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Section 1 – Difficulté d’appréhension de la notion de faute intentionnelle

ADIAL

L’article 113-1 du code des assurances dispose : « Les pertes et les dommages
occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de
l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

« Toutefois, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute
intentionnelle ou dolosive de l’assuré. »

Il est donc question de la faute intentionnelle. Si le fondement de cette exclusion est
aisé à énoncer, à savoir la garantie de l’aléa, il en est autrement quant à la notion même
de faute intentionnelle. La jurisprudence fait la différence entre la faute intentionnelle
objective (§1) et la faute intentionnelle subjective qu’il convient de présenter successivement
(§2).

1 – Notion de faute intentionnelle objective

La première se caractérise par la dispense de recherche de la volonté de provoquer
le dommage. (18) L’auteur cadre cette notion en soulignant que « c’est la faute ellemême
qui est ainsi prise en considération : elle permet au juge de déduire l’existence
d’une faute intentionnelle au sens de l’article L113-1 du code des assurances, sans se
livrer à la recherche d’un tel but. C’est en ce sens qu’il est exact de parler de faute
intentionnelle objective. » Tout est dit semble-t-il. Et l’auteur d’illustrer ses propos
avec un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 22
septembre 2005. En l’espèce il était question d’un appel d’offres dans le cadre de la
construction d’un viaduc avec pour condition de recevabilité de l’offre le respect d’un
règlement. Il s’est avéré que l’entreprise bénéficiaire de l’offre n’avait pas respecté
le règlement et donc respecté la condition, au contraire d’une entreprise concurrente.

Laquelle s’est empressée de saisir la juridiction administrative qui a déclaré illégale
l’attribution du marché et l’a indemnisée en condamnant l’organisme auteur de l’appel
d’offres. L’assureur de cet organisme lui a refusé sa garantie en responsabilité civile
en invoquant la faute intentionnelle et les juges du fond puis la Cour de cassation l’ont
suivi. Les juges du fond ont considéré que la position de l’entreprise dont l’offre avait été
refusée était meilleure assurant le succès d’une demande d’indemnisation dont le succès
serait certain au vu des fautes commises par l’organisme et des préjudices en résultant.

Que par conséquent l’événement dommageable (à savoir la demande d’indemnisation
de la société déboutée et son succès) objet de la garantie de l’assureur qui lui était
demandée par l’assuré avait perdu son caractère incertain. Ce qui amène la Cour de
cassation à considérer que : « de ces énonciations et constatations, qui caractérisent la
faute intentionnelle de l’assuré et desquelles il résulte que tout aléa avait disparu, la
cour d’appel en a exactement déduit que l’assureur était déchargé de son obligation de
garantie. » C’est donc l’agissement fautif de l’organisme qui, rendant la décision de
la juridiction administrative prévisible car quasi certaine enlève à celle-ci objet de la
garantie de l’assureur son caractère aléatoire. La faute seule suffit à décider du caractère
aléatoire de l’événement garanti, peu importe la volonté de causer à autrui un dommage.

C’est raisonner en amont et considérer qu’à partir du moment où les agissements de
l’assuré enlèvent à l’événement garanti son caractère aléatoire il y a lieu de les qualifier
de faute intentionnelle.

2 – Notion de faute intentionnelle subjective

La faute intentionnelle subjective s’entend comme une faute volontaire commise
dans le but de causer un dommage. Deux éléments sont à prendre en compte, la faute
en elle-même et la volonté de provoquer le dommage. La faute est définie 19 comme un
« acte illicite supposant la réunion :

1. d’un élément matériel, le fait originaire (lequel peut consister en un fait positif,
faute par commission ou en une abstention, faute par omission) ;

2. d’un élément d’illicéité, la violation d’un devoir, la transgression du Droit (loi,
coutume, etc.) ;

3. (sous réserve de la théorie de la faute dite objective) un élément moral (d’imputabilité),
le discernement de l’auteur du fait, parfois nommé élément volontaire, bien
qu’il puisse être intentionnel ou non, et auquel la loi attache diverses conséquences
juridiques.

Diverses catégories de fautes sont mentionnées comme la faute intentionnelle que la
même source définit comme la faute « commise avec intention de nuire à autrui, plus
généralement avec celle de causer le dommage ».

