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Section 1. Le principe

ADIAL

L’article L 113-1 du code des assurances dispose que « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ». En vertu de cet article, l’assuré ne peut en aucun cas être couvert si le sinistre résulte d’une faute intentionnelle ou dolosive. Il y a, en théorie, deux manières de concevoir la faute intentionnelle. La conception objective suppose de ne retenir qu’un critère : celui de la volonté de commettre une faute alors que la conception subjective, quant à elle, évoque deux critères permettant de retenir la faute intentionnelle : la volonté de commettre la faute ainsi que la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu. Il s’avère que la jurisprudence a préféré opter pour la conception subjective imposant ainsi pour la preuve de la faute intentionnelle de l’assuré deux conditions cumulatives et ce, dès les années 90 en déclarant qu’« au sens de [l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances], la faute intentionnelle qui exclut la garantie de l’assureur est celle qui suppose la volonté de causer le dommage et pas seulement d’en créer le risque »(25). La jurisprudence semble avoir tranché en faveur de la conception subjective malgré quelques arrêts récents qui ont, semble-t-il, délaissé la preuve de la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu.(26)La Cour de cassation est vite revenue sur une conception subjective à travers deux arrêts du 1er juillet 2010 réaffirmant ainsi sa position initiale.(27) La Cour de cassation se positionne même en faveur de l’absorption de la faute dolosive par la faute intentionnelle laissant ainsi aux assureurs moins de possibilités de contrecarrer l’assuré malveillant que ce que prévoyait la loi et faisant de la faute intentionnelle une seule et même exclusion n’ayant vocation à jouer que très rarement.

A la lecture des contrats d’assurance de responsabilité civile des dirigeants de Chubb, Liberty ou encore, AIG, nous pouvons remarquer que les assureurs contrairement à la Cour de cassation font, quant à eux, toujours référence à la faute intentionnelle ou dolosive. Cependant, il est assez surprenant de constater qu’il n’y a aucune définition de la faute intentionnelle et dolosive dans ces contrats RCMS ce qui peut porter atteinte à la bonne compréhension par l’assuré de cette exclusion légale.

Aux Etats-Unis, le principe est également la non-garantie de la faute intentionnelle par la police D&O. Cette exclusion contrairement à la France n’est pas une exclusion légale aux Etats-Unis mais a été établie par la jurisprudence notamment avec les arrêts Decorative center of Houston v. Employers Casualty Co de 1992 et Coit Drapery Cleaners, Inc. v. Sequoia Insurance Co. De 1983 qui déclarent que « l’assuré n’est en aucun cas censé tirer profit de ses méfaits et que le devoir de l’assureur n’était pas d’indemniser l’assuré pour ces actes intentionnels ». Il est de jurisprudence constante que dès lors que la couverture est interdite en vertu de l’ordre public, cette interdiction s’applique en dépit des wordings existants qui stipuleraient le contraire. Les accords passés entre les parties ne devraient pas être autorisés à modifier l’ordre public. Ainsi, une police prévoyant la couverture pour une conduite intentionnellement dangereuse sera déclarée nulle en raison de sa contrariété à l’ordre public.(28) Cette exclusion est appelée la « Dishonesty Exclusion » dans les polices D&O et interdit la couverture des réclamations ayant un rapport avec la fraude, la malhonnêteté ou violation délibérée des lois.

La majorité des juridictions n’autorisent pas la couverture de la faute intentionnelle dans deux situations. D’une part, lorsque l’assuré a agi dans l’intention subjective de causer un préjudice à un tiers et d’autre part, lorsque le dommage est le résultat inhérent de la conduite en question. Habituellement, l’ordre public n’interdit pas la couverture en cas de négligence et d’imprudence.

Aux Etats-Unis, la faute intentionnelle est retenue lorsqu’il y a preuve d’une « subjective intent ». En effet, les tribunaux considèrent qu’il y a faute intentionnelle de l’assuré lorsque ce dernier avait l’intention d’infliger le dommage pour lequel la couverture est recherchée. Ainsi, comme en France, si l’assuré commet un acte intentionnel causant un préjudice qui, lui, n’est pas voulu, l’ordre public ne pourra pas s’opposer à la couverture de cet acte par l’assureur D&O. Ainsi, dans un arrêt du 25 mai 2010(29), un assuré avait été poursuivi pour harcèlement sexuel, licenciement abusif, calomnies et diffamations. La cour a déclaré, d’une part, que le licenciement abusif était nécessairement intentionnel et volontaire rendant ainsi cet acte inassurable en Californie et d’autre part, que le harcèlement sexuel et la diffamation n’étaient pas nécessairement voulus par l’auteur du délit rendant ainsi les actes précités non exclus au titre de la faute intentionnelle. Or ces actes auraient pu être exclus à ce titre s’ils étaient inséparables et liés à d’autres comportements intentionnels.

