Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

Section 2. Exclusions liées à l’origine du dommage

ADIAL

Les assureurs ont cherché à écarter de la garantie RCMS ainsi que D&O les recours en responsabilité résultant d’actes de terrorisme (§1), résultant de fautes liées à l’emploi (§2). Aux Etats-Unis, les assureurs américains ont également cherché à éviter la prise en charge de réclamations entre assurés d’une même police D&O (§3).

§1. Les actes de terrorisme

Au premier abord, il est clair que l’on imagine assez mal un acte de terrorisme provoquer l’engagement de la responsabilité civile personnelle du dirigeant. De plus, comme le souligne si bien Jérôme Kullman, le congrès mondial de l’association internationale de droit des assurances (AIDA) organisé à Copenhague en 1990 n’a même pas daigné parler de l’éventuelle connexion entre les risques de terrorisme et l’assurance de responsabilité ne traitant alors que des assurances de personnes et des assurances de choses comme si finalement les assureurs de responsabilité n’avaient pas à être inquiétés par les risques de terrorisme. Il est, en effet, plus probable pour le dirigeant de voir sa responsabilité civile personnelle être engagée dans le cadre de catastrophes technologiques ou encore, naturelles car dans de telles situations, il est possible pour la victime de remettre en question les méthodes de prévention ou de neutralisation du sinistre effectuées par le dirigeant qu’il jugerait inefficaces.

Néanmoins, si à première vue, les actes de terrorisme ne sont pas susceptibles d’engager la responsabilité du dirigeant. Jérôme Kullman souligne le fait qu’il est tout à fait envisageable qu’une victime attaque le dirigeant pour son comportement fautif dans la mesure où il a contribué à la survenance du dommage dû au terroriste. La plupart des polices RCMS exclut de leur champ de garantie la responsabilité des dirigeants engagée dans le cadre d’un dommage issu d’un acte de terrorisme. Les assureurs RCMS et D&O semblent, pour la plupart, s’être accordés sur le fait d’écarter ce genre de situations du périmètre de leur garantie. Les situations de ce type peuvent, pour certaines entreprises sensibles, s’avérer plus fréquentes qu’elles n’y paraissent. Par exemple, les compagnies aériennes sont garantes de la sécurité de leurs engins et se doivent de tout mettre en oeuvre pour protéger leurs passagers et faire en sorte qu’aucun acte terroriste ne puisse avoir lieu. Leur responsabilité ainsi que celle de leur(s) dirigeant(s) ne peuvent être mises en cause que dès lors qu’ils n’ont pas pris les mesures nécessaires pour prévenir les actes de terrorisme alors qu’un tel acte était prévisible à l’encontre de leur société.

Les dirigeants, la société peuvent ainsi dans ce genre de circonstances voir leur responsabilité être engagée alors qu’ils n’avaient pourtant pas pris effectivement part à l’organisation de l’acte de terrorisme ce qui explique certainement la volonté des assureurs d’écarter leur garantie. Néanmoins, un dirigeant pourra toujours négocier une extension spécifique sur ce point. Tout comme les actes de terrorisme, les fautes liées à l’emploi sont, en général, exclues.

§2. Les fautes liées à l’emploi

Par faute liées à l’emploi, nous entendons tout harcèlement sexuel ou moral, discrimination et licenciement abusif. Certaines polices RCMS et D&O excluent les fautes liées à l’emploi tandis que d’autres la garantissent. La police RCMS Liberty, par exemple, l’autorise formellement et la définit, plus précisément, comme étant : « Tout manquement ou toute violation des dispositions légales, réglementaires ou issues des conventions collectives en vigueur, alléguée contre un Assuré et fondée sur :

• tout licenciement abusif, licenciement sans cause réelle et sérieuse, résiliation ou non reconduction abusive d’un contrat de travail,
• toute pratique discriminatoire fondée sur l’âge, le sexe, la race, la couleur, l’origine nationale, la religion, les moeurs, l’état de grossesse, le handicap, l’appartenance à un syndicat ou à un parti politique,
• tout harcèlement moral ou sexuel,
• tout manquement au respect des droits acquis,
• toutes représailles ou mesures disciplinaires abusives,
• toute promesse fallacieuse relative à l’emploi, toute privation abusive d’une opportunité de carrière, tout refus abusif de titularisation, toute évaluation négligente, toute atteinte à la vie privée. »

Dans ce cas, le dirigeant engage alors sa responsabilité civile en tant qu’employeur et non, en tant que dirigeant d’où l’exclusion de telles fautes. Pour ce qui est de l’assurabilité de ce risque, Jérôme Kullman déclare qu’il est assurable, celui-ci ne tombant pas sous l’empire de l’article L 113-3 du code des assurances régissant la faute intentionnelle. En effet, selon lui, le harcèlement est une faute volontaire rarement commise dans le but de provoquer un dommage au salarié victime. Or, cette affirmation semble critiquable car si celle-ci se révèle vraie pour ce qui est du licenciement abusif et de la discrimination, s’agissant des actes de harcèlement qui, pour la plupart, s’avèrent néfastes pour un salarié et engendrent très souvent (pour ne pas dire quasi-automatiquement) des préjudices d’ordre moral, l’employeur en harcelant son salarié ne peut qu’être conscient du dommage qu’il cause et ainsi, agit de manière délibérée faisant donc tomber cette garantie sous le coup de l’article L 113-1 du code des assurances. Néanmoins, il semble que, malgré tout, ce risque demeure assurable à la condition qu’il ne soit pas consécutif à un dommage corporel ou matériel. Les Etats-Unis, quant à eux, ont l’extension appelée « l’Employment Practices liability » (EPL) traitée préalablement dans ce mémoire qui correspond à notre exclusion des fautes liées à l’emploi. Le marché français a également suivi le modèle Anglo-saxon s’agissant de l’exclusion des réclamations entre assurés.

