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1-1-PROBLEMATIQUE

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L’éducation des jeunes a toujours constitué une préoccupation dans les sociétés humaines. De ce fait, les décideurs dans chaque Etat investissent de gros budgets dans le milieu scolaire, en vue de garantir une bonne éducation à la jeunesse scolarisée. En Côte d’Ivoire, l’importance de cet investissement est perceptible à travers le montant des ressources financières allouées à l’éducation nationale. En effet, au titre de l’année 2012, le ministère de l’éducation nationale est le second ministère le plus pourvu en ressources financières après celui de l’économie et des finances. Il dispose de 440 395 259 431 francs.

Annexes portant répartition du budget 2012 par ministères (2011).

Malheureusement, les investissements massifs aussi bien étatiques que parentaux consacrés à l’école semblent être compromis par le développement de phénomènes sociaux à l’instar de la délinquance juvénile, la violence, les comportements sexuels à risque, les grossesses précoces, l’indiscipline, l’absentéisme, la toxicomanie, l’alcoolisme, le tabagisme sans doute à cause de la vulnérabilité de la jeunesse scolaire. C’est ce dernier problème qui fait l’objet de notre étude de par son actualité et sa récurrence à l’école.

Le tabagisme, selon le Dictionnaire des drogues et des dépendances (2009), est « La toxicomanie par l’usage du tabac ». D’une manière précise, le tabagisme est une intoxication périodique ou chronique de l’organisme humain due à la consommation de tabac. Mais en fait, qu’est-ce que le tabac ?

Le « tabac », dérivé de l’espagnol « tobaco », est un terme apparu au XVIe siècle. (Dictionnaire des drogues et des dépendances, op. cit.).

C’est une plante de la famille des solanacées dont les diverses espèces sont originaires d’Amérique du sud. Autrement dit, le tabac est un produit psycho-actif fabriqué à partir de feuilles séchées de plantes de tabac.

En Côte d’Ivoire, sa culture a été introduite de façon industrielle en 1942 par la société J.BASTOS. Elle est envisagée comme une production d’appoint susceptible d’augmenter le revenu des paysans en zone de savane (centre et nord du pays). Le tabac est consommé et principalement fumé sous forme de cigares, de cigarettes à l’aide d’une pipe ou d’un narguilé. Il peut être mâché, sucé ou prisé. S’agissant de la cigarette, la Côte d’Ivoire produit 2,5 milliards d’unités par an selon KOLANI (1997).

Contrairement aux vertus médicinales du tabac auxquelles avaient cru les premiers chercheurs, il n’est pas sans dommages pour l’organisme humain. Ainsi dès 1775, les premiers soupçons de relation du tabac avec le cancer sont-ils exprimés par des chercheurs comme Percival POTT, (FAWCETT, 2007). La fumée de tabac agit donc sur l’organisme de par sa température élevée (plus de 37°C), de par l’effet direct sur les voies respiratoires et le passage dans le sang de certains constituants de la fumée. Cette fumée contient plus de 4000 substances différentes dont les plus dangereuses sont entres autres la nicotine, le monoxyde de carbone, les substances irritantes et les goudrons.

La nicotine est l’un des poisons les plus violents qui existent. Elle est à l’origine de la dépendance au tabac et est à cet égard plus puissante que l’alcool, la cocaïne, l’héroïne. Le monoxyde de carbone détériore les parois des vaisseaux sanguins, provoque des maladies cardio-vasculaires et des asphyxies. Les substances irritantes sont à l’origine de l’inflammation des muqueuses, l’apparition de la bronchite chronique et de l’insuffisance respiratoire. Quant aux goudrons, ils engendrent à long terme les cancers tels que ceux de la bouche, du pharynx, du larynx, du poumon, de la peau.

La planète compte aujourd’hui 1,3 milliards de fumeurs, soit à peu près 1/4 de la population adulte et la plupart sont dépendants. La consommation de cigarette augmente régulièrement en raison surtout de la croissance de la population mondiale et du recrutement de nouveaux fumeurs, (Banque Mondiale 2000).

La moitié des fumeurs réguliers de cigarettes meurent prématurément de la consommation de tabac ; ce qui signifie que quelque 650 millions de personnes (soit la moitié des fumeurs actuels) qui sont vivantes aujourd’hui finiront par mourir d’une maladie liée au tabagisme, (OMS, 2008). Si l’on n’agit pas rapidement, la fréquence actuelle de décès par an dus au tabagisme estimée à 06 millions de personnes, pourrait dépasser 08 millions par an d’ici 2030, (OMS, op.cit.).

