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Section 1 : Le risque tempête longtemps resté à la frontière du régime de catastrophes naturelles

ADIAL

Il est souvent apparu difficile de distinguer la garantie tempête et celle des catastrophes naturelles mais il s’agit pourtant bien de deux garanties distinctes (Paragraphe 1). Plusieurs évolutions législatives ont permis d’éclaircir cette distinction (Paragraphe 2). Aujourd’hui, le risque tempête fait encore l’objet de débats quant à son contenu (Paragraphe 3).

Paragraphe 1 : Deux garanties difficiles à distinguer mais pourtant bien différentes

Depuis la mise en place de la garantie légale des catastrophes naturelles en 1982, la délimitation entre ce qui relève de cette garantie et de ce qui relève de celle des tempêtes a toujours été une question difficile. En effet, la séparation entre ces deux garanties a longtemps posé problème. La garantie des catastrophes naturelles a été rédigée de telle sorte qu’elle doit intervenir seulement pour l’indemnisation des dommages non assurables, sous entendu que les dommages faisant déjà l’objet d’une garantie par les assureurs ne bénéficient pas de la garantie des catastrophes naturelles. Les dommages causés par les effets du vent, plus communément connus sous le nom de tempêtes, font l’objet d’une garantie légale depuis 1990, la garantie TOC (Tempête, Ouragan, Cyclone).
Une confusion n’a pas cessée d’être opérée entre ces deux garanties. Plusieurs facteurs ont contribué à cette méconnaissance. D’une part, la distinction est difficile à faire car lorsqu’une tempête de vent intervient, elle est souvent accompagnée de pluies intenses et engendre alors deux types de dommages : ceux liés aux effets du vent, censés être indemnisés par la garantie TOC et ceux liés aux inondations, censés être indemnisés par la garantie des catastrophes naturelles. Ainsi, les assurés pensent à tord que la tempête constitue un évènement de catastrophe naturelle et que celle-ci est indemnisée par la garantie des catastrophes naturelles. D’une manière plus générale, les assurés pensent que cette dernière couvre tous les évènements de nature climatique sans distinction.

Toutefois, la confusion ne vient pas seulement de l’existence même des deux garanties. En effet, selon Patrick Bidan, Directeur de la souscription catastrophes naturelles en France à la CCR, « la confusion a été entretenue par la publication répétée d’arrêtés de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle après la survenance de tempêtes remarquables »(43) dans la mesure où les dommages recensés dans ces arrêtés étaient causés simultanément par l’action de l’eau et du vent.

Ainsi, lors de la constatation des dégâts quelques jours après la catastrophe, la difficulté réside dans la distinction des dommages dus aux inondations et ceux dus au vent. Par facilité, l’Etat décide souvent d’étendre la publication des arrêtés de catastrophes naturelles à tous les assurés ayant subi des dommages dus à la tempête, que ceux-ci soient dus au vent ou aux inondations, à charge pour les assureurs par la suite de délimiter ce qui relève de la garantie des catastrophes naturelles et ce qui relève d’autres garanties et notamment la garantie TOC. Par exemple, lors des fameuses tempêtes Lothar et Martin, malgré le fait que les inondations aient touché que quelques communes, c’est bien l’ensemble des communes de 69 départements qui ont été visées par les arrêtés(44). Cela permet également aux assurés d’avoir une reconnaissance nationale de l’ampleur de leur sinistre.

Paragraphe 2 : Tentatives d’éclaircissement par différentes évolutions législatives

La garantie tempête est apparue en 1953 au sein de la Mutualité Agricole qui a décidé à cette époque d’offrir la couverture des tempêtes à certains contrats incendie, couverture qui a ensuite été reprise par d’autres assureurs. La garantie tempête a ensuite été étendue au risque grêle.

Le régime des catastrophes naturelles a été instauré en 1982. La garantie est prévue pour indemniser les risques non assurables. La garantie tempête constituant un risque assurable, a priori, la délimitation semble claire. Mais, c’est sans compter l’intervention de l’Etat suite aux tempêtes de novembre 1982. En effet, ces évènements climatiques ont permis de démontrer que la garantie TOC n’était pas assez étendue et que l’on dénombrait trop peu d’assurés.

C’est face à cette difficulté et à l’ampleur des dommages que l’Etat a décidé de prendre un arrêté de catastrophes naturelles à titre exceptionnel permettant ainsi d’indemniser au titre du régime des catastrophes naturelles ceux qui n’étaient pas ou insuffisamment assurés au titre de la garantie TOC. L’Etat a ainsi renouvelé ce geste plusieurs fois les années qui ont suivi, ce qui a failli actionner la garantie de l’Etat dont les réserves étaient encore trop fragiles.

Afin d’inciter notamment les entreprises à s’assurer au titre de la garantie TOC, les assureurs ont modifié substantiellement la garantie. Ils ont changé les conditions afin qu’il y ait moins de différences avec la garantie des catastrophes naturelles et ils ont étendu la couverture au risque poids de la neige sur les toitures, d’où l’apparition de la garantie Tempête, Grêle, Neige (TGN).

Les assureurs ont également ont mis en place un autre plan d’action qui s’est révélé très efficace. En effet, ils ont proposé une extension automatique des contrats de leurs assurés à la garantie TGN lors du renouvellement de ces contrats sauf refus exprès des assurés. Plus de la moitié des professionnels ont suivi cette proposition, ce qui semblait résoudre le problème de distinction des garanties des catastrophes naturelles et Tempêtes. Mais, en 1987, une nouvelle tempête est survenue et l’Etat a de nouveau pris un arrêté exceptionnel. En effet, il s’est une nouvelle fois avéré que trop peu d’entreprises étaient assurées et que les dégâts étaient trop importants.

