Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

Section 1 – Prise d’effet de la garantie du suicide à la souscription du contrat d’assurance

ADIAL

Il s’agit d’étendre la garantie du suicide à tous les contrats souscrits en cas de décès
(§1) et d’encadrer formellement le contrat d’assurance (§2).

1 – Étendue de la garantie à tous les contrats souscrits en cas de décès

Le suicide est comme nous l’avons étudié précédemment causé par des troubles
psychologiques. Ceux-ci sont de nature à enlever à l’acte son caractère volontaire, dans
la mesure où si le suicide reflète une volonté dans le fait de choisir matériellement sa
mort, il n’en va pas de même dans le fait de souhaiter mourir. C’est l’expression d’une
détresse profonde. Cette détresse résultant d’un trouble mental comme la dépression.

Nous avons considéré à l’issue du chapitre consacré à la considération biaisée du suicide
trahie par l’article L132-7 du code des assurances que le suicide relevant du trouble
mental, il n’y avait pas lieu de le considérer comme une action s’apparentant à la fraude.

Dès lors il nous apparaît logique de lui accorder une garantie dès la souscription de
la police. Un arrêt très intéressant a été rendu par la première chambre civile de la
Cour de cassation le 25 mars 1991, aux termes duquel un incendie dont l’auteur était
atteint au moment des faits de troubles mentaux n’est pas intentionnel et lui donne un
caractère accidentel exclusif de la faute intentionnelle au sens de l’article L113-1 du
code des assurances. À noter que cet arrêt a été rendu dans le cadre de la mise en jeu de
la responsabilité civile. Il ressort donc de cette jurisprudence que les troubles mentaux
sont de nature à donner un caractère accidentel à un acte. Dans le cas du suicide et
en application de cette jurisprudence, il conviendrait de prendre en compte l’origine
psychopathologique du suicide et lui donner un caractère accidentel. Par conséquent il
n’y aurait pas lieu de le sanctionner au titre de l’article L113-1 du code des assurances.

Ce qui nous semblerait juste et adéquat avec la suppression de l’actuel article L132-7
du même code. La distinction entre inconscient et conscient a disparu mais les juges
tranchaient souvent en faveur de la première qualification en présence d’une souffrance,
d’une idée fixe ou d’un trouble mental, note le professeur Kullmann. (104) Or il faut bien
comprendre que c’est toujours un trouble mental.

Nous avons précédemment étudié la place de l’aléa dans le contrat d’assurance. Or
techniquement dès lors que le suicide ne revêt pas un caractère volontaire, l’aléa est
sauvegardé, la réalisation du risque que constitue le décès ne relevant pas de la simple
volonté de l’assuré. Dès lors le suicide doit être garanti dès la souscription du contrat.

C’est ce que préconise le professeur Beignier quand il affirme qu’il « faut aller dans le
sens de la suppression pure et simple de l’article L132-7 du code des assurances ». (105)

Certain avait tourné en dérision la proposition déposée par le groupe socialiste à l’Assemblée
nationale en 1996 en ce sens (106) qualifiant cette dernière d’aberration « autant
juridique que technique ou morale » et « d’idée abracadabrante ». Cette critique est
classique mais il est regrettable que l’auteur de ces propos n’ait pas tenté de se renseigner
préalablement sur le suicide et ses causes. Car nous lui répondrons que le suicide relevant
de troubles mentaux, on ne peut se placer sur le terrain de la moralité. C’est comme
reprocher à un aliéné d’avoir égorgé son voisin. C’est choquant, sans doute, mais pas
immoral, l’individu ne jouissant pas de son libre arbitre. Qui plus est le candidat au
suicide souffre d’une douleur intolérable et c’est la mort qu’il choisit. La victime d’un
pervers narcissique, poussée à bout par ce dernier cède à ce harcèlement, et ne va pas
s’interroger sur ce qui est bien ou mal dans le fait de se suicider pour échapper à son
tourmenteur. Nous répondrons également à cet auteur que ce n’est pas une aberration
juridique et technique que d’accorder la garantie du suicide car comme nous l’avons
expliqué précédemment, l’absence de volonté du suicide fait conserver à l’acte son
caractère imprévisible et incertain de nature à sauver l’aléa du contrat d’assurance. Dès
lors le suicide se présente comme n’importe quel risque, à la nuance près qu’il ne peut
y avoir de risque déjà réalisé mais ignoré de l’assuré souscripteur, car il serait dans
l’impossibilité de contracter. Dans un rapport présenté le 6 juillet 1993 devant le Conseil
économique et social (107), le professeur Michel Debout estime : « Le concept de volonté
ne nous paraît pas adapté à cette situation. Il nous semble plus traduire l’idée que le
sujet a posé un acte délibéré – et il ne faut pas lui ôter cette capacité – mais l’aléatoire
persiste, non pas dans l’acte lui-même, mais dans sa signification et son objectif ». Et le
professeur Bigot d’estimer que jusqu’au dernier moment le fait de vouloir se suicider est
aléatoire. (108) Une seule conclusion s’impose, celle d’abroger l’actuel article L132-7 du
code des assurances car bâti sur des données dépassées. Ce qui entend un encadrement
formel du contrat d’assurance.

