances qui en découlent dans l’analyse du sens. » (Idem : 12)

Semblable aux travaux de Ferdinand de Saussure, la linguistique a connu de nouvelles méthodes d’approche. L’une d’elles, appelée analyse distributionnelle, est d’origine américaine ; elle a vu le jour grâce aux travaux de E. Sapir et de Bloomfield. Dans cette conception, on considère que les comportements humains résultent de déclencheurs externes qui les influencent et les conditionnent. Ainsi, « un acte de parole se présente comme un type de comportement particulier, déterminé par la situation dans laquelle il apparaît, qui constitue son stimulus » (Laffont, 1976 : 26)

Cette idée de stimulus/réponse, qui s’inspire de la psychologie béhavioriste, a été développée par d’autres chercheurs tels que Z S. Harris qui a introduit la notion de contexte.

1.2.1 Le contexte

Le contexte devient grâce à la méthode distributionnelle un élément dont on ne peut faire abstraction lorsqu’on étudie diverses unités linguistiques. Le problème qui se pose avec l’analyse distributionnelle, tout comme celle de Saussure est que l’on est toujours confronté à la difficulté du sens (le fond).
Cependant, ce que les distributionnalistes avaient omis c’est qu’il y a certaines phrases qu’il est impossible d’imaginer si l’on ne se réfère pas au contexte et si l’on n’oublie l’élément clé de tout énoncé : un sujet-énonciateur réel.

1.2.2 Le sujet-énonciateur

Chaque être social a sa manière de concevoir le réel et donc émet un point de vue sur ce dernier. Ainsi, c’est à travers les discours que l’on arrive à comprendre et à cerner la prise de position d’un tiers : sujet-énonciateur du discours.

En effet comment peut-on passer outre ces éléments dans l’étude d’une langue donnée ? La situation d’énonciation est la base de toute étude linguistique. En ce qui concerne le sujet-énonciateur, chacun de nous a sa propre vision du monde alors si l’on veut arriver à rendre compte de tous les énoncés possibles il faut faire appel à tous les locuteurs du monde et étudier individuellement leur discours. Cette conception selon laquelle on ne peut guère se passer du sujet parlant, Chomsky l’a bien comprise et il en parle de manière explicite en disant : « un sujet parlant dispose d’un savoir linguistique implicite qui conditionne sa parole et doit être pris en compte par le linguiste » (Laffont, 1976 : 29).

En ce qui concerne notre étude, le sujet-énonciateur est le journaliste ; dans chaque article que nous étudierons, il y aura bien évidemment un journaliste qui aura produit ledit article. Ce qui est important à préciser c’est qu’il ne faut nullement considérer le discours journalistique comme un discours « neutre » destiné seulement à transmettre des informations, mais plutôt le poser comme une activité à travers laquelle l’énonciateur-journaliste se situe par rapport à son énonciation, à son énoncé, au monde, aux énoncés antérieurs ou à venir (intertextualité).

Le journaliste laisse des traces de sa subjectivité à divers moments de son discours, et ce afin d’illustrer implicitement son point de vue. Il s’agira pour nous de retrouver ces traces laissées par le sujet afin de déterminer son positionnement énonciatif. Souvent, le journaliste « a l’intention de communiquer autre chose que ce que son énoncé signifie dans sa littéralité ; son but est d’amener son allocutaire à l’interprétation correcte, au-delà du sens littéral.
C’est là le problème des sous-entendus » (Maingueneau, 1999 : 16)

Nous verrons que le journaliste privilégie tel ou tel lexique même s’il est obligé de répondre à certaines règles d’éthique professionnelle.

Ce qui caractérise nettement le discours journalistique c’est que le sujet — énonciateur ne se pose pas comme je explicite qui s’adresse à un tu ; mais un « je » caché qui n’est pas toujours facile à cerner. Il y a dans le discours journalistique un je virtuel qui s’adresse à un tu ou à un vous tout aussi virtuel.
Ceci dit, nous préférons adopter l’appellation productreur plutôt que celle de sujet-énonciateur. Ce choix est dû au fait que notre orientation disciplinaire s’est portée sur la praxématique qui considère le sujet-parlant non pas comme un énonciateur de discours seulement, mais bien un producteur, car ce dernier produit du sens à chaque acte de parole ; même cela est fait de manière implicite.

