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Section 1 : Les limites du dispositif

ADIAL

Le dispositif semble poser quelques problèmes d’application aux agriculteurs et aux assureurs. Tout d’abord, trop peu d’agriculteurs sont assurés à ce jour (Paragraphe 1). Ensuite, la franchise reste trop élevée, ce qui n’encourage pas les agriculteurs à s’assurer (Paragraphe 2). Puis, les assureurs déplorent une asymétrie d’information (Paragraphe 3). Enfin, l’enveloppe de subvention ne cesse d’être revue à la baisse, ce qui déplait fortement au monde professionnel agricole et aux assureurs (Paragraphe 4).

Paragraphe 1 : Un nombre trop faible d’agriculteurs assurés : un constat qui pose problème

En 2012, seul un tiers des agriculteurs était assuré au titre de l’assurance multirisque récolte. Aujourd’hui, la proportion reste à peu près la même malgré les subventions proposées aux agriculteurs. La mutualisation opérée par les assureurs est donc trop faible pour que le régime soit efficace.

Monsieur Didier MIGAUD, Premier Président de la Cour des Comptes, dans un référé du 25 janvier 2013, a fait un bilan de l’assurance récolte et selon lui, « le bilan de l’assurance récolte qui peut être dressé aujourd’hui reste mitigé »(90). Il juge que le développement de cette assurance est insuffisant et ajoute que « le basculement des indemnisations publiques vers l’assurance, envisagé en 2005, est loin d’être effectif ». Il est certain que le transfert total de l’assurance agricole n’est pas encore à l’ordre du jour, étant donné les résultats trop fragiles obtenus de l’assurance récolte.

Toutefois, il convient de noter qu’il s’agit d’une assurance récente et que le mécanisme n’est pas encore bien rodé. Pour l’instant, les agriculteurs étaient habitués à être indemnisés par le FNGRA. Ce n’est que très récemment que sont sorties de ce fonds les grandes cultures et la viticulture. Un changement de mentalités devrait s’opérer au fil du temps. En effet, il faut laisser le temps aux agriculteurs de se faire leur propre expérience. Jean Claude Tabaran, agriculteur, a témoigné en faveur de l’assurance récolte(91). Assuré chez Groupama contre les risques climatiques depuis 2005, il a pu se faire indemniser lorsqu’il a subi des dommages suites à la sécheresse de 2012. Son voisin, quant à lui, n’était pas assuré. Il a rencontré de grosses difficultés financières et a préféré s’assurer l’année suivante.

Beaucoup d’agriculteurs sont dans ce cas à penser que cela n’arrive qu’aux autres et n’imaginent pas les conséquences que de tels évènements peuvent engendrer sur leur exploitation. Certains d’entre eux attendent que l’assurance récolte fasse ses preuves avant d’y souscrire. Cela montre que les agriculteurs prennent conscience petit à petit des enjeux en cause et qu’ils sont prêts à évoluer, d’autant plus qu’aujourd’hui, les changements climatiques et leurs répercussions catastrophiques sont au coeur des débats.

Le fait d’avoir une mutualisation trop faible entraîne toutefois des problèmes auprès des assureurs. En effet, le risque n’étant partagé que par une minorité d’agriculteurs, cela entraine des coûts élevés, souvent pointés du doigt par les agriculteurs, alors qu’avec un plus grand nombre d’assurés, cela permettrait de mieux mutualiser le risque et ainsi de diminuer le coût par assuré.

Paragraphe 2 : Une franchise trop élevée

L’assurance récolte comprend une franchise entre 25% et 50%. C’est l’une des conditions pour que l’agriculteur puisse bénéficier des subventions. Toutefois, pour beaucoup d’agriculteurs, cette franchise reste bien trop élevée. Cela représente donc un frein à l’assurance pour un bon nombre d’entre eux. Ils hésitent donc à s’assurer et la plupart préfère encore assumer seuls les risques climatiques agricoles en cas de sinistre.

