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Section 1 – Absence de caractère accidentel du suicide

ADIAL

La notion d’accident doit être rappelée (§1) pour en refuser la qualification au suicide (§2).

1 – Rappel de la notion d’accident

L’accident est défini par le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu comme « l’événement
ou fait involontaire dommageable imprévu ». Est donc pourvu de caractère
accidentel un dommage résultant d’un événement imprévu, d’une circonstance occasionnelle.

L’article 1964 reprend cette notion d’accident avec l’association entre l’aléa
et l’événement incertain caractérisant le contrat d’assurance. Celui-ci est donc présenté
comme étant par nature accidentel. Dans le cas contraire il n’y aurait pas constitution
d’une convention d’assurance.

La doctrine, bien que relevant que l’accident est imprévu, soudain et extérieur, regrette
de ne pas pouvoir en trouver une définition générale (7). Il est donc question d’une
notion approximative, assimilée par nombre d’assureurs à la notion de « cas fortuit »
défini lui comme un événement imprévisible, irrésistible et d’origine externe et détaché
du fait de l’homme (ou de sa faute). La notion d’accident entretient un certain flou,
détaché parfois des modalités d’exécution du travail, objet de formulations diverses et
s’appliquant à différentes situations (circulation, travail). « Imprévu » doit s’entendre
comme tel pour l’assuré c’est-à-dire un événement n’étant pas censé se produire avec
les dispositifs mis en place, ce qui le distingue de l’imprévisible, celui-ci étant détaché
du comportement de l’assuré. « Soudain » est l’opposé du caractère évolutif et peut faire
l’objet d’une absence de garantie car non considéré comme une condition impossible. (8)

Enfin « extérieur » se rapporte aux événements « qui ne sont pas la simple manifestation
de l’état physiologique de la personne, autrement dit la conséquence d’une prédisposition
». Ce qui conduit à des excès et incite les assureurs à englober dans la notion
d’extériorité pour en refuser le caractère accidentel des sinistres relevant du pur hasard
ou d’une maladresse de l’assuré. Et conduit à trouver des parades quelque peu ridicules.

Dans l’espèce du 23 octobre 2008 d’une décision de la deuxième chambre civile de
la Cour de cassation où l’assuré a justifié la demande de qualification d’extériorité
en utilisant la force de la gravité pour justifier une chute de son balcon. (9) Il convient
maintenant de relever la qualification donnée par la jurisprudence et la doctrine de non
accidentel au suicide.

2 – Qualification du suicide de non accidentel

C’est l’avis de la jurisprudence qui le considère comme tel dès lors que la mort a
été prévue, voire planifiée, comme c’est le cas avec une décision en date du 17 février
1989 rendu par la Cour d’appel de Paris qui dispose « considérant que le risque est
exclu si l’assureur établit que le suicide de A., dont l’existence n’est pas contestée est
« volontaire et conscient » ainsi qu’il en résulte des termes de la police souscrite ». Le
suicide est comme nous l’avons noté auparavant le fait de se donner la mort. Il semble
donc par nature non accidentel. C’est pour cette raison que la garantie en est refusée
pendant la première année.

La principale difficulté n’est pas de s’entendre sur ce que accident signifie, mais
plutôt de déterminer si il y a eu ou non accident. C’est ce que souligne le professeur
Jean-Luc Aubert : « le caractère volontaire de l’acte homicide ne soulève pas de problème
de définition ce qui ne signifie pas, à beaucoup près, qu’il ne suscite pas de
difficultés au plan de la preuve, ce caractère volontaire pouvant être masqué par une
apparence d’accident » (10) à propos d’un arrêt où il ne pouvait y avoir de doute possible
en raison d’une lettre laissée par le défunt dont les termes sont explicites : « Note pour
les enquêteurs. Je ne peux plus faire face à mes engagements professionnels et je n’ai
plus la force de continuer. Ma femme n’est pas très au courant des formalités. Aidez-la
s’il vous plaît ». Il faut donc que ce soit flagrant et ou accompagné de traces écrites
par exemple pour qu’il n’y ait pas de doute. Certains éléments de la vie du suicidé
pourront faciliter le travail des juges qui disposent d’un pouvoir souverain selon une
jurisprudence constante. Et ceci bien que le décès de Robert Boulin, ministre du travail
sous Valéry Giscard d’Estaing, retrouvé le 29 octobre 1979 noyé dans 50 centimètres
d’eau dans un étang de la forêt de Rambouillet et déclaré comme suicide ait davantage
pris l’allure d’un assassinat. Les circonstances vont amener les juges à déterminer le
caractère volontaire du décès, la tâche étant particulièrement difficile en cas d’accident
de la circulation. C’est le cas d’une décision rendue par la deuxième chambre civile de
la Cour de cassation le 31 mai 2000. En l’espèce un piéton s’était fait renverser par une
automobile et était décédé. Les juges ont relevé que le défunt avait réalisé une tentative
de suicide la veille de « l’accident » et bien que se trouvant sur le couloir de circulation
du véhicule qui roulait il ne s’était pas arrêté, continuant « d’avancer tout en regardant
la voiture jusqu’à l’impact ». Ce sont les circonstances qui pourront amener les juges à
pencher du côté de l’accident ou du suicide.