La situation tabagique occidentale n’est pas reluisante. En Europe, la proportion des jeunes scolarisés de 15/16 ans qui consomment quotidiennement au moins une cigarette par jour, se situait entre 11% et 36% selon l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES, 2007) de France. Cette proportion concerne 33 pays dont la plus faible est celle de la Turquie (11%) et la plus élevée, celle de l’Autriche (36%). En France, les adultes fumeurs de 18 à 75 ans représentaient, en 2005, 33% des hommes et 27% des femmes. Chez les jeunes de 17 ans en 2005, ce sont 41% aussi bien des garçons que des jeunes filles qui fumaient. Le corolaire de cette prévalence tabagique donnait en 2000, 60 600 décès annuels directement imputables au tabagisme dont 90% d’hommes, (INPES, op. cit.).

Alors que de nombreux pays développés ont commencé à inverser la tendance du tabagisme et des maladies associées, les projections de décès dans les pays en voie de développement augmentent de façon alarmante, selon les conclusions de la dixième conférence mondiale sur le tabac et la santé tenue du 24 au 28 août 1997 à Pékin, (KOLANI, op.cit). Ce sont les plus pauvres qui tendent à fumer le plus que ce soit dans les pays en voie de développement comme dans les pays développés. Aujourd’hui 84% de tous les fumeurs dans le monde (soit 1,09 milliards) vivent dans les pays en voie de développement, (OMS, op.cit.). En Afrique, ce sont 5% d’hommes et 1% de femmes dont la mort est directement causée chaque année par le tabagisme, (OMS, op.cit.).

Au nombre des pays africains figure la Côte d’Ivoire, pays en voie de développement qui connaît une forte prévalence tabagique. En effet, selon une étude de BOGUI Pascal et al., (2002), la prévalence tabagique à Abidjan chez les hommes adultes de 18 à 47 ans était de 36,3% ; chez les mineurs de 08 à 17 ans, elle était de 14%. La prévalence tabagique chez les femmes de 18 à 47 ans était de 9,3% contre 2,5% pour les mineures. On remarque ici que le tabagisme n’est pas que l’apanage des hommes.

La prévalence tabagique au niveau des jeunes est également significative. A Abidjan par exemple, selon l’enquête de l’OMS sur le tabagisme chez les jeunes en 2003, 21,7% de garçons fumaient n’importe quel produit du tabac pour 10,3% de filles. 44,2% des jeunes étaient exposés à la fumée à domicile et 69,7% en dehors du domicile, (OMS, op.cit.).

Le milieu scolaire n’est pas épargné. Les études de l’OMS en 2003 sur le tabagisme chez les élèves de 13 à 15 ans à Abidjan, montrent que 50% des garçons et 18,5% des filles avaient toujours fumé de la cigarette, (OMS, 2003).

La propagation du tabagisme chez les jeunes s’observe au Lycée Moderne 2 d’Abobo. Ainsi au cours des observations effectuées en prélude au projet éducatif, plusieurs élèves ont-ils été aperçus en train de consommer de la cigarette. Ils s’en procurent dans les boutiques et chez les vendeurs ambulants de cigarettes qui sont aux alentours du lycée. Ils consomment la cigarette en face du lycée tôt le matin, avant l’entame des cours, aux heures de recréation, à midi, avant le début des cours de l’après-midi et parfois même pendant les heures de cours. Ils fument aussi à la descente des cours et à la maison selon les informations recueillies lors des entretiens. Ils consomment en moyenne 06 cigarettes par jour en fonction de leurs moyens. Lors des cérémonies festives, cette consommation peut dépasser la dizaine de cigarettes.

Ces observations ont été complétées par une enquête réalisée à partir d’un questionnaire, portant sur un échantillon aléatoire de 190 élèves de sexe masculin âgés de 14 à 23 ans, soit 11,91% de l’effectif total (1595) des élèves de sexe masculin du second cycle. Cette étude indique que 77 élèves reconnaissent fumer au moins 02 cigarettes par jour, soit 40,52% d’élèves fumeurs ; d’où la nécessité d’entreprendre des actions éducatives pour lutter contre ce phénomène au lycée. Ces jeunes s’adonnent à la consommation du tabac par curiosité ou par imitation. Ils justifient leur acte par des arguments tels que la recherche du plaisir, la possibilité de chasser le sommeil la nuit, de vaincre le stress, de surmonter la crainte de certaines épreuves de la vie courante.

Toutefois, les recherches effectuées auprès de l’échantillon aléatoire de 113 élèves de sexe féminin prélevé sur un total de 1130 filles du second cycle, n’ont pas révélé de prévalence tabagique chez elles.