En l’espèce, il s’avère que le harcèlement sexuel et la diffamation n’étaient pas indissociables du comportement intentionnel. La Cour d’appel de New-York a, quant à elle, déclaré que l’exclusion de la faute intentionnelle n’empêchait pas la garantie de l’assuré ayant tiré sur son ami car même si l’assuré a bien intentionnellement pointé le pistolet en direction du tiers blessé, de nombreux indices laissent à penser que l’assuré était persuadé que l’engin n’était pas chargé. Le préjudice obtenu n’était ainsi pas intentionnel.(30) La Cour suprême de Floride a déclaré en 1989 que l’assureur ne pouvait également pas indemniser les actes intentionnels de discrimination en fonction de la religion.(31)

Les tribunaux peuvent également retenir la faute intentionnelle en se fondant tout simplement sur l’intention inhérente à l’acte lui-même. En effet, l’ordre public interdit toute prise en charge par la D&O dès lors que le préjudice reproché est inhérent à l’acte en question indépendamment de l’intention subjective de l’assuré. Dans certaines situations, l’intention de nuire peut être déduite de la nature de l’acte lui-même. Par exemple, les juges ont déduit une intention de nuire de nombreux comportements tels que la fraude boursière, l’agression ou encore, les recours en justice malveillants. Un arrêt Dodge v. Legion Insurance Co. De 2000 a d’ailleurs interdit la couverture des dommages et intérêts relatifs à un procès civil ayant condamné un assuré psychiatre pour son comportement déplacé sexuellement à l’encontre d’un patient.(32)

Concernant les recours en justice malveillants cités ci-dessus, les tribunaux californiens ont, en vertu de la section 533 du code des assurances de Californie, affirmé que pour qualifier une situation de « malicious prosecution », il était indispensable de prouver une réelle hostilité, une rancoeur de la part du défendeur ou une intention délibérée et subjective de détourner le système judiciaire. Les juges ont ajouté que la présence d’une telle hostilité et d’une telle motivation de la part du défendeur était suffisante pour caractériser le délit de recours malveillant et par la même occasion, la faute intentionnelle de l’assuré car dans une telle situation, le préjudice était prévisible.(33)

Sont ainsi assurés au titre de la D&O, les faits intentionnels commis sans la volonté de causer le dommage(34) ainsi que les faits de négligence et d’imprudence. Dans l’arrêt Wessinger v. Fire Insurance Exchange de 1997, l’assureur déclarait pour ne pas garantir son assuré que ce dernier s’était négligemment intoxiqué lui-même et qu’en conséquence, ce fait tombait sous le coup de l’exclusion de la faute intentionnelle. Cet argument a été rejeté par la Cour, la faute intentionnelle n’étant pas caractérisée, en l’espèce.(35) La même chose a été déclarée par les juges concernant la violation dite négligente de la législation fédérale.(36)

Le principe est donc bel et bien l’exclusion tant aux Etats-Unis qu’en France. Cependant, si en France, l’article L 113-1 du code des assurances imposant la non-garantie des faits résultant de la faute intentionnelle de l’assuré ne connait aucune dérogation et est une exclusion légale absolue, ce n’est pas le cas des Etats-Unis qui connaît quelques exceptions à ce sujet.

25 1re Civ., pourvoi n° 93-14.571, Bull. 1996, I, n° 172
26 1re Civ., 29 octobre 2002, pourvoi n° 00-17.718 ; 2e Civ., 22 septembre 2005, pourvoi n° 04-17.232 ; 2e Civ., 16 octobre 2008, pourvoi n° 07-14.373
27 2e Civ., 1er juillet 2010, pourvoi n° 09-10.590, Bull. 2010, II, n° 129 et pourvoi n° 09-14.884, Bull. 2010, II, n° 131
28 Marie Y. v. General Star Indemnity Co., 110 Cal. App. 4th 928 (Cal. Ct. App. 1998)
29 Markel American Insurance Co. V. G.L Anderson Insurance Services Inc., No.2:08-CV- 2769 FCD GGH, 2010 WL 21 06 536 (E.D.Cal.May 25,2010)
30 Slayco v. Security Mutual Insurance Co., 774 N.E. 2D 208 (N.Y. 2002)
31 Ranger Insurance Co. V. Bal Harbour Club, Inc., 549 So. 2d 1005 (Fla. 1989)
32 Dodge v. Legion Insurance Co. , 102 F. Supp. 2d 144 (S.D.N.Y 2000)
33 Downey Venture v. LMI Insurance Co, 78 Cal ; Rptr. 2d 142 (Cal. Ct. App. 1998)
34 Slayco v. Security Mutual Insurance Co., 774 N.E. 2D 208 (N.Y. 2002) et Atlantic Permanent Federal Savings & Loan Association v. American Casualty Co. of Reading, Pa, 839 F.2d 212 (‘TH Cir. 1988)
35 Wessinger v. Fire Insurance Exchange, 949 S. W. 2d 834 (Tex. App. 1997)
36 Blast Intermediate Unit 17 v. CNA Insurance Co., 674 A. 2d 687 (Pa. 1996)

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