§3. L’Insured v. Insured Exclusion

Cette exclusion interdit la prise en charge des réclamations faites par un assuré (D&O) contre un autre assuré ainsi que les réclamations de toute personne directement ou indirectement affilié à un assuré et ainsi de tout actionnaire à moins que ce dernier agisse indépendamment et sans la participation d’un assuré ou sous les ordres d’un assuré.

Cette exclusion s’explique par la volonté des assureurs d’éviter et prévenir les risques de fraude de la société qui poursuit ou orchestre un procès contre ses propres dirigeants afin d’obtenir les sommes recueillies au titre de l’assurance RCMS et D&O. Il est évident pour un assureur de ne vouloir garantir un procès qui est intenté avec l’active assistance d’un assuré. Cette exclusion a notamment été consacrée par la jurisprudence.(55)

Il est évidemment plus difficile de déceler ce genre de manoeuvres lorsque le procès est intenté avec l’implication indirecte ou sous les ordres ou le commandement dissimulé de l’assuré. Les arrêts sont peu nombreux sur le sujet mais il a, malgré tout, été déclaré que l’exclusion fonctionnait pour un procès intenté par l’administrateur judiciaire d’une banque(56).

Les tribunaux se basent souvent sur le wording de l’exclusion pour valider ou non la garantie et selon la manière dont celle-ci est rédigée, il est arrivé de voir les juges autoriser la prise en charge d’un procès intenté par un syndic de faillite en dépit de l’existence d’une IVI exclusion.(57)

En France, nous avons également cette exclusion. A titre d’exemple, la police RCMS Liberty la rédige comme suit :

« EN COMPLEMENT DES EXCLUSIONS GENERALES STIPULEES AUX CONDITIONS GENERALES, SONT EXCLUES DES GARANTIES TOUTES LES CONSEQUENCES PECUNIAIRES, Y COMPRIS LES FRAIS DE COMPARUTION ET FRAIS DE DEFENSE, QUE L’ASSURE POURRAIT ENCOURIR A RAISON DE :

– TOUTE RECLAMATION PRÉSENTÉE PAR UN ASSURÉ CONTRE UN AUTRE ASSURÉ EN CAS DE FRAUDE ISSUE D’UNE COLLUSION ENTRE EUX ».

Le wording de l’exclusion dans la police Liberty est très clair et appuie bien sur le caractère frauduleux de la réclamation. Elle prohibe de manière expresse toute réclamation contre l’assureur intentée de concert, résultant d’une collusion entre les assurés. On peut s’interroger sur l’éventuel rachat d’une telle exclusion, le contrat d’assurance étant le résultat d’une négociation acharnée entre l’assureur et l’assuré (ou son courtier). En l’absence de précisions sur le sujet dans les nombreuses polices d’assurance analysées, nous pouvons, malgré tout, déduire que cette exclusion est absolue et non rachetable car nous imaginons très mal les assureurs autoriser expressément dans leur wording la garantie d’une fraude à l’assurance. L’IVI exclusion semble ainsi s’imposer comme l’une des peu nombreuses exclusions non rachetables.

De plus, il s’avère que par peur d’une trop grande prise en charge, désormais, certaines compagnies d’assurance ont tendance à ne proposer que la Side A coverage aux dirigeants. Ce phénomène de restriction de garantie s’explique par une augmentation des sociétés en faillite résultant de la crise des subprimes (hypothèques à risque) qui fut suivi par le rationnement de crédit en 2007 et en 2008 ainsi que l’augmentation des sérieuses erreurs de conduite dont ont été accusées plusieurs grandes entreprises incluant Enron Corporation, Tyco International, Adelphia Communication Inc et Healthsouth Corporation. Ce phénomène s’explique également par l’accroissement phénoménal et record des jugements rendus relatifs à la responsabilité des dirigeants et des règlementations régissant le gouvernement d’entreprise entraînant corollairement une forte augmentation des recours engageant la responsabilité personnelle des dirigeants. Malgré tous les contrepoids à une prise en charge totale des dirigeants exposés précédemment, l’assurance de responsabilité civile des dirigeants ne semble toujours pas convaincre ses détracteurs qui tentent tant bien que mal de l’interdire.

55 Volontary Hospitals of America Inc v. National Union Fire Ins. Co 1993
56 Mount Hawley Ins. Co v. FSLIC 1987
57 Reliance Ins. Co v. Weiss, 148 B. R. 575, 1992

Retour au menu : L’ASSURANCE DE RESPONSABILITE CIVILE DES DIRIGEANTS EN FRANCE ET AUX ETATS-UNIS