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Section 2 : Les différentes formes d’extorsion

ADIAL

L’extorsion est définie comme une « infraction consistant à obtenir la remise de fonds, d’un bien quelconque, ou une signature, un engagement, une renonciation ou la révélation d’un secret, au moyen de violences, menaces ou contrainte »(12).

Le Code pénal français en donne une définition beaucoup plus précise, puisqu’il dispose que «l’extorsion est le fait d’obtenir par violence, menace de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque »(13).

Tous les groupes criminels n’ont pas les mêmes objectifs et par conséquent pas les mêmes moyens d’actions. Ainsi, chaque partie du monde peut répertorier des rébellions prenant des formes particulières, comme le démontre le tableau ci-dessous établi par Corpguard, consultant privé en gestion du risque criminel(14) :

Typologie des principaux risques par zones géographiques

Il s’agit donc pour la multinationale d’analyser à quel type d’extorsion elle peut avoir affaire avant d’en considérer les impacts.

I/ Catégories

Dans des pays encore peu développés, l’arrivée de multinationales ou autres compagnies occidentales par définition fortunées peut faire naturellement naître des jalousies.

Philippe Véry, professeur de Stratégie à l’EDHEC(15), répertorie 7 types d’action criminelle selon l’objectif poursuivi par les criminels(16). Nous ne retiendrons ici que celles se rapportant le plus de notre étude, à savoir :

a) « La chasse au trésor » :

Elle touche directement les ressources financières de l’entreprise menacée et représente finalement l’extorsion dans sa définition la plus stricte. Il s’agit d’une menace directe faite à l’organisation afin de lui soutirer une somme d’argent.

A titre d’exemple, il est pris le cas des « travailleurs fantômes » : les compagnies pétrolières font fréquemment l’objet de menaces de la part des communautés locales pour « recruter » des locaux qui ne sont pas nécessairement (et d’ailleurs très rarement) qualifiés pour les postes proposés, sous peine de violentes réprimandes (pouvant aller jusqu’à la dégradation des sites de productions de l’entreprise qui aurait résisté auxdites menaces). Aussi, l’entreprise rémunérera les nouveaux employés, appelés « travailleurs fantômes », tout en les conviant à rester chez eux étant donné qu’ils ne seront pas suffisamment productifs en pratique.

Il est évident que cela représente une perte financière non négligeable pour la société occidentale.

b) « La chasse à l’homme » :

Ce comportement revient à un kidnapping, que nous détaillerons amplement plus tard(17). L’entreprise est dans ce cas visée indirectement, au travers de ses employés qui sont les cibles directes des menaces (physiques ou morales) afin d’obtenir quelque chose de précis : somme d’argent, renseignements sur la compagnie ou ses procédés de fabrication, etc… C’est un véritable moyen de pression envers la société, à qui la santé et au-delà, la vie, de ses salariés sont essentielles.

c) « La chasse au symbole » :

Dans cette hypothèse, les criminels s’en prennent à l’entreprise en tant que symbole d’une idée, d’un pays et d’un régime politique précis (le plus souvent la démocratie). Cette perspective se rencontre de plus en plus souvent, dans des pays en voie de développement où le capitalisme (largement représenté par les pays du Nord, et notamment par les États-Unis) tente de s’implanter, de manière plus ou moins brutale (et peut-être aussi plus ou moins légitimement). Il a notamment été vu précédemment le cas de la région du Sahel où les pays sont relativement pauvres et tentent de détruire les institutions démocratiques importées.

Les agisseurs ne sont alors pas des groupes criminels en mal d’argent mais des structures créées pour défendre les cultures et les systèmes locaux.

d) Les autres menaces :

A ces catégories mises en évidence par Philippe Véry sera rajoutée ici celle de la cyber-extorsion, véritable crime en devenir dans les pays émergents (mais aussi les pays développés) : les criminels, alors appelés « hackers »(18) ou « cybercriminels », détournent des données informatiques plus ou moins confidentielles afin d’en obtenir le paiement d’une somme sous peine de divulgation.

Il est encore fréquent que les criminels en arrivent à contaminer les produits de l’entreprise visée pour une raison ou pour une autre, en vue d’obtenir un avantage précis (somme d’argent, chute de l’entreprise, etc…).

Autant de menaces que de types d’agisseurs qui revendiquent des buts distincts. Control Risks, partenaire d’Hiscox, a ainsi pu répartir les extorsions subies au cours de l’année 2009 selon les régions du Monde :

Extortions à travers le monde

Une fois le type de menaces identifié, il faudra pour la multinationale (ou la PME ou PMI) en observer les conséquences que cela pourrait engendrer. En effet, selon le but recherché, les impacts pourront être de nature bien différente pour l’entreprise qui les rencontre.

II/ Conséquences

Les effets de ces différents types d’extorsion sont multiples, comme le font parfaitement remarquer Philippe Véry et Bertrand Monnet.

