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Section 2. De la non assurabilité absolue des restitutions, dédommagements et punitive and exemplary damages

ADIAL

Les restitutions et dédommagements également appelés « restitutions and disgorgements » sont des sentences qui ont la particularité de ne pas être couvertes par l’assurance de responsabilité civile des dirigeants. L’assuré ne peut en effet pas rechercher le remboursement par son assureur D&O des fonds acquis à tort qu’il doit dédommager ou restituer en vertu d’un jugement rendu en ce sens. Plusieurs arrêts ont affirmé que l’assurance D&O ne prenait pas en charge le risque d’être condamné à la restitution de sommes d’argent ou de titres acquis à tort car de telles sentences n’entraient pas dans la catégorie des pertes et dommages et intérêts au sens de la police Directors and Officers. (40) Un autre arrêt a même déclaré que ces restitutions et dédommagements n’étaient pas assurables sous l’empire de la loi de New-York.(41) Comme illustration, nous pouvons, à titre d’exemple, citer un arrêt d’une Cour d’appel de New York qui a, en vertu de cette exclusion, interdit le remboursement par la D&O des profits d’un chantage financier qu’un assuré a dû restituer à un tiers suite à une offre publique d’achat qui avait échouée.(42) Dans le cas des restitutions et dédommagements, nous ne pouvons que constater le caractère moral de cette exclusion.

En effet, il serait mal venu pour l’assureur de totalement prendre en charge la restitution des fonds acquis à tort par le dirigeant. La même exclusion se retrouve dans les polices françaises notamment dans la police RCMS Liberty et Chubb sous l’appellation d’exclusion de « toute réclamation fondée sur ou ayant pour origine un avantage et/ou profit personnel ou une rémunération reçu(s) par l’assuré auxquels l’assuré n’avait pas légalement droit ».

En effet, en France, l’équivalent de l’exclusion « restitution & disgorgement » communément appelée « Personal Profit Exclusion » est l’exclusion de la faute dite lucrative pouvant être définie comme celle trouvant application dès lors qu’il est avéré que le dirigeant a bénéficié d’un avantage personnel, fautivement obtenu. Contrairement au droit américain, la loi française n’interdit la prise en charge de la faute lucrative que dans les cas où celle-ci résulte d’une faute intentionnelle tombant alors sous le coup de l’article L 113-1 du code des assurances.

Cependant, la faute lucrative peut très bien ne pas résulter d’une faute intentionnelle, d’où la nécessité de l’exclure conventionnellement. Ainsi, la plupart des polices RCMS prévoit une telle exclusion. L’absence de toute exclusion sur ce point pourrait entraîner un « résultat inadmissible ». Comme le dit si bien Jérôme Kullman, cela pourrait entraîner un enrichissement du dirigeant qui se voit rembourser par son assurance RCMS ou D&O une somme indûment obtenue. L’assuré s’enrichirait ainsi grâce à son assurance et de ce fait, dérogerait tant à la morale qu’au principe indemnitaire consacré à l’article L 121-1 du code des assurances.(43) L’exclusion conventionnelle semble alors nécessaire pour éviter ce genre de dérive car la condamnation à la restitution de telles sommes devrait rester personnelle et n’a pas à être couverte par la police tout comme c’est le cas pour les « punitive and exemplary damages ».

En effet, les punitive and exemplary damages sont des exclusions légales aux Etats-Unis. Le droit américain interdit formellement leur prise en charge par l’assureur. Cette règle fait l’objet d’une jurisprudence constante. La Cour d’appel de Floride a, par exemple, déclaré dans un arrêt de 1988 que « les punitive damages alloués dans l’unique but de punir la conduite propre du défendeur sont inassurables tandis que ceux alloués dans le cadre de la responsabilité du fait d’autrui sont assurables. »(44) Dans un autre arrêt, cette fois-ci, rendu par la Cour d’appel de New York, un assureur avait de manière explicite prévu la garantie des punitive and exemplary damages résultant d’un comportement dangereux et intentionnel dans la police D&O et avait même fait payer à son assuré une prime en ce sens. La Cour a déclaré qu’en dépit des clauses stipulées dans la police, un simple accord entre l’assureur et son assuré, aussi explicite soit-il, ne saurait modifier les dispositions légales de New-York.(45)

On aurait pu s’interroger sur l’éventuelle assurabilité des dommages punitifs en France. Cependant, il s’avère que le droit français n’aborde à aucun moment la question des dommages punitifs. Ceux-ci n’existent tout simplement pas en droit français. Ainsi, le débat sur son éventuelle assurabilité apparaît alors comme inutile. Nous avons, en revanche, dans notre droit positif ce qu’on appelle l’exclusion des amendes pénales et administratives dont le fondement est assez similaire à celle des dommages punitifs et exemplaires. Il est de jurisprudence constante qu’il est interdit de couvrir ce type d’amendes par un assureur et plus particulièrement, par un assureur de responsabilité civile du dirigeant. Les juges se basent habituellement sur l’article 6 du Code Civil pour rejeter leur couverture.

