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Section 1. The duty of care, skill and diligence

ADIAL

Aux Etats-Unis, les dirigeants d’entreprise sont des « fiduciaries ». La fiducie, issue du latin fiducia, la confiance, a pour définition juridique en droit français (définition qui semble coïncider avec la définition américaine), « l’opération par laquelle une (ou plusieurs) personne(s) transfèrent des biens, des droits ou des sûretés à un tiers, appelé le fiduciaire, qui aura pour mission de gérer ces objets au profit d’un bénéficiaire (qui peut également être le constituant) ». Cependant, les américains semblent l’employer dans son sens générique et non, juridique lorsqu’ils qualifient les dirigeants. Ils les envisagent davantage comme des administrateurs ou gérants que comme des fiduciaires au sens strict et juridique.

Dans le cadre de leur fonction de dirigeant, ceux-ci sont soumis à un devoir de diligence et d’attention (« The duty of care »). Il est typiquement imposé par les business laws. Les contours de ce devoir sont quelque peu similaires au devoir d’attention des dirigeants en France. Ainsi, les dirigeants se doivent, aux Etats-Unis, de gérer la société en toute bonne foi et dans l’intérêt supérieur de celle-ci. Cependant, il convient de préciser que les dirigeants aux Etats-Unis n’ont pas la même exposition. En effet, la fonction de dirigeant aux Etats-Unis est beaucoup plus risquée qu’en France, les dirigeant américains étant beaucoup plus largement exposés à la mise en jeu de leur responsabilité civile que nous le sommes en France. De ce fait, les dirigeants aux Etats-Unis ne doivent en aucun cas agir dans l’ignorance, ils se doivent d’être diligents dans leur gestion, de prendre en considération toutes les hypothèses possibles et donc d’analyser la situation avant d’agir pour le compte de la société. Ils doivent agir en tout état de cause (« The duty of skill and diligence »). Ce devoir est typiquement imposé par les business laws.

Le duty of care n’a pas toujours eu de l’importance aux yeux des dirigeants. En effet, pendant longtemps, les dirigeants ne craignaient pas la mise en jeu de leur responsabilité civile personnelle par la société ou par les actionnaires sur le fondement du non-respect de ce devoir, les poursuites sur ce fondement étant pratiquement toujours vouées à l’échec et même dans le cas où le tribunal reconnaissait un manquement au duty of care, il était très difficile d’obtenir des dommages et intérêts de la part des directors and officers sur ce simple fondement. En effet, les décisions imposaient en général une simple injonction.

Ce fut dans les années 80 que les choses changèrent à la suite de trois facteurs qui vont entraîner ce qu’on a appelé la “D&O crisis”. Cette crise a, tout d’abord, été marquée par la pression qu’ont connu les dirigeants pendant cette période. En effet, ceux-ci ont subi des contrôles beaucoup plus rigoureux se voyant notamment imposer des prises de décision plus importantes et hautement visibles relatives à l’avenir de leur société. Cette transparence permettait de déceler si le dirigeant était plus motivé par son désir de conserver sa position, son prestige, de justifier de la stratégie qu’il a adopté jusqu’alors que de maximiser la valeur des actions de la société en acceptant une proposition même non désirée. Cette crise a provoqué la mise en place d’un pool d’actionnaires prêt à recourir dès le moindre préjudice qu’il considère être la conséquence directe d’une décision en particulier ce qui a augmenté considérablement l’exposition des dirigeants aux Etats-Unis.

De leur côté, les tribunaux rendent à cette même époque des décisions qui semblent annoncer leur volonté d’effectuer un revirement de jurisprudence dans le cadre des actions en responsabilité civile sur le fondement du manquement au duty of care. Ces décisions ont créé un plus grand risque de recours en responsabilité civile personnelle alarmant ainsi les dirigeants d’entreprise, l’ampleur potentielle des risques étant stupéfiante.

Suite à ce soudain élargissement de l’exposition des dirigeants, il a été immédiatement plus difficile de se procurer une assurance Directors and officers’ liability et cela, quel qu’en soit son montant. Les contrats D&O ont soudainement vu leur taux fortement augmenter. Face à cette inattendue mutation du marché de l’assurance D&O apparaissant comme la conséquence directe des revirements jurisprudentiels ainsi que de l’élargissement de l’exposition des dirigeants au recours en responsabilité, les directors and officers ont préféré fuir leur responsabilité et fonction de dirigeants. Ainsi, quand certains préfèrent simplement refuser leur réélection, d’autres vont même jusqu’à démissionner de leur poste. Voyant la panique envahir les dirigeants sociaux, les législateurs des différents états ont tenté de calmer les esprits en adoptant un certain nombre de mesures de « corporate gouvernance » protectrice des dirigeants.

La situation s’est très vite calmée peu de temps après l’entrée en vigueur de ces mesures et était telle qu’à la fin du XXe siècle, les recours en responsabilité personnelle des dirigeants pour manquement au devoir de diligence se sont raréfiés au point de devenir aussi improbables qu’autrefois. La fin du XXème et le début du XXIème siècle ont vu un certain nombre de lois apparaître notamment avec le « Sarbanes-Oxley Act » de 2002 pris par le Congrès afin d’éviter de futurs scandales financiers et de restaurer une certaine confiance en l’économie américaine en mettant en place de nombreuses dispositions pénales et civiles applicables aux dirigeants. Le « Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act » de 2010 a également été mis en place par le Congrès qui a tenté avec ce dispositif de répondre aux fraudes boursières et aux pratiques abusives de Wall Street qui ont entraîné la crise financière de 2007.

Un débat est né parmi les auteurs sur la question de savoir s’il fallait regrouper le duty of care et le duty of loyalty en un seul et même fidiciary duty. Cependant, la pratique semble avoir répondu à cette interrogation puisque les tribunaux continuent de les traiter différemment et considèrent cette distinction comme primordiale et légitime.

La législation relative aux sociétés impose toujours et encore, le duty of care s’inspirant fortement et pour la plupart des états du Model Business Corporation Act (MBCA) de 1984 prévoyant une définition assez précise du comportement que doit adopter le dirigeant. En effet, ce texte prévoit que “le dirigeant doit s’acquitter de ses devoirs avec le soin et la diligence qu’une personne d’ordinaire prudente adopterait si celle-ci occupait la même fonction et était dans des circonstances similaires”. Le Delaware a d’ailleurs repris la notion de duty of care mais sans le désigner explicitement. Ce code fait office de référentiel pour la majorité des états qui ont, de ce fait, modelé leur code à l’image de celui du Delaware. Le MBCA a été réformé en 1998 et désormais prévoit que le dirigeant agit de bonne foi et de la manière qu’il juge et considère raisonnablement comme étant la plus protectrice des intérêts de l’entreprise. Dans la pratique, il semblerait que les tribunaux retiennent la responsabilité personnelle des dirigeants pour manquement au duty of care dès lors que celui-ci fait preuve de négligence mais comme évoqué ci-dessus, les corporate officers voient rarement leur responsabilité personnelle être engagée pour manquement à ce devoir.

Les dirigeants d’entreprise sont également soumis au respect d’un autre devoir: le “duty of loyalty”.

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