1.2.3 L’implicite

Dire d’un contenu sémantique qu’il est implicite cela revient à parler du sujet parlant celui qui a énoncé le discours. En effet, le locuteur a parfois envie de dire certaines choses sans pour autant montrer clairement qu’il a envie de les dire. Pour ce faire, il met en scène certains procédés qui lui permettent de se cacher ou de cacher son intention de dire derrière un non dit. Ce non-dit implique les destinataires du message, c’est à eux qu’incombe la tâche de l’interprétation. Les récepteurs du message ont pour mission de décoder le dit afin de retrouver le non-dit : l’implicite. Ce dernier prend une place prépondérante dans les discours, qu’il s’agisse de discours officiel ou autres. Pour beaucoup de personnes, il est beaucoup plus facile de dire les choses de manière indirecte que de les énoncer directement.

Le locuteur peut communiquer son avis concernant un fait donné — objet de son discours — sans pour autant affirmer explicitement qu’il y a eu communication subjective de sa part. Pour reprendre les mots de Ducrot nous dirons que l’« on a bien fréquemment besoin, à la fois de dire certaines choses, de les dire, mais de façon telle qu’on puisse refuser la responsabilité de leur énonciation » (Ducrot, 1972 : 5). Kerbrat-Orecchioni dit à ce propos : « On ne parle pas toujours directement. Certains vont même jusqu’à dire qu’on ne parle jamais directement. » (Orecchioni, 1998 : 5)

« Nous considérons comme présupposés toutes les informations qui sans être ouvertement posées […] sont cependant automatiquement entraînées par la formulation de l’énoncé, dans lequel elles se trouvent intrinsèquement inscrites, quelle que soit la spécificité du cadre énonciatif » (idem : 25)

1.3 Le paradigme pragmatico-énonciatif

Parler de pragmatique c’est nécessairement penser aux études entreprises par Austin et Searle (1969) qui posent le langage, quel qu’il soit, comme un acte effectué par un locuteur vis-à-vis d’un destinataire afin d’agir sur lui ou sur le monde qui l’entoure. Cet acte de langage nous mène vers une étude sémantique des énoncés en prenant en considération les mécanismes mis en place par le locuteur et qui tendent à agir sur le récepteur. Ce premier met en scène des stratégies implicites de communication.

« La pragmatique est cette sous-discipline linguistique qui s’occupe plus particulièrement de l’emploi du langage dans la communication » (Blanchet, 1995 : 9). Toute communication est, pour elle, une action, cette dernière est l’objet même de la pragmatique. Peu après un nouveau terme fait son apparition : celui de performatif. Ce dernier est pour Austin non pas une description des actions en langage, mais est lui-même une action en soi. Ainsi, dans « la célèbre formule dire c’est faire la simple assertion est déjà un acte de langage qui recèle une intention » (Blanchet, 1995 : 72)

1.4 La praxématique :

La praxématique est une discipline qui en regroupe d’autres, on reconnaît en elle l’héritière de la linguistique puissancielle de guillaume et en même temps elle est une science du texte qui permet d’appréhender le lexique dans son effective réalisation. Elle est appelée théorie de la « production du sens » (Barberis, et al, 1989 : 29-47) car elle étudie ce dernier non pas en se souciant de son sens premier15, mais du sens qu’il acquiert lors de son actualisation en discours, plus encore de sa réalisation.

La praxématique est une science qui entreprend une étude très minutieuse du sens, elle est en quelque sorte héritière des théories post-structuralistes, car elle remet en question tout comme ces dernières la conception linguistique de Saussure. Ce dernier qui écartait toute étude concrète et réaliste qui prendrait en compte l’existence d’un sujet parlant a éveillé la curiosité des théoriciens qui lui ont succédé.

Ceci dit, même si cette science intègre la référence(16) dans son champ d’études elle ne la renvoie pas pour autant à l’extralinguistique, elle en fait une composante matérielle, un processus dynamique du fonctionnement langagier opéré en discours par le sujet-parlant. Ce dernier construit et déconstruit le réel selon sa propre expérience du monde, sa praxis humaine. Ainsi les chercheurs de la revue Praxiling redonnent au sujet – parlant la place qui lui revient de droit. La praxis(17) est l’activité pratique et concrète de sujets qui sont déterminés sociohistoriquement.