Le TGI de Paris a affirmé que « quelle que soit la nature de la sanction prononcée, elle ne peut être assurée, sauf à la priver de tout effet dissuasif puisqu’en décider autrement serait admettre le principe qu’un contrevenant à une règlementation protectrice de l’ordre public et des bonnes moeurs, ayant même dans certains cas, comme celui de M.X, tiré profit personnel de l’infraction ne supporte pas sur son patrimoine la sanction prononcée à son encontre et par voie de conséquence tire un enrichissement d’un acte que la loi ou la règlementation interdit et réprime »(46). La décision des juges apparaît comme légitime car il serait effectivement choquant de voir l’assureur indemniser le dirigeant assuré alors que celui-ci a méconnu l’ordre public et les bonnes moeurs. Il serait choquant in fine de voir l’assuré tirer profit « d’un acte qu’un règlement interdit et réprime ».

Néanmoins, Jérôme Kullman tient à nuancer les choses et précise que dans certaines circonstances, le dirigeant d’entreprise peut subir une sanction pénale alors qu’il n’a pas commis personnellement l’infraction. Dans ces cas-là, le dirigeant devrait pouvoir bénéficier d’une assurance. Selon Jérôme Kullman, le même raisonnement devrait s’appliquer aux amendes administratives car il est tout à fait louable de prôner l’inassurabilité des amendes administratives et pénales au nom de la morale. Cependant, il convient de préciser que contrairement aux dirigeants se trouvant obligés d’assumer sur leur patrimoine personnel le poids de l’amende au seul motif qu’elle est issue d’une décision pénale ou administrative, « le plus malfaisant des conducteurs dispose, quant à lui, d’une assurance de responsabilité civile chargée de l’indemniser des dommages et intérêts dus à la victime » ce qui paraît illogique(47).

Dans la pratique, pour la plupart des assureurs dont Chubb, Liberty ou encore, AIG, les amendes pénales et administratives sont un cas d’exclusion absolue. Si ces dernières ne sont pas couvertes au titre de la police RCMS ou D&O, il n’en est pas de même pour les frais de défense en cas de poursuites pénales ou administratives qui, quant à eux, sont couverts. La plupart du temps, le contrat prévoit une clause imposant au dirigeant reconnu finalement coupable au pénal de restituer les sommes versées par l’assureur au titre des honoraires d’avocat, etc. Mais dans la pratique, il arrive que les assureurs ne l’appliquent pas et n’imposent aucune restitution ce qui est le cas de Chubb. Il faut bien évidemment ne pas faire de généralités à ce sujet car dans la majorité des cas, cette clause s’applique. D’autres assureurs permettent, quant à eux, la couverture par voie d’avenant de ce type d’amendes en prévoyant la garantie « amendes et/ou pénalités civiles imposées aux assurés ».

Cependant, comme le précise Jérôme Kullman, l’assureur sera toujours en mesure d’opposer à l’assuré la faute intentionnelle pour refuser sa garantie. D’autres conséquences pécuniaires se révèlent être inassurables au titre du contrat RCMS ou D&O ce qui vient de nouveau prouver que l’assurance de responsabilité civile des dirigeants ne laisse pas automatiquement place à la déresponsabilisation de ces derniers.

40 Vigilant Insurance Co. v. Credit Suisse First Boston Corp, 782 NY S 2d 19 (App.Div. 2004); Level 3 Communications , Inc v. Federal Insurance Co, 272 F 3d 908 (7th Cir. 2001)
41 Serio v. National Union Fire Insurance Co. of Pittsburgh 2005
42 Reliance Group Holdings v. National Union Fire Insurance Co. of Pittsburgh, Pa, 594 N.Y S 2d 20 (App. Div. 1993)
43 Jérôme KULLMAN, Le périmètre de la garantie : les risques non couverts, Bulletin Joly Sociétés, 01 septembre 2010 n° 9, P. 783
44 Country Manors Association v. Master Antenna Systems, Inc, 534 So 2d 1187 (Fla. Dist. Ct. App. 1988)
45 Public Service Mutual Insurance Co. v. Goldfarb, 425 N E 2d 810 (N Y 1981)
46 TGI Paris, 5e ch., 2e sect., 8 janv. 2009, n° 07/10204
47 Jérôme KULLMAN, Le périmètre de la garantie : les risques non couverts, Bulletin Joly Sociétés, 01 septembre 2010 n° 9, P. 783

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