Tout d’abord, l’entreprise va être victime de difficultés financières du fait des attaques directes à ses ressources. Ainsi en est-il logiquement lorsque les prédateurs extorquent des sommes d’argent à la personne morale persécutée. Il faut toutefois noter que dans une telle hypothèse, si les groupes criminels se nourrissent de la trésorerie de leur victime, la chute de cette dernière doit leur être évitée puisqu’ils vivent au travers d’elle. Toutes les mesures seront donc prises par les agisseurs pour garantir malgré tout la survie de leur proie.

Toujours est-il que ces intimidations répétées vont sans aucun doute conduire l’entreprise à emprunter davantage pour faire face, ce qui impliquera un paiement continuel de taux d’intérêt auquel s’ajouteront plusieurs autres frais.

Par ailleurs, les attaques criminelles faites à l’égard des multinationales peuvent avoir une conséquence sur le comportement des salariés : touchés plus ou moins directement par les agressions, ces derniers auront en effet naturellement tendance à être constamment effrayés, leur productivité en sera atteinte. Il arrivera aussi qu’ils choisissent légitimement de demander la fin de leur expatriation pour rentrer en lieu sûr.

En parallèle, les employeurs auront beaucoup de mal à recruter de nouveaux salariés (autres que les travailleurs fantômes), à moins de ne proposer des rémunérations alléchantes.

Autre effet des intimidations criminelles : l’augmentation considérable du risque juridique. En effet, comme il sera développé plus en détails plus loin dans cette étude, les menaces ou agressions dirigées envers une entreprise française aura pour impact de voir engagée plus ou moins aisément sa responsabilité civile ou pénale (notamment en cas de kidnapping des salariés).

Ainsi, les primes d’assurance pour un contrat de Responsabilité Civile exploseront sous le poids des sinistres à répétition (les salariés recherchant la réparation par leur employeur de leurs préjudices moraux voire physiques).

Pour finir, la chasse au symbole ayant pour principal moyen d’action la destruction des sites de production, la société assistera à une sérieuse baisse de ses résultats, qui pourra aller jusqu’à la fermeture de l’établissement avec anéantissement de tous les avantages que l’implantation pouvait représenter pour elle (notamment pour les compagnies pétrolières qui ne trouvent leurs sources que dans de rares endroits du globe).

Enfin, il ne faut pas oublier que certaines attaques peuvent avoir des répercussions également sur les clients de ces multinationales : ce sera le cas lors de la contamination des produits destinés à la consommation. Le risque juridique sera ici encore sensiblement amplifié.

Tout cela sera d’autant plus dramatique que les médias ne manqueront sans doute pas de souligner la défaillance de la compagnie avec pour ultime conséquence, si cette dernière a eu le privilège d’être cotée en Bourse, de voir s’effondrer sa valeur boursière.

Autant d’impacts qui détruiront l’entreprise française venue se risquer à l’étranger, et plus précisément dans un pays émergent, destruction de l’intérieur (par la création de peur et de tensions parmi les salariés expatriés et l’épuisement des finances) comme de l’extérieur (par des dégradations des outils de production ou la contamination des produits créés).

L’entrepreneur doit ainsi bien comprendre à quel type de risque il a affaire pour en maitriser au maximum les effets parfois dévastateurs. L’auteur(19) va d’ailleurs jusqu’à parler de « risque systémique », puissante expression démontrant la difficulté à surmonter.

En aucun cas l’entrepreneur ne doit abandonner l’idée de s’implanter dans des pays en voie de développement sous prétexte que les menaces sont insurmontables. Néanmoins, il doit appréhender les coutumes locales (certaines des pratiques précédemment développées ne sont d’ailleurs pas considérées comme illégales dans ces pays) pour pouvoir apprendre à la fois à s’acclimater et à gérer le risque criminel.

Et si les menaces directement dirigées vers la personne morale et ses biens sont bien réelles, il est indispensable de parler plus en détails des menaces davantage dirigées vers les collaborateurs expatriés et plus généralement toutes les personnes physiques : le kidnapping.

12 – Définition donnée par le Dictionnaire Larousse 2013.
13 – Article 312-1 du Code Pénal , Livre III ‘Des crimes et délits contre les biens’, Section 1 ‘De l’extorsion’.
14 – http://www.corpguard.fr/Analyse-des-risques_a40.html
15 – EDHEC : Ecole Des Hautes Etudes Commerciales, basée dans le nord de la France. Pour davantage d’informations : http://www.edhec.com/ (le 17/06/2013)
16 – Véry Philippe et Monnet Bertrand, « Quand les organisations rencontrent le crime organisé », Revue française de gestion, 2008/3 n° 183, p. 179-200. DOI : 10.3166/rfg.183.179-200
17 – Cf « Chapitre 2 : Le Risque Kidnapping »
18 – En anglais, « Pirates informatiques ».
19 – Philippe Véry, dans l’ouvrage vu au-dessous, note n°16.

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