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Section 1 – Respect de l’ordre public par le contrat d’assurance

ADIAL

Le contrat d’assurance objet de l’article L132-7 du code des assurances est d’ordre
public (§2), notion qu’il convient de présenter (§1).

1 – Rappel de la notion d’ordre public

L’article 6 du code civil dispose : « on ne peut déroger, par des conventions particulières,
aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes moeurs ». L’ordre public
est défini comme « la norme impérative dont les individus ne peuvent s’écarter ni dans
leur comportement ni dans leurs conventions ; norme qui, exprimée ou non dans une
loi, correspond à l’ensemble des exigences fondamentales (sociales, politiques, etc.)
considérées comme essentielles au fonctionnement des services publics, au maintien
de la sécurité ou de la moralité, à la marche de l’économie ou même à la sauvegarde
de certains intérêts particuliers primordiaux ». (3). Les sujets de droit ne peuvent donc
déroger à cet ordre public. L’intérêt de déterminer si un article est d’ordre public est de
savoir si les parties à un contrat peuvent y déroger ou non. Et donc de donner ou non
de la force à une disposition législative. Le contrat d’assurance est une convention qui
engage le souscripteur et l’assureur et ne peut déroger à l’ordre public. Les dispositions
du code des assurances non plus, spécialement l’article L132-7.

2 – Respect de l’ordre public par le contrat d’assurance objet de l’article L132-7 du code des assurances

L’article L132-7 du code des assurances dispose : « L’assurance en cas de décès
est de nul effet si l’assuré se donne volontairement la mort au cours de la première
année du contrat. » La doctrine qualifie les dispositions d’ordre public, ainsi le professeur
Kullmann à propos d’une décision rendue par la Cour de cassation en date du 10
octobre 1995. C’est aussi la position des juges du fond. Ainsi dans une décision rendue
par la première chambre civile de la Cour de cassation le 23 juin 1998 où il est fait
mention « des dispositions d’ordre public » de l’article L132-7 du code des assurances.

Le professeur Groutel s’exprimant à propos de la réforme de cet article intervenue par
l’action de la loi du 3 décembre 2001 ne manque pas de souligner que « à la survie de la
loi ancienne, de règle en matière contractuelle, il sera opposé le caractère d’ordre public
des dispositions nouvelles, et l’on peut supposer que c’est celui-ci qui l’emportera ».

Le constat semble donc unanime et s’explique par l’image négative du suicide. Celui-ci
est jugé avec désapprobation à l’instar des professeurs Picard et Besson en 1974 pour
lesquels « le suicide est un acte immoral et socialement nuisible : l’homme qui se donne
la mort méconnaît ses devoirs personnels et ses devoirs sociaux ». Les mêmes auteurs
font prévaloir cet ordre public sur l’intérêt personnel des bénéficiaires d’une assurance
contractée en cas de décès. Ils vont même plus loin en affirmant que ne pas garantir le
suicide coupe l’herbe sous le pied du souscripteur qui ne nourrirait plus d’incertitude
quant à l’avenir du contrat ce qui pourrait même l’inciter à commettre l’irréparable. Le
Lamy Assurances reprend cette position en 2012.

Il est amusant de constater que l’inadéquation entre le suicide et l’ordre public trouve
son origine dans la morale judéo-chrétienne qui n’accepte pas la mort volontaire. Il est
permis de choisir ses études ou son environnement mais pas de mourir. Il ressort des
travaux préparatoires de la loi de 2003 qu’il serait « choquant d’obliger les assurances à
couvrir un suicide intervenant à une date trop rapprochée de la signature du contrat ». Enfin
les professeurs Leveneur et Lambert-Faivre de relever que « sans porter de condamnation
d’ordre moral sur le suicide, qui pose de graves problèmes philosophiques et
métaphysiques, on doit constater qu’il serait contraire à l’ordre public de permettre à des
personnes décidées à se suicider, de contracter préalablement une assurance sur la vie,
licite, au profit de leurs proches ». La frontière entre la franche réprobation morale et la
condamnation de l’utilisation perverse du mécanisme d’assurance n’est pas toujours très
nette.

Force est de constater une certaine schizophrénie ambiante. En effet les parties
peuvent déroger dans certaines conditions à cet ordre public. C’est du moins ce qui
est ressort de plusieurs décisions pointées du doigt par le professeur Beignier. Ainsi une
décision du 23 juin 1998 acquiesçant à une clause faisant du suicide une clause d’exclusion,
conscient ou non. Ou de faire courir le délai de garantie du suicide à partir d’un jour
déterminé par convention. Cependant nous minimisons la portée de cette analyse dans
la mesure où depuis la loi du 3 décembre 2001, le suicide est obligatoirement garanti à
compter de la deuxième année du contrat d’assurance. Et l’exclusion du suicide se fait,
suicides conscient et inconscient confondus. Mais le professeur Luc Mayaux de relever
que la clause conventionnelle garde son effet en permettant d’exclure le suicide quand
sa garantie est autorisée par la loi comme c’est le cas pour des contrats de groupe dont
il sera question plus tard. Elle pourrait aussi selon cet auteur conserver son utilité en
matière de preuve en cas de nouvelle distinction entre suicide conscient et inconscient.
Le même auteur souligne que « si l’on suit les arrêts nous serions en présence d’un
« ordre public supplétif », espèce singulière dans un genre rigoureux ».
Le contrat d’assurance doit aussi respecter l’aléa qui le caractérise.

3. Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, 2002

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