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Section 2 : Le risque juridique

ADIAL

La prime pure déterminée à partir de la probabilité de survenance et le coût moyen des sinistres prend en compte des aspects juridiques. En effet, l’évaluation d’un sinistre est fortement influencée par le droit. Or celui-ci présente des risques du fait de son instabilité. Cet aléa appelé « risque juridique » peut concerner une loi future qui va changer une loi actuelle ou bien un changement dans l’interprétation des textes juridiques : « tel mot a tel sens aujourd’hui ; il en aura un autre, demain ; ou telle règle signifie ceci maintenant, et cela dans quelques jours »(29). L’assurance et de façon plus large les affaires ne peuvent prospérer dans cette incertitude d’autant plus que dans les relations entre l’entreprise et le consommateur, le législateur légifère généralement en faveur du plus faible pour le protéger.

L’activité d’assurance est sensible au changement des règles de droit dans le temps car l’acceptation du risque, la réalisation de celui-ci et la prestation de l’assureur se passent à des moments différents. Or à la conclusion du contrat d’assurance, l’assureur a fixé ses conditions de garantie y compris le tarif en tenant compte de la sinistralité du moment relative au risque couvert, alors que sa prestation éventuelle se situe dans l’avenir. Le risque juridique pour l’assureur, dans cette situation, est un changement de la loi qui favoriserait l’indemnisation systématique des assurés ou victimes ; ce qui aurait pour conséquence d’accroître son coût de revient du risque. Prenons l’exemple de l’assurance « Responsabilité Civile Chef d’Entreprise – RCCE », l’assureur couvrait les conséquences pécuniaires de la faute inexcusable de l’employeur vis-à-vis de son employé en cas d’accident du travail. La définition d’antan de la faute inexcusable donnée à l’article L 468 du Code de la sécurité sociale et reprise par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation par arrêt n°78-12.570 du 18 juillet 1980 s’entendait comme « une faute d’une exceptionnelle gravité, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience que devait avoir son auteur du danger qui pouvait en résulter et de l’absence de toute cause justificative ».

Mais pour l’indemnisation des victimes de l’amiante, sa définition a évolué. Dans son arrêt de principe, la Chambre sociale de la Cour de cassation par arrêt n°835 du 28 février 2002 donne une nouvelle définition de la faute inexcusable : « Entendu qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise ; que ce manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L-452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ». Cette évolution de la définition en élargissant le champ d’application de la faute inexcusable aux maladies professionnelles n’est pas sans conséquence sur l’assurance RCCE. Les réclamations des victimes sont de plus en plus nombreuses et les sanctions des employeurs sont devenues quasi systématiques. Cette situation qui n’était pas connue avant l’an 2002 a augmenté la sinistralité du portefeuille de risque « RCCE » et obligé les assureurs à constituer des provisions pour sinistres à payer supérieures à leur prévision. Depuis cette décision, la faute inexcusable est exclue des contrats d’assurance. Certains assureurs en ont fait une garantie autonome dans un contrat « RCCE » et d’autres un contrat de chose couvrant les pertes pécuniaires de l’employeur lorsque sa responsabilité est engagée suite à une faute inexcusable. Dans cette recherche de solution, les assureurs s’exposent aussi à un risque de requalification du contrat.(30)

Le risque juridique met l’assureur dans une situation instable l’obligeant ainsi à immobiliser beaucoup d’argent pour constituer des provisions de sinistres qui pèsent sur la sinistralité de son portefeuille. Pour l’équilibre financier de celui-ci, l’assureur va réviser à la hausse sa prime d’assurance qui n’est pas toujours supportable pour les entreprises. Il réagit aussi au changement des textes juridiques en excluant des risques jadis couverts ; ce qui a pour conséquence de réduire le champ du transfert des risques de l’entreprise par l’assurance.

29 Jérôme KULMANN, « Y a-t-il un risque juridique en assurance ? », Rev. écon. Fin 2005, n°80 p.297
30 Astegiano LA-RIZZA, Cours magistral « Risques et assurances des entreprises », Master 2 Droit des assurances, 2012-2013

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