Un arrêt du 2 juillet 1996 de la première chambre civile de la Cour de cassation
illustre parfaitement la difficulté et l’ambiguïté de certaines situations. En l’espèce un
homme avait été retrouvé pendu au bout d’une corde dans une forêt. Il s’agissait en fait
d’une pratique sadomasochiste et l’individu avait perdu l’équilibre, ses chaussures ayant
glissé sur le sol. Le professeur Groutel relève qu’« en matière d’assurance contre les
accidents corporels, l’absence de caractère volontaire de l’atteinte à la personne rentre,
en principe, dans la définition du risque assuré, le suicide, par exemple, ne pouvant
être considéré comme un décès accidentel ». (11) C’est donc pour l’auteur l’énoncé d’une
évidence. Nous verrons plus tard l’incidence de ces propos en matière de charge de la
preuve. La Cour de cassation exige « l’action soudaine d’une cause extérieure » (12).

Le suicide peut être qualifié paradoxalement d’accident du travail comme l’illustre
un arrêt très intéressant rendu le 18 novembre 2010 par la deuxième chambre civile de
la Cour de cassation. Il en résulte que « l’état dépressif d’un salarié peut le conduire
au suicide ; que si cet acte est en lien avec l’activité professionnelle, il peut être pris
en compte au titre de la législation sur les accidents du travail ; mais que lorsque le
suicide se produit alors que le salarié n’est plus sous la subordination de l’employeur, il
incombe à ses ayants droit de prouver que le suicide est bien dû au travail ». Ce qui est
intéressant c’est qu’il soit permis au suicide de bénéficier des dispositions législatives
sur les accidents du travail. L’article L411-1 du code de la sécurité sociale définit ces
derniers : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident
survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant,
à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs
d’entreprise. » Le suicide n’est donc plus un acte résultant d’une décision propre de
l’individu mais d’un fait résultant du travail. Or le suicide est censé être dépourvu de
caractère accidentel, cette décision semble paradoxale et le moyen d’apaiser les familles
en les faisant bénéficier du régime des accidents du travail. Encore faut-il prouver qu’il
y a bien corrélation entre le suicide et le travail, ce qui est loin d’être acquis. La décision
est donc plus cohérente qu’il n’y paraît. Un autre arrêt rendu précédemment (13) engage
la responsabilité de l’employeur dont le comportement a conduit le salarié au suicide
sur le fondement de la faute inexcusable qui s’entend par l’absence de prise de mesures
nécessaires pour préserver le salarié d’un danger dont l’employeur avait ou aurait dû
avoir conscience. Ce qui en l’espèce était caractérisé par la dégradation continue des
relations de travail et du comportement de l’employeur entraînant une atteinte à l’équilibre
psychologique du salarié. La législation relative aux accidents du travail s’applique
aussi bien pour un suicide au moment où le salarié se trouve sous la subordination de
l’employeur que quand ce n’est pas le cas mais que le salarié « établit qu’il est survenu
par le fait du travail » Ce qui n’est pas l’exacte application de l’article L411-1 du
code de la sécurité sociale, mais plutôt une application large, un aménagement de la
loi. Il convient maintenant d’étudier l’absence de dichotomie du caractère conscient et
inconscient du suicide.

7. J. KULLMANN (dir.), op. cit., n° 203
8. Cass 1ère civ. 9 mai 1996
9. J. KULLMANN (dir.), op. cit.
10. RGAT 1989, p. 405
11. RCA sept. 1991
12. Cass. civ. 2ème., 9 février 2012
13. Cass. civ. 2ème, 22 février 2007 n° 05-13771

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