Cependant, cette tendance tend à s’améliorer depuis que les agriculteurs s’aperçoivent au fil du temps qu’ils sont soumis de plus en plus souvent à des évènements climatiques et que ces derniers peuvent avoir des résultats dramatiques sur leur exploitation et ainsi les mettre dans des situations financières délicates. Comme l’affirme Arnaud de Rincquesin, responsable des risques agricoles chez Allianz-La Rurale, « les sécheresses de 2011 devraient jouer en faveur des souscriptions car les agriculteurs font d’excellents ambassadeurs »(92). Selon lui, ces derniers « vont sensibiliser ceux qui n’y ont pas cru ».

Ainsi, au fur et à mesure de leur expérience et surtout de leurs mauvaises expériences, les agriculteurs se laissent de plus en plus séduire par les assurances récoltes.

Les assureurs, quant à eux, regrettent qu’ils aient si peu de manoeuvre sur la mise en place des contrats. En effet, la franchise répond à une exigence règlementaire pour permettre aux agriculteurs de pouvoir bénéficier des subventions. Les assureurs sont donc liés à cette franchise s’ils veulent que les agriculteurs souscrivent, ce qui les oblige à proposer des contrats standards.

Paragraphe 3 : Une asymétrie d’information

L’asymétrie d’information, concernant plus particulièrement l’assurance agricole, est un terme désignant le fait que les assureurs et les agriculteurs ne sont pas égaux dans la détention d’informations par chacun, les agriculteurs étant privilégiés dans la mesure où ils connaissent mieux que personne leur production et les conséquences que peuvent engendrer les risques climatiques. Ils ont donc souvent une longueur d’avance sur les assureurs.

Cette asymétrie d’information pose différents problèmes aux assureurs. D’une part, cela peut interférer sur l’aléa moral, élément indispensable d’un contrat d’assurance. En effet, le fait pour un agriculteur de souscrire un contrat d’assurance peut avoir tendance à modifier son comportement. Il sera tenté de prendre plus de risques que la normale et ne voudra pas forcément mettre en oeuvre des actions de prévention, se sentant protégé par l’assurance quoiqu’il arrive.

D’autre part, cela peut engendrer un phénomène d’anti-sélection ou sélection adverse. En effet, le fait que l’assurance récolte soit une garantie facultative peut amener à ce que seuls les agriculteurs les plus soumis aux risques climatiques s’assurent, les autres n’y trouvant pas assez d’intérêt. Ainsi, la mutualisation qui s’opérera ne sera pas efficace.

Paragraphe 4 : Une enveloppe de subventions à la baisse

Le but des subventions était à l’origine d’inciter les agriculteurs à s’assurer. L’objectif est donc atteint car le nombre d’assurés ne cessent d’augmenter, malgré le fait que ce nombre est encore insuffisant. Toutefois, une donnée vient aujourd’hui noircir le tableau car lors de la dernière réunion du Conseil de Gestion des Risques en Agriculture le 12 juin 2013, le ministère de l’Agriculture a annoncé que l’enveloppe de ces subventions est réduite de 22,8M€. En 2013, celle-ci sera de 77,2M€ alors qu’elle était de 100M€ en 2012 et de 133M€ en 2011.

Cela pose un problème majeur car cela vient à l’encontre du développement de l’assurance récolte. Ce montant ne suffira pas à répondre aux besoins des assurés, ce que confirme le Conseil de l’Agriculture Française (CAF), en affirmant que « cette enveloppe sera insuffisante pour maintenir le taux actuel de subvention de 65 % »(93). En effet, si le nombre d’assurés continue à progresser, le montant de la subvention qui ne cesse de se réduire sera donc répartit auprès d’un plus grand nombre d’assurés, entraînant donc une hausse des tarifs pour les assurés.

90 D. MIGAUD, bilan de l’assurance récolte, référé du 25 janvier 2013 : http://www.argusdelassurance.com/mediatheque/4/7/8/000016874.pdf
91 A. NICOLAS, L’assurance récolte, une réponse au risque sécheresse, L’Argus de l’assurance, 20 janvier 2012, p. 41
92 A. NICOLAS, L’assurance récolte, une réponse au risque sécheresse, L’argus de l’assurance, 20 janvier 2012, p. 40
93 La profession dénonce la baisse de subvention (CAF), 17 juin 2013 : http://www.lafranceagricole.fr/actualite-agricole/assurance-recolte-la-profession-denonce-la-baisse-des-subventions-caf-73722.html

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