La praxis suppose l’existence du réel, pour cela, la praxématique est une linguistique matérialiste, car elle reconnaît dans le fonctionnement du langage lui-même le rapport dialectique qu’il entretient avec le réel. « La praxis est une activité humaine de production matérielle, linguistique et cognitive. » (Barberis 1988-1989 : 73)

« La praxématique se pose comme une linguistique de la parole. Elle rencontre en cela la sémantique interprétative, l’analytique hjelmslevienne, et les pratiques d’analyse de discours diverses et variées. » (Sadoulet, 2009 : 26) et, elle est « une linguistique à la fois dynamique, psychologique, pragmatique, sociologique, réaliste de la production » (Laffont, 1976 : 87).

La praxématique envisage le sens comme « interprétation du monde, la langue maille le réel, le met en discontinuité signifiante, constitue une grille qui l’enveloppe : la logosphère ». (Bres, 1988 : 35)

Nous aurons à appréhender non pas le sens, mais les productions de sens assurés par le praxème harraga. On s’attachera à saisir ses fonctionnements en discours. En effet, « Pour la praxématique, la production de sens naît des rapports pratiques de l’homme avec le monde, qui en retour s’en trouvent médiatisés : on n’atteint jamais le sens des choses, mais le sens donné aux choses. » (Bres, 1989 : 23)

1.4.1 Le concept clé de la praxématique : le praxème

Afin de donner vie à notre recherche et surtout confectionner son squelette, il nous a semblé nécessaire de passer par la première notion en linguistique « le signe linguistique » de Ferdinand de Saussure afin d’expliquer ensuite pour quelle raison nous avons remplacé ce dernier par le mot « praxème. » Comment pouvons-nous envisager de faire un travail de recherche en sciences du langage en faisant abstraction de cette notion qui représente à elle seule la base de toute étude linguistique ?

Nous savons aujourd’hui que le signe linguistique a pour principale définition une entité à deux faces : une face signifiante et une face signifiée.

Mais les problèmes auxquels se sont heurtés les linguistes avant l’avènement de la grammaire de Gustave Guillaume c’est le fait de ne voir dans les éléments d’une structure que des entités linguistiques qui ne se prêtent à l’analyse qu’à travers la relation qu’elles entretiennent les unes avec les autres.

Ainsi, se trouve écarté de cette étude « le référent » qui est pour Saussure un élément extralinguistique et que de ce fait n’a aucune pertinence lors de l’analyse des énoncés.

Ceci dit, même si nous avons donné une grande importance aux études structuralistes, elles nous semblent incapables de combler d’un point de vue exhaustif l’étude du mot « harraga ». Pour cette raison évidente, nous avons opté pour la praxématique, car elle nous semble plus à même de répondre à notre problématique.

Aussi, dans son cours de linguistique générale (CLG), Ferdinand de Saussure a écarté l’étude de la parole qui était pour lui qu’une réalisation donnée de la langue. Pour Saussure, la langue est la partie sociale du langage qui est défini comme aptitude innée à communiquer a deux côtés distincts l’un individuel l’autre social. La parole serait donc la partie individuelle qui permet à chaque être social de la manipuler à sa guise et d’en donner une touche personnelle.
Aujourd’hui, les études entreprises convergent plus vers l’étude de la parole à travers les unités linguistiques que vers l’étude de la langue comme objet isolé de toutes contraintes extérieures. La parole suscite l’attention, les chercheurs en sciences du langage cherchent à cerner les intentions communicatives des sujets-énonciateurs (ou scripteurs) lorsqu’ils mobilisent la langue pour leur propre compte.

Au temps de l’ère saussurienne, les recherches en linguistique visaient à observer le fonctionnement de la langue de façon terre à terre ; ce qui a fait l’objet d’un bon nombre de critiques déjà en ce temps-là.

Le praxème comme nous l’avons signalé ci-dessus a pris la place du signe linguistique de Saussure. S’inscrire en praxématique, c’est nécessairement faire appel au praxème qui est l’élément le plus pertinent, car c’est lui qui produit du sens. Il programme ce dernier, le fait vivre et c’est à travers le processus de sa signifiance que nous pouvons avoir accès à la praxis du sujet-producteur.