Dès lors, la réalité du tabagisme à l’école surtout chez les garçons, interpelle toute la communauté éducative scolaire. Si l’on n’y prend garde, une frange importante de la population scolaire pourrait être sujette à la baisse du rendement scolaire, car selon ZOTOUA (2012), le tabagisme entraîne la baisse du rendement scolaire. Aussi est-il prouvé que le tabac entraîne la réduction de la capacité d’assimilation des élèves fumeurs actifs conduisant à l’échec solaire. Une enquête menée de 2005 à 2006 par le laboratoire de physiologie et d’explorations fonctionnelles respiratoire du CHU de Yopougon, en collaboration avec la direction scientifique du Programme National de Lutte contre le Tabagisme (PNLCTAB) en Côte d’Ivoire auprès des élèves, montre les effets négatifs de la consommation du tabac sur les performances scolaires. Ainsi, la prévalence tabagique était de 5% chez les élèves ayant obtenu de très bons résultats, de 19% chez les élèves ayant obtenu des résultats moyens, et de 23% chez les élèves ayant obtenu de mauvais résultats, (ALOKRE, 2007).

Pour juguler le tabagisme au plan international, l’Assemblée mondiale de l’OMS a adopté en 2003 la convention-cadre pour la lutte anti-tabac. Mise en vigueur le 27 février 2005, cette convention est un traité de santé publique, un schéma directeur à suivre par les pays pour réduire l’offre et la demande de tabac. Elle comprend 173 parties signataires couvrant 87% de la population mondiale, (OMS, 2011).

Pour aider les pays à protéger la santé de leur population en s’associant à la lutte contre le tabagisme dans le cadre de cette convention, l’OMS a conçu le programme Monitor Protect Offer Warn Enforce (MPOWER). C’est un programme qui conjugue des politiques de lutte incitant les pays à fixer une réglementation sur les aspects les plus importants de la lutte anti-tabac à savoir : la publicité, le parrainage, la vente de cigarettes aux mineurs, le tabagisme passif, l’environnement sans tabac, le traitement de la dépendance tabagique. A côté de l’OMS, la Banque Mondiale a décidé depuis 1991 de ne plus consentir de prêts pour la production de tabac, (Banque Mondiale, op.cit.).

A l’échelle nationale, la lutte contre le tabagisme est organisée par quelques dispositions législatives, des actions du ministère de la santé et par des Organisations Non Gouvernementales (ONG).

Il existe le décret n° 79-477 du 6 juin 1979, portant interdiction de fumer dans certains locaux collectifs. L’article premier de ce décret dispose qu’il est interdit de fumer dans les établissements scolaires. Les interdictions de fumer devront faire l’objet de signalisations apparentes au terme de l’article 3 dudit décret. Il y a également l’arrêté interministériel n° 24 MS/MC. CAB. du 19 janvier 1998, qui fait obligation aux unités de conditionnement de tabac, de porter sur l’une des faces latérales des paquets de cigarettes et de cigares mis à la consommation du public, et tout autre produit contenant du tabac l’avertissement général : « ABUS DANGEREUX POUR LA SANTE ».

Par ailleurs, La Côte d’Ivoire a signé la convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac le 24 juillet 2003 et l’a ratifié le 13 août 2010. En outre, l’Etat a mis en place le PNLCTAB par arrêté n° 415 du 28 décembre 2001 avec pour mission, l’élaboration et l’exécution de la politique nationale de prévention, de protection des non-fumeurs, de traitement et de réhabilitation des victimes du tabac, sur l’ensemble du territoire national. Ce programme est devenu, par l’arrêté n°210 MSHP/CAB du 11 août 2008, le Programme National de lutte Contre le Tabagisme, l’Alcoolisme, la Toxicomanie et les autres Addictions (PNLTA). Il célèbre tous les 31 mai, la journée mondiale de lutte contre le tabagisme en Côte d’Ivoire.

Plusieurs ONG se joignent à l’Etat pour mener la lutte contre le tabagisme. Ces ONG sont regroupées au sein du Réseau des ONG Actives pour le Contrôle du Tabac en Côte d’Ivoire (ROCTA-CI). Cette plateforme de dix ONG nationales (voir annexe XV), mène diverses actions de lutte contre le tabagisme en milieu scolaire : conférences, projections de films, distribution de prospectus, de tee-shirts, d’affiches de sensibilisation, animation de stands sur les méfaits du tabac.