Ne pas traiter de la faute dolosive ni de la faute lourde serait insatisfaisant. La faute
dolosive est « une espèce de faute contractuelle, naguère synonyme de faute intentionnelle,
aujourd’hui caractérisée par le fait que le débiteur, malhonnête, manque sciemment
à ses obligations » et la faute lourde est « un comportement qui s’écarte largement
du comportement qu’aurait eu dans les mêmes circonstances le bon père de famille,
comportement qui dénote chez son auteur, soit l’extrême sottise, soit l’incurie, soit une
grande insouciance à l’égard des dangers que l’on crée ». La faute intentionnelle est donc
distincte de la faute dolosive, celle-ci n’ayant pas vocation à provoquer le dommage et
distincte de la faute lourde car non seulement le comportement du bon père de famille
est absent mais l’intention de nuire que caractérise la faute intentionnelle est absente
de la faute lourde. La jurisprudence fluctue mais semble en l’état actuel retenir la faute
intentionnelle subjective. En témoigne une décision du 27 septembre 2005 rendue par
la chambre criminelle de la Cour de cassation aux termes de laquelle « en relevant que
la condamnation pénale de l’assuré pour complicité de présentation de comptes non
sincères établit son intention de causer un préjudice à autrui, la présentation de comptes
étant destinée à informer les personnes intéressées, décidé que l’assureur ne saurait
être tenu à garantir une faute intentionnelle ». C’est la recherche du dommage qui est
retenue par les juges du fond (20). Le professeur Kullmann relève qu’il est curieux qu’en
amont la suppression de l’aléa découle d’une faute volontaire dans le but de provoquer le
dommage alors qu’en aval cette surpression découlera de circonstances dans lesquelles
l’assuré n’entendait pas causer un dommage à la victime. (21)

C’est la faute intentionnelle subjective qui permet de mieux distinguer faute intentionnelle
et accident. Celui-ci est dénué de tout fait intentionnel. Et un assuré peut
commettre un dommage volontairement sans que pour autant le sinistre réalisé soit celui
qu’il entendait réaliser. Alors qu’avec la faute intentionnelle il ne peut y avoir d’erreur
puisque l’assuré recherche les conséquences du sinistre. C’est notamment dans l’arrêt
du 31 mai 2000, déjà cité, que la notion de faute intentionnelle subjective transparaît. Il
était avéré que l’homme décédé marchait sur le couloir de circulation du véhicule qui
arrivait dans sa direction et continuait néanmoins à avancer tout en regardant la voiture.

Les juges en ont déduit une recherche volontaire du dommage subi et pourrions-nous
ajouter les conséquences du dommage, en l’espèce la mort. C’est donc à notre sens une
faute intentionnelle subjective. Ce qui exclut l’accident ou l’erreur. Celle-ci correspond
au fait de se tromper. (22) L’accident est exclu car ce n’est pas une conséquence d’une
action soudaine due à une cause extérieure et l’erreur aussi car l’individu ne s’est pas
trompé de couloir de circulation.

Cette notion de faute intentionnelle est donc protégée au nom du caractère de l’aléa.
Cependant comme le relève un auteur il s’agit d’une « inassurabilité technique » à
différencier d’une « inassurabilité morale ». Celle-ci conduit à refuser la garantie du
risque quand sa réalisation va à l’encontre de la morale. C’est au nom de celle-ci et du
respect par celle-ci de l’assurance que certains risques sont inassurables. L’inassurabilité
tend moins à protéger l’assureur que l’assurance elle même pour reprendre les propos de
cet auteur. (23) Ce qui justifie selon lui l’absence de garantie du suicide sur laquelle nous
reviendrons plus tard. C’est vouloir rendre l’assurance insoupçonnable en elle-même. Ce
qui rejoint la notion d’ordre public, pourtant distinct de la morale. Du moins les notions
ne se superposent-elles pas exactement. La morale est définie comme l’ensemble des
règles d’action et des valeurs qui fonctionnent comme normes dans une société (24) tandis
que l’ordre public correspond comme nous l’avons étudié précédemment aux exigences
fondamentales considérées comme essentielles au fonctionnement de la société et dépasse
donc le simple critère de la moralité.

18. J. KULLMANN (dir.), op. cit., n° 1316
19. Gérard CORNU, op. cit.
20. Cass. civ. 1ère, 10 avril 1996 ; Cass. civ. 1ère, 12 juin 1974
21. J. KULLMANN (dir.), op. cit.
22. Gérard CORNU, op. cit.
23. L. MAYAUX, Les grandes questions du droit des assurances, 2011
24. Le Petit Larousse, 1993

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