Le praxème ne possède pas de sens préétabli, il en produit lors de son utilisation en discours, « il est le seuil permissif des actualisations de discours qui se rejouent à chaque emploi par la liberté de l’individu » (Sadoulet, 2010-2011 : 48) « Le praxème est considéré comme un signifiant, mais auquel on ne fait correspondre aucune unité de sens qui préexiste au discours. C’est dans ce discours que les phonèmes (moyens phonologiques) sont appelés à produire le sens dont ils sont capables. » (Amrane, 1997 : 40)

Selon cette définition, le discours a donc toujours une intention sous-jacente. Le discours selon Haillet est une « réalité matérielle, constituée par des séquences sonores ou écrites associées à du sens, et qui se prête à l’observation directe, s’y trouve appréhendée en tant qu’agencement — plus ou moins complexe — de représentations de “ce dont on parle” » (HAILLET, 2007 : 7). Un discours est admis généralement comme permettant de « décrire le monde réel ». À cela, nous rétorquons que le discours ne décrit pas réellement le monde réel, mais le monde de la personne qui mobilise la langue pour son compte.

La praxématique est une science qui constitue un prolongement des études entreprises par Guillaume dans sa célèbre psychomécanique du langage. En effet, la praxématique a emprunté de nombreux concepts à la théorie de Guillaume, mais elle diffère de cette dernière sur certains points.

Alors que le guillaumisme prend en ligne de compte l’importance du facteur temps lors d’une énonciation donnée par un sujet-parlant, la théorie praxématique elle, consacre son étude à la relation qui existe entre ce dernier et l’espace dans lequel il évolue. Bien sûr, il ne faut pas croire que cette science écarte toute étude temporelle de son champ d’investigation ; elle donne tout simplement plus de place à l’espace réel du sujet. Elle rencontre en même temps donc la chronogénèse(18) qui pourrait correspondre aux trois temps (in posse, in fieri et l’in esse) et la logosphère(19).

1.5 Étude des représentations

La communication médiatique mobilise le symbolique lorsqu’elle diffuse des signifiants dans un espace public et qu’elle échange des représentations. Ces dernières sont définies comme « l’image ou les images mentales qu’un membre d’une communauté donnée associe à une communauté ou à un autre membre de cette communauté » (Amrane, 1997/1998(20)).

On ne peut communiquer ses représentations qu’à l’aide de moyens langagiers. Ces derniers sont le support de toutes images mentales. Pour G. Vignaux et J.B. Grize, le lien entre ces deux notions est de nature étroite, car nos représentations sont toujours adressées à un tiers1. Cette mise en fonctionnement des représentations dans le discours doit passer par le sujet parlant ou communiquant et appelle nécessairement l’analyste du discours à établir le rapport du sujet à sa praxis, à l’objet du discours et à son destinataire.

En analyse de discours de représentations, on ne peut faire abstraction de la subjectivité du sujet parlant. Mais peut-on parler de subjectivité totale en ce qui concerne l’étude des représentations ? Si l’on considère le point de vue adopté selon lequel un discours est toujours traversé par d’autres discours.
À travers un corpus très large, la linguistique démontre une modification des approches du terme « harraga » selon les différences de représentations et d’idéologies. Les représentations fonctionnent donc selon des visions stéréotypées. La présentation du travail de Ruth Amossy sur le stéréotype va nous permettre de développer nos propos et d’amener notre étude vers le thème des représentations sociales. « Le stéréotype constitue l’équivalent de l’objet standardisé dans le domaine culturel. Il est l’image préfabriquée, toujours semblable à elle-même, que la collectivité fait monotonement circuler dans les esprits et les textes » (Amossy, 1991 : 21). Ainsi, les représentations du « harraga » se sont sédimentées dans les médias tout en se maintenant dans l’univers symbolique.

À retenir que nos perceptions sont déjà modelées par ces images collectives, ainsi ce que l’on sait conditionne ce que l’on voit.

Le stéréotype ainsi que la représentation sociale mettent en rapport la vision d’un objet donné avec l’imaginaire du sujet parlant. Les stéréotypes sont parfois assimilés à un processus entièrement péjoratif entraînant la négation de l’altérité.

La construction des images mentales se fait généralement par récurrence des discours au sein de la vie sociale. Ainsi, les discours sont tellement réitérés qu’ils s’ancrent de manière définitive et installent certaines images mentales.

La construction des discours se fait, elle aussi, par l’application d’images préétablies, de stigmates. Par exemple, le harraga est toujours identifié par des adjectifs qui font de lui une personne à plaindre dans certains cas ou d’une personne à incriminer dans d’autres. Les partisans font souvent référence à leur situation déplorable ex : victimes, incompris, les oubliés, etc. Ces adjectifs sont répétés dans chaque discours à tel point que nous arrivons à anticiper ce qui sera énoncé. Et c’est ainsi que cette stigmatisation par récurrence arrive à faire sens et applique une empreinte sémantique.

