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Section 2 – Aménagement du régime de la preuve du suicide

ADIAL

Il conviendrait de mettre à la charge du demandeur au bénéfice du contrat d’assurance
la preuve du suicide (§1) et d’admettre les différents modes de preuve (§2).

1 – Preuve à la charge du demandeur au bénéfice du contrat d’assurance

Nous avons étudié précédemment le régime de la preuve dont la charge pèse sur
l’assureur. Toutefois c’est dans un contexte législatif refusant par principe la garantie du
suicide pendant l’année qui suit la souscription du contrat d’assurance. Il est ici question
du régime de la preuve souhaitable en cas de rédaction d’un nouvel article L132-7 du
code des assurances garantissant le suicide dès la souscription. Nous sommes d’avis que
dans ce cas c’est sur le demandeur au contrat d’assurance, c’est-à-dire le bénéficiaire de
l’assurance souscrite en cas de décès que doit reposer la charge de la preuve du suicide.

La jurisprudence distingue conditions et exclusion dans le cadre de l’application de la
garantie. Ainsi : « S’il incombe à l’assureur invoquant une exclusion de garantie de
démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion, il appartient à celui qui
réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que sont réunies les conditions requises par
la police pour mettre en jeu cette garantie. » (112) Or il s’agira ici de réunir les conditions du
suicide faisant l’objet de la garantie du contrat d’assurance. C’est donc appliquer le droit
commun avec l’article 1315 du code civil et la jurisprudence que d’exiger que ce soit sur
le bénéficiaire au contrat d’assurance que pèse la charge de la preuve du suicide. De plus
un intéressant recours à l’égalité des armes peut être soulevé. En effet à la souscription du
contrat d’assurance, il y a une dissymétrie d’information entre les parties, le souscripteur
disposant de plus d’informations sur le risque et ce même de bonne foi, que l’assureur.

Ce principe d’égalité des armes garanti à l’article 6, §1 de la CESDH par la chambre
criminelle le 6 mai 1997 nous incite à faire peser la charge de la preuve des conditions
de la police sur le bénéficiaire, qui sera toujours mieux renseigné que l’assureur, alors
même qu’il serait distinct du souscripteur. La Cour de cassation décide que : « le droit à
un procès équitable suppose aussi qu’aucune des parties ne soit placée dans une situation
plus favorable ou moins avantageuse que celle réservée à son adversaire ». (113) Or à la
souscription l’assureur est de fait, dans une situation moins favorable de connaissance du
risque que le souscripteur. C’est une des garanties d’un procès équitable, au même titre
que la présomption d’innocence, que la charge de la preuve qui pèse sur l’accusation.

Nous sommes conscients que ce positionnement de principe peut-être à l’origine d’une
démarche difficile à gérer psychologiquement pour les suicidés. Toutefois, contrairement
à l’épineuse question posée à l’époque à laquelle subsistait la dichotomie conscient et
inconscient la recherche de caractères objectifs pour qualifier le décès facilitera sans
doute la conduite des opérations. La jurisprudence admet en effet différents modes de
preuve.

2 – Admission des différents modes de preuve

Différents modes de preuve sont à la disposition du bénéficiaire au contrat d’assurance.

La tâche est d’autant plus facile que le suicide est un fait. À ce titre il se
prouve par tous moyens. Ce peut être le certificat médical établi par deux médecins
légistes pour s’assurer en cas de mort suspecte qu’il ne s’agit pas d’un homicide ou d’un
accident. Une copie du procès-verbal d’enquête établi par les services de police ou de
gendarmerie est disponible auprès du parquet du tribunal dans le ressort duquel le suicidé
est décédé. Certains indices tels que : « conflits affectifs, déboires conjugaux, difficultés
financières ou professionnelles. . . tous les moyens de preuve sont recevables : lettres,
témoignages, expertises ». (114) La tâche est simplifiée quand les suicidés laissent derrières
eux des lettres, tant pour expliquer leur geste que pour demander à leurs proches de
gérer leurs affaires. Car si le suicide est comme nous l’avons étudié précédemment l’expression
d’une perturbation mentale, il survient aussi dans des contextes difficiles, dont
les circonstances particulières ne sont souvent appréhendées qu’après le décès. C’est
un faisceau d’indices qui va être présenté par le bénéficiaire et apprécié par les juges
du fond, souverains en la matière. C’est ce qui en fait la différence d’avec l’accident.

Cette appréciation reste très subjective et s’avère parfois délicate, comme c’est le cas
avec les accidents de circulation ou par balle. Les juges confèrent une force probante
aux indices. Notons qu’une personne qui commence à réaliser un geste suicidaire et qui
tente de stopper son action mais en décède ne s’est pas suicidée. Si quelqu’un, après avoir
ouvert les vitres de son logement et arrêté la sortie du gaz finit néanmoins par décéder
asphyxié, les juges retiendront l’accident. Il est important pour les juges de pouvoir
qualifier le suicide et spécialement de s’assurer la bonne foi du défunt. Car comme ce
fut le cas avec l’espèce caricaturale du 7 décembre 1999 (115) il peut y avoir mauvaise foi
au moment de la souscription du contrat. Le professeur Beignier relève à cet égard que :
« L’abolition de l’article L132-7 du code des assurances n’empêchera pas les assureurs
de pouvoir contester leur garantie dans les cas, extrêmement rares, où le souscripteur
a agi pernicieusement à leur égard. » (116) Retenir les dispositions actuelles relatives au
suicide en assurances de choses et de responsabilité nous paraît également raisonnable.

112. Civ. 1ère, 25 janv. 1989
113. Arrêt rendu en mai 2010
114. J. KULLMANN (dir.), op. cit., n° 3904
115. CA de Paris, 7e ch. A 7 déc. 1999
116. Recueil Dalloz 2000 Commentaire, p. 327

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