Afin de régler définitivement le problème du manque d’assurés en matière de tempêtes, le législateur, par une loi du 25 juin 1990, a décidé de rendre obligatoire la couverture du risque tempête. Ainsi, « les contrats d’assurance garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les effets du vent dû aux tempêtes, ouragans et cyclones, sur les biens faisant l’objet de tels contrat »(45). Ainsi, tout professionnel assuré contre les dommages d’incendie ou tous autres dommages concernant son entreprise sera automatiquement couvert contre le risque de tempête. Une fois que le sinistre s’est produit, l’assuré doit le déclarer à l’assureur et apporter tous les documents nécessaires pour l’évaluation des dommages et donc de l’indemnisation(46).

Toutefois, il s’agit d’une garantie contractuelle. L’indemnisation peut donc être soumise à des conditions spécifiques, ce que les assureurs prévoient le plus souvent. Certains prévoient que la garantie s’applique seulement si le vent a causé des dommages à des bâtiments de construction solide dans la commune où le sinistre s’est produit ou dans celles qui sont proches. A défaut, certains contrats prévoient de fournir un bulletin de la station météorologique nationale la plus proche attestant que la vitesse du vent était au moment du sinistre supérieure à 100km/heure, ceci afin de prouver le caractère exceptionnel de l’intensité de l’évènement.

Avec la mise en place de cette extension de garantie obligatoire, est réglé le problème du manque de professionnels assurés. Cependant, reste toujours celui de la délimitation des garanties tempêtes et des catastrophes naturelles. La réforme en cours devrait toutefois éclaircir la situation. En effet, celle-ci prévoit une liste des risques couverts par la garantie des catastrophes naturelles dont les tempêtes ne feront pas partie(47). Ainsi, le chevauchement entre les deux garanties devrait ne plus être d’actualité.

Paragraphe 3 : Une garantie qui a fait débat quant à son contenu

Une fois que la garantie tempête a fait l’objet d’une loi imposant l’extension de la garantie incendie à ce risque tempête, les assureurs ont rencontrés certaines difficultés quant à sa mise en application et notamment concernant les exclusions et autres limitations de garantie. En effet, la question qui se posait était de savoir si la garantie tempête s’appliquait dans les mêmes conditions que celles de la garantie incendie, la première étant l’extension de l’autre.

Cela a fait l’objet de divers revirement de jurisprudence. Un premier arrêt a été rendu en 2003 par la première chambre de la Cour de Cassation, laquelle a interdit la mise en place par les assureurs d’exclusions et limitations spécifiques à la garantie tempête(48). Ainsi, il s’agit d’une application stricte ne laissant pas place à la négociation entre assureurs et assurés. Les biens qui font l’objet de la garantie incendie sont donc automatiquement couverts par la garantie tempête.

Les tribunaux ont par la suite opéré un revirement de jurisprudence en autorisant les assureurs à prévoir des exclusions et limitations spécifiques à la garantie tempête. Ils ne sont donc plus contraints d’appliquer la garantie tempête dans les mêmes conditions que la garantie incendie.
Dans un arrêt du 13 janvier 2004, la Cour de Cassation a estimé que les contrats d’assurance peuvent « limiter dans son montant la garantie des dommages causés par la tempête »(49).

Par un autre arrêt de 2004, la Cour de Cassation a continué de prendre des décisions en ce sens en affirmant, en parlant de la garantie tempête, que « l’étendue de cette garantie peut être librement fixée par les parties et n’est égale à celle du risque incendie que si elles n’en sont autrement convenues »(50). Les assureurs peuvent donc désormais prévoir des exclusions spécifiques et notamment exclure certains biens de la garantie tempête même si ceux-ci sont garantis contre l’incendie. La Cour de Cassation décide ici de mettre en avant la liberté contractuelle.

La Cour de Cassation a de nouveau pris une décision dans le sens de la liberté contractuelle dans un arrêt du 16 juin 2005(51).

La jurisprudence a une nouvelle fois changé de position quant à l’interprétation de l’article L 112-7 du Code des Assurances. Ainsi, la Cour de Cassation, dans un arrêt du 8 février 2006 a estimé que selon cet article, « la garantie du risque incendie des biens implique nécessairement celle du risque tempête »(52) et donc que les bâtiments faisant l’objet d’une garantie incendie ne peuvent être exclus au titre de la garantie tempête. Un autre arrêt de 2006 est venu appuyer cette décision en affirmant que la garantie tempête ne pouvait différer dans ses conditions à celles de la garantie incendie(53). En l’espèce, l’assureur avait inséré dans la garantie tempête certaines restrictions qui n’apparaissaient pas dans la garantie incendie.

A côté de la prise en charge du risque tempête qui n’a pas toujours été facile à mettre en oeuvre, certains risques, eux, ont toujours fait l’objet d’un contrat d’assurance spécifique.

43 P. BIDAN, Tempête versus catastrophes naturelles : un drame français, Dossier « Les tempêtes en Europe : un risque en expansion », Risque, n°92, septembre 2012, p.59
44 P. BIDAN, Tempête versus catastrophes naturelles : un drame français, Dossier « Les tempêtes en Europe : un risque en expansion », Risque, n°92, septembre 2012, p.59
45 Article L 122-7 du Code des Assurances
46 Tempêtes : comment se faire indemniser ?, FFSA, 15 octobre 2012
47 Annexe 4
48 Cass.Civ. 1ère 24 juin 2003
49 Cass.Civ.13 janvier 2004
50 Cass.Civ. 2ème, 4 novembre 2004
51 Cass. Civ. 2ème, 16 juin 2005
52 Cass. Civ. 2ème, 8 février 2006
53 Cass.Civ. 2ème, 19 octobre 2006

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