Ces images caricaturales et populaires donnent naissance au stéréotype. Ces derniers sont aussi vieux que l’humanité et reflètent l’idée que nous nous faisons de ceux qui sont différents de nous.

Stéréotyper un groupe peut affecter la manière dont la société le perçoit ; la récurrence des représentations diffusées crée le stéréotype. C’est aisni que ce dernier finit par être considéré comme une réalité et non plus comme une représentation parmi d’autres.

Le stéréotype est un concept qui est d’abord interprété de façon générale, il renvoie, à la nature des processus mentaux.

En psychologie sociale, on considère que les individus organisent leurs croyances, leurs jugements, de ce qui vient de l’extérieur. De là, il y a établissement de classe selon le point de ressemblance des individus. On organisera des catégories en leur attribuant des valeurs pour obtenir des stéréotypes.
Le stéréotype ne reflète pas la réalité, mais l’illusion de la réalité qu’ont les individus qui façonnent le monde selon leurs représentations.

Le problème avec le stéréotype est qu’il est difficile de s’en détacher ; il est figé, stigmatisé.

La stigmatisation se fait selon deux rapports : le rapport « logique » ou celui de « récurrence ». Le premier est le fait que le contenu sémantique d’un événement soit associé à un groupe donné. Le deuxième rapport est tout simplement le résultat d’une répétition d’un événement donné en lui conférant une empreinte sémantique.

Ce qui nous retient notre attention dans le cadre de la présente étude est non pas le phénomène social en tant que tel, mais le construit discursif(21).

1.6. Modalités d’énoncé et modalités d’énonciation

Dans son ouvrage introduction à l’analyse textuelle, Robert Laffont compare la communication humaine à la communication animale. Il stipule que l’humain contrairement à l’animal arrive à s’inscrire dans son discours, il peut, grâce au « je », montrer que c’est lui qui parle ou écrit, qu’il est émetteur d’un message donné. Il arrive à manifester ses pensées, ses envies et donner sa propre vision du monde qui l’entoure. Il donne un avis sur des événements actuels ou passés, parler d’une personne absente ou présente, etc. L’animal, quant à lui, ne peut qu’utiliser des bruits grâce auxquels il communique avec les autres animaux. Il informe ses semblables au sujet d’un danger ou il essaye de se localiser afin de permettre aux autres de le retrouver.

Le sujet parlant ou écrivant est toujours présent quand il produit un discours donné même s’il prétend à l’objectivité afin d’obéir à certaines règles en vigueur et ainsi il joue avec cette stratégie d’objectivité. Et pour reprendre les mots de J. Cervoni concernant cette approche, on dira que « toute production langagière émane de quelqu’un, s’adresse à quelqu’un et parle de quelque chose. Certes il existe des ruses pour masquer cette évidence » (1).

Le sujet-énonciateur qui est dans notre cas un journaliste se dissimule en s’effaçant et ne laissant apparaître aucune marque de modalité à l’intérieur de son discours. Cette stratégie n’est pas toujours simple à déceler « le je, considéré en général comme la marque par excellence de la subjectivité, cesse en partie de l’être dans certains cas » (Cervoni, 1987). Il en est ainsi pour le je caché employé par un sujet-énonciateur qui cherche à jouer la carte de l’objectivité.
De là, on dira que le locuteur a toujours quelque chose à dire à propos de la relation qu’il entretient avec son énoncé ou bien dire quelque chose à propos de la relation qu’il entretient avec les récepteurs de son message. Dans le premier cas, on parlera de modalités d’énoncé et dans le deuxième on parle de modalité d’énonciation. Ces deux types de modalité sont intégrés dans un type générique appelé modalité de dicton. En effet, les modalités selon certains chercheurs tels que Robert Martin par exemple sont classées selon deux types généraux : les modalités de re et les modalités de dicton.

Les modalités de re sont généralement toutes les parties du discours qui prônent les opérations de qualifications et de prédications dénotatives que l’on retrouve à l’intérieur de l’énoncé, par exemple les adjectifs. Lorsque l’on attribue ainsi une propriété descriptive (évaluative) à l’objet du discours, on parlera de modalité de re. Les modalités de dicto comme stipulé ci-dessus regroupent les modalités d’énoncé et les modalités d’énonciation. Elles constituent de manière générale toutes les relations qu’entretient le sujet parlant avec son énoncé et ses énonciataires.