Les actions de lutte menées de part et d’autre dans l’ensemble demeurent générales, car elles ne sont pas directement destinées aux élèves. C’est pourquoi, des travailleurs sociaux entreprennent des actions éducatives en faveur des élèves fumeurs. C’est le cas de KOUASSI (2005), qui a utilisé la Communication pour le Changement de Comportement (CCC) à l’effet d’aider un groupe de trois élèves du Lycée Municipal Pierre GADIE de Yopougon (Commune du District d’Abidjan) à arrêter la consommation de la cigarette. Les élèves ont selon KOUASSI (op.cit.) abandonné la cigarette et leur comportement s’est amélioré.

Malgré toutes ces actions, le phénomène du tabagisme persiste en milieu scolaire, certainement à cause de l’insuffisance des actions de lutte existantes. C’est pourquoi, la question se pose : comment les activités psychoéducatives pourraient être une alternative susceptible de contribuer efficacement à la lutte contre ce fléau à l’école ?

Pour RENOU (2008), le terme activité psychoéducative peut être défini comme « l’évocation d’une situation où un ou des éducateurs (…) visent à ce qu’une ou des personnes atteignent un ou plusieurs objectifs à l’intérieur d’un cadre spatio-temporel donné (…). On peut également considérer l’activité psychoéducative comme celle comprise à l’intérieur d’une structure d’ensemble particulière, impliquant des composantes bien définies et précises, chacune en soi d’abord et par plusieurs des interactions possibles entre elles ensuite ». De cette définition il faut comprendre par le terme activités psychoéducatives, une intervention spécialisée à travers un ensemble d’actions éducatives logiques et complémentaires ayant chacune un contenu. L’éducateur qui les pratique vise chez les bénéficiaires, un changement positif de comportement dans un espace et une période donnés.

Dans le contexte du projet éducatif, les activités psychoéducatives sont un ensemble d’actions communicatives menées avec les élèves sur la connaissance du tabac, ses conséquences sur l’organisme ainsi que les stratégies d’arrêt de sa consommation. Cet ensemble d’opérations menées avec des supports éducatifs, audiovisuels, contribue à lutter contre la prévalence tabagique chez les élèves. En effet, les activités psychoéducatives sont des actions qui suscitent un changement de comportement chez les bénéficiaires. Elles favorisent la prise de conscience non seulement des méfaits du tabac sur leur santé, mais encore de ses implications négatives sur leur rendement scolaire. Cela est susceptible de les motiver à changer de comportement en abandonnant la cigarette. Le projet éducatif recouvre, plusieurs intérêts.

Au plan institutionnel, la lutte contre les phénomènes comme le tabagisme est un souci pour les décideurs du secteur éducatif national.

C’est pour répondre d’ailleurs à cette préoccupation, que la Direction de la Mutualité et des Œuvres Sociales en Milieu Scolaire (DMOSS) et ses démembrements (les cellules sociales des lycées et collèges) ont été créés, avec entre autres missions, la lutte contre le tabagisme en milieu scolaire. Amener donc les élèves fumeurs à prendre conscience des risques qu’ils encourent en vue d’arrêter la consommation de la cigarette, s’inscrit dans la ligne droite des missions des cellules sociales.

Au plan scolaire, l’utilisation des techniques éducatives pour amener les élèves fumeurs à arrêter le tabagisme, équivaudrait à les conduire à mettre un terme au comportement lié à la consommation du tabac. Ce comportement qui entraînerait la baisse de leur rendement scolaire est le fait de sortir de manière intempestive lors des cours, pour aller fumer en évoquant de faux prétextes à l’enseignant. L’arrêt du tabac pourrait alors les conduire à ne plus manifester de centre d’intérêt pour le groupe de camarades fumeurs. Ils manifesteraient maintenant plus d’intérêt pour les cours sur lesquels ils se concentreront. De là proviendrait l’amélioration de leur rendement scolaire.

Au plan sanitaire, inciter les élèves fumeurs à l’arrêt du tabagisme contribue à réduire le risque de maladies liées à ce phénomène qui est un problème de santé publique.

Au plan social, il apparaît que les fumeurs n’ont pas toujours une bonne image dans les communautés. L’abandon de la cigarette par les élèves fumeurs est alors susceptible d’améliorer leur image dans leur entourage. Cet abandon contribue également à réduire la déviance que constitue le tabagisme dans la société.

Ce projet a pour objectif de lutter contre le tabagisme en milieu scolaire par des activités psychoéducatives.

Le cadre théorique permettra la compréhension du changement de comportement visé, grâce à l’analyse de modèles théoriques appropriés.

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