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TITRE 2 : L’AFFIRMATION DE L’IMMUNITE DU PREPOSE : UN PRINCIPE AU CHAMP D’APPLICATION ETENDU

ADIAL

Suite à l’arrêt Rochas du 12 octobre 1993, la Première chambre civile de la Cour de Cassation a rendu un arrêt qui semble manifester sa volonté de s’engager dans la voie ouverte par la Chambre commerciale. En effet, par un arrêt du 30 octobre 1995(16), la Cour de Cassation a fait prévaloir l’indépendance fonctionnelle dont bénéficie une sage-femme en raison de son statut sur sa qualité de préposé et a ainsi décidé que, dans le cas d’espèce, cette dernière avait commis une faute personnelle à l’occasion de soins pratiqués sur une patiente. Les règles déontologiques de la profession de sage-femme l’emportent sur sa qualité de préposé et justifient que la responsabilité personnelle de la sage-femme soit retenue, quand bien même elle était liée par un contrat de travail. La référence à la notion de «faute personnelle», utilisée par les juges du fond et relevée par la Haute Juridiction, montre le souci de cette dernière de ne pas s’opposer à l’arrêt Société des parfums de Rochas. Cependant, le fondement de cette solution peut paraître bien contestable car le fait pour le sage-femme de bénéficier d’une indépendance dans l’exercice de son art n’implique pas nécessairement qu’elle dispose d’une plus grande liberté justifiant l’engagement de sa responsabilité. La sage-femme reste en effet, comme tout préposé, soumise à l’organisation établie par la direction ainsi qu’aux contraintes matérielles. Dans le cas d’espèce, il avait d’ailleurs été relevé par les juges du fond que la sage-femme se trouvait seule dans le service au moment du fait dommageable, ce qui avait entraîné pour elle une surcharge de travail. Par conséquent, cet arrêt révèle la volonté de la Cour de limiter la responsabilité du préposé à sa seule faute personnelle tout en ne donnant pas une définition trop étroite à cette notion dans certains domaines bien spécifiques, notamment ici celui de la santé où le personnel médical assume la mission de soigner autrui.
De même, la Première chambre civile a jugé que l’imprudence dont peut se rendre coupable un salarié dans le cadre de sa mission, et dont il résulterait un dommage pour un tiers, peut constituer une faute personnelle détachable de la mission de service public si elle présente une certaine gravité17. On retrouve ici la référence aux critères de la gravité et de la détachabilité issus du droit social et du droit administratif, critères qu’il nous a semblé opportun de retenir dans le développement précédent pour définir la «faute personnelle» de l’arrêt Rochas.
La Chambre criminelle de la Cour de Cassation a également rendu certaines décisions par lesquelles elle établit le lien entre la faute et l’emploi, afin que la responsabilité du commettant soit engagée. On peut à titre d’exemple citer un arrêt du 25 mars 1998(18) par lequel la Chambre criminelle a considéré que l’assassinat d’un chef de service, sur les lieux et en temps de travail, par un préposé qui venait d’apprendre son licenciement n’est pas indépendant du rapport de préposition et entraîne à ce titre la responsabilité civile du commettant.
Néanmoins, la jurisprudence de la Deuxième chambre civile ne s’est pas inscrite dans cette lignée puisque dans un arrêt du 19 novembre 1998, passé alors inaperçu et n’ayant pas reçu les honneurs du Bulletin, elle a considéré que la responsabilité civile personnelle du préposé n’est pas subordonnée à la démonstration à son encontre d’une faute détachable de ses fonctions.
De telles divergences s’expliquaient indubitablement par les lacunes présentées par l’arrêt Société des parfums de Rochas, précédemment énoncées. Pour y mettre un terme, une décision de l’Assemblée Plénière venant préciser, compléter et enrichir cet arrêt s’avérait nécessaire. C’est dans ce contexte que l’Assemblée Plénière a rendu son célèbre arrêt Costedoat(19) le 25 février 2000.

16 Cass.1re civ., 30 oct.1995 : Bull.civ.I, n°383
17 Cass.1re civ., 21 oct. 1997 : Bull.civ. I, n°290
18 Cass.crim., 25 mars 1998 : Bull.crim., n°113
19 AP., 25 fév.2000 ; Bull.civ. AP n°2

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