Afin de mieux expliquer les deux sous-types de modalités (modalité d’énoncé et modalité d’énonciation), nous résumerons cela en disant que pour les modalités d’énoncé, il est question des marques qui expriment le point de vue du locuteur concernant son énoncé ; pour les modalités d’énonciation, il s’agit des marques qui montrent les sentiments ou jugements du locuteur concernant les destinataires de son discours ; c’est-à-dire lorsque le locuteur tente une communication avec l’autre. Nous sommes donc dans le cadre de la production d’un espace qui prend bien en charge l’intersubjectivité.

Notre objectif, par le biais de cette étude, est de voir comment ces marques linguistiques, qui expriment l’intersubjectivité, entraînent des actualisations sémantiques exprimées de manière implicite et comment à travers les procédés de modalisation, l’énonciateur arrive à construire la catégorie {HARRAGA}.

1.7 Le fantôme de la vérité :

Dans notre type de discours qui est le discours médiatique, nous avons constamment un je qui parle. Ce dernier nous l’avons stipulé précédemment peut se manifester ou non dans son énonciation. Souvent, il est absent de son discours, il relate un fait et en s’adressant à un tu ou à un vous, il s’efface afin de laisser à ces derniers le soin de comprendre et déduire les messages des énoncés.

En effet, c’est aux destinataires que revient l’interprétation du discours c’est à l’interprète qu’incombe la tâche de la vérité ou la fausseté du dit. C’est là un principe fondamental de la praxématique qui se préoccupe de savoir comment le récepteur reçoit le message et comment il arrive à le comprendre. Pour ce faire, le destinataire doit se renseigner sur la praxis(22) humaine du sujet parlant. Et cela n’est pas toujours facile, d’où l’appellation fantôme de la vérité. Cette expression désigne le fait de ne pouvoir attribuer à un énoncé la valeur de vrai ou faux. Il s’agit d’énoncés où le locuteur en tant que « je » se pose comme absent de son énoncé et laisse la parole à un il nommé la « personne d’univers » (Cervoni, 1987 : 33)

Robert Martin dans sa théorie des univers de croyance reprend grandement cette notion de vérité ; il stipule qu’il est difficile de reconnaître la fausseté ou la vérité d’un énoncé et que cela dépendait de l’univers de croyance du sujet. C’est ce dernier qui donne au discours ce caractère. Robert Martin parle de monde possible qu’il divise en deux mondes : un monde potentiel et un monde contrefactuel. Le monde potentiel est celui qui peut recevoir le caractère de vrai. Il peut être réalisable ; le monde contrefactuel est celui qui peut recevoir le caractère faux.

11 Nous n’allons pas reprendre ici toutes les définitions repertoriées. Nous en exposerons quelques-unes, celles qui nous paraissent plus à même de répondre à notre problématique.
13 Nous expliquerons la terminologie plus en détails lorsque nous procéderons à son utilisation dans une de nos parties analytique.
14 Ce point sera détaillé plus loin.
15 La praxématique remet en question la problématique de l’immanence du sens.
17 La praxis est l’activité culturelle, sociale de l’homme. On ajoute à cela l’activité langagière.
18 la chronogénèse est l’étude du système verbo-temporel d’une langue.. Elle passe par différents temps et mode et chaque temps est appelé chronothèse ce qui nous donne que la chronothèse est une partie constitutive de la chronogénèse. Le monde quasi-nominal est la chronngénèse initiale, le mode subjonctif constitue la chronogénèse médiale ; et enfin la chronogénèse finale qui est le mode de l’indicatif.
19 La logosphère est en quelque sorte l’espace dans lequel évolue le locuteur du discours « La logosphère est la présence historicisée et culturalisée de l’homme à l’univers matériel, qui devient tout entier représentable » (Larrivee, 2008 : 46).
21 Les faits de discours, pour être expliqués, n’ont pas pas à recourir à ce à quoi ils renvoent dans la réalité exopsychique. Le phénomène en tant que tel interessera le sociologue, l’anthropologue. Le linguiste, lui, se charge de pénétrer les logiques constructrices de la la mise en discours.
22 La praxis est entendue comme action dans le cours de sa réalisation, elle s’oppose de ce fait à la pragmatique qui s’occupe de l’action produite (cf. Brussosa, M.M., l’autre dans la poésie surréaliste : une étude praxématique)

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