2 – Encadrement formel du contrat d’assurance

Il est nécessaire d’encadrer le contrat d’assurance dans sa forme. En effet certains
assureurs insèrent dans leur questionnaire de santé une question relative aux traitements
neurologique, psychiatrique ou de dépression nerveuse dont aurait pu faire l’objet l’assuré.

(109) Ce qui constitue une source d’indices concernant l’état de santé de l’assuré. Et
peut inciter l’assureur à refuser sa garantie. Or si les parties sont d’accord, alors même
que la réalité de tels traitements a été dévoilée, la loi garantissant à l’heure actuelle le
suicide après le délai d’un an suivant la souscription de la police, l’intérêt d’une telle
déclaration est faible. Avec l’abrogation de l’actuel L132-7 du code des assurances qui
accorderait la garantie du suicide dès la souscription du contrat d’assurance l’intérêt
d’un tel questionnaire serait des plus minces avec une telle clause en cas de bonne foi
du souscripteur, c’est-à-dire n’étant l’objet d’un trouble nerveux que postérieurement
à la souscription. S’il est de mauvaise foi, ce qui est très rare mais est déjà arrivé, ces
éléments d’information peuvent, à l’inverse, servir à l’assureur en cas de preuve à fournir.

Un auteur s’est penché sur cette question qui écrit : « Quoi qu’il en soit, on imagine mal
un assureur user, dans de tels contrats, de la faculté qui lui est offerte par ce texte, de
garantir le suicide dès la date d’effet de l’adhésion ! À moins qu’il y consente après lui
avoir demandé dans un questionnaire médical : « avez-vous l’intention de vous suicider
dans les mois qui viennent. . . » et de plaider la nullité du contrat pour fausse déclaration
intentionnelle si l’assuré a mis fin à ses jours en dépit de sa réponse négative. . . Bref,
tout ceci n’est pas sérieux. » (110)

Bien au contraire, serions-nous tentée de dire. L’auteur bien que se fourvoyant soulève
un point très intéressant : celui de la nullité du contrat pour faute intentionnelle. L’article
L113-1 du code des assurances dispose : « Les pertes et les dommages occasionnés
par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf
exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l’assureur ne répond pas
des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré. »

Cet article peut naturellement être utilisé en cas de mauvaise foi de l’assuré, ayant
conscience de sa volonté de se suicider au moment de la souscription. L’assureur pourra
bien sûr soulever les articles L113-7 et L113-8 du code des assurances, sanctionnant
la mauvaise déclaration de risque en cas respectivement de mauvaise foi et de bonne
foi. C’est le problème de la déclaration des risques. Ainsi l’article L113-9 dispose dans
son premier alinéa : « L’omission ou la déclaration inexacte de la part de l’assuré dont
la mauvaise foi n’est pas établie n’entraîne pas la nullité de l’assurance. » et l’article
L113-8 dispose : « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des
dispositions de l’article L132-26, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou
de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette
fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors
même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre. »

L’aléa s’apprécie au moment de la formation du contrat d’assurance et la nullité au stade
de l’exécution. L’article 1116 du code civil dispose : « Le dol est une cause de nullité de
la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est
évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume
pas et doit être prouvé. » Le dol est un vice du consentement et invalide le consentement
en application de l’article 1109 du code civil. Nous sommes d’avis qu’en supprimant
l’article L113-2 du code des assurances, un éventuel retour au droit commun du droit des
assurances est envisageable. Cependant une autre alternative prend une place de choix,
celle de bâtir un nouvel article L132-7 du code des assurances, reprenant en substance le
droit commun du contrat d’assurance mais en demandant l’application de garantie dès la
souscription du contrat d’assurance. La sanction en serait la restitution des seules primes
versées par l’assuré souscripteur au bénéficiaire. Le professeur Beignier avait envisagé
la suppression de l’actuel article L132-7 pour revenir au droit commun du contrat d’assurance
avec un possible recours au droit pénal pour escroquerie en cas de mauvaise foi
du souscripteur. (111) Nous souhaiterions plutôt la rédaction d’un nouvel article spécial eu
égard au caractère spécial du suicide. Ainsi : « L’assurance en cas de décès doit couvrir
le risque du suicide à compter de la souscription du contrat. En cas d’augmentation des
garanties en cours de contrat, le risque de suicide, pour les garanties supplémentaires,
est couvert à compter de la souscription de cette augmentation » nous semble prendre
en compte la réalité du suicide. Il convient maintenant d’envisager l’aménagement du
régime de la preuve du suicide.

104. J. KULLMANN (dir.), op. cit., n° 3905
105. Recueil Dalloz 2000, Jurisprudence, Commentaire de CA de Paris, 7 déc. 1999
106. Guy COURTIEU, Chronique d’humeur, Gaz. Pal. Du 9 janvier 1999
107. Rapport présenté le 6 juillet 1993 devant le Conseil économique et social, depuis publié dans la
collection Ellipses
108. Obs. in Tr. Droit des assurances, tome 4, « Les assurances de personnes », n° 117-9
109. Bulletin d’adhésion au contrat d’assurance de groupe de CNP Assurances
110. Guy COURTIEU, Chronique d’humeur, « Un suicide raté ou lorsque le législateur se tire une balle
dans le pied », Gaz. Pal. du 9 janvier 1999
111. Recueil Dalloz 2000, Jurisprudence partie Commentaires, CA Paris, 7 décembre 1999

Retour au menu : LE SUICIDE EN ASSURANCE