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PARTIE II : DIFFERENCIATION DES PRODUITS ET ORGANISATION DE LA PRODUCTION

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INTRODUCTION : DIFFERENCIATION DES PRODUITS ET ORGANISATION INDUSTRIELLE.

La production industrielle de cette fin de siècle se caractérise par deux grands archétypes d’organisation et de gestion de la production. La littérature traditionnelle les nomme Fordisme et Toyotisme. Dans le cadre de ce mémoire, nous étudierons les formes de production plus génériques que sont la production de masse et la production à la japonaise.

Pourquoi ne pas passer par les termes généralement admis et employés ?

A propos de la production de masse, celle-ci s’est développée avant les méthodes de Ford ou de Taylor(90). Les grandes caractéristiques de ce modèle existaient, Taylor(91) y a ajouté une rigueur avec sa tentative de créer un modèle générique d’organisation de la production applicable à toutes les formes d’industries. En évoquant la flânerie naturelle des ouvriers(92), il induit la nécessité d’organiser la production de manière à limiter ce type d’action.

Cette organisation – l’Organisation Scientifique du Travail – décompose le travail physique en tâches élémentaires afin de mesurer le temps strictement nécessaire à leur exécution, ce qui donne la possibilité aux ingénieurs de calculer le temps globalement nécessaire à la fabrication d’un bien donc la productivité optimale d’un atelier(93). Un tel type d’organisation permet, selon Taylor(94), de réduire les temps de production dans toutes les industries, grâce à une maximisation de la production individuelle(95), donc de généraliser la production de masse. Ford ajoute à ce développement l’idée qu’une production de masse ne sert à rien s’il n’y a pas de possibilité d’écouler les biens ainsi produits, donc, s’il n’y a pas de consommation de masse. Pour cela, il s’engage à payer fortement ses ouvriers s’ils acceptent le principe de production de masse et d’organisation scientifique du travail. Cette conception de l’imbrication de la production de masse et de la consommation de masse se retrouve dans le modèle économique développé après la seconde guerre mondiale aux Etats-Unis d’Amériques suite aux accords entre les syndicats et les firmes octroyant de substantiels revenus aux cols bleus en échange d’une liberté de gestion de la firme par les dirigeants. De cette ressemblance de principes, le modèle de société développé alors s’est appelé : le Fordisme.

De ce modèle de production, nous ne retiendrons que quelques aspects fondamentaux. En premier lieu, le fait qu’une production de masse doit être accompagnée de la possibilité de consommer sur une grande échelle les biens produits(96). Cette constatation montre la nécessité logique d’une distribution de masse associée à la production de masse. Il y a donc un réseau de distribution étendu du produit offert par la firme. En deuxième lieu, les firmes cherchent à profiter au maximum des économies d’échelle. Une troisième caractéristique du modèle de production est l’aboutissement à des firmes monoproductrices. Dans un lieu, il n’est produit qu’un modèle du produit proposé – on peut considérer que une usine n’est apte qu’à produire un très faible nombre de biens différents, à cause de l’organisation stricte qui est faite de la production(97). On peut aussi considérer l’importance de la publicité, qui prend un essor important avec la multiplication de médias nationaux – radio, journaux, cinéma, télévision… – puis du marketing. Un autre point à prendre en compte est l’importance de la mécanisation(98). En effet, à ses débuts, la production de masse a dû surmonter de gros problèmes aussi bien mécaniques qu’énergétiques. Avec l’organisation scientifique du travail, la production de masse a été optimisée grâce au travail à la chaîne.

L’organisation japonaise de la production se situe dans un autre registre. Présentée comme une alternative au modèle de production de masse – cf Partie II, chapitre 2 -, les caractéristiques de ce modèle sont sensiblement différentes de celles de l’ancien modèle. Le modèle japonais se base évidemment aussi sur une distribution de masse, quoique légèrement différente au niveau du but à atteindre. Ici, cependant, les firmes cherchent plus à profiter d’économies de variété que d’économies d’échelle. Le système s’est développé dans le but de produire des séries courtes d’un bien considéré, donc de pouvoir offrir au consommateur une gamme étendue de produits, et ceci en réduisant au minimum les coûts globaux de production. L’entreprise se sert bien entendu de la publicité, mais elle utilise de nouveaux instruments afin de mieux cibler la population visée; la relation de la firme avec les consommateurs n’est plus la même. Enfin, l’organisation du travail tourne toujours autour de la mécanisation, mais elle se doit cependant de rester flexible, tout en ayant pour optique d’optimiser la production optimale du groupe.

Le but de cette partie est d’éclairer l’existence de rapports entre les modes de production et les divers modèles de différenciation de produits. Nous y aborderons donc deux chapitre; Le premier démontrera l’idée selon laquelle la production de masse est un modèle de production dans lequel la différenciation du produit est poussée par l’offre, en se basant sur l’analyse chamberlinienne. Dans le second chapitre, la mise en relation du modèle de Lancaster avec la conception japonaise de la demande permettra de montrer le rôle accru donné au goût du consommateur dans la différenciation des produits, la différenciation devenant en quelque sorte un modèle demand pull.

90 Chandler A.D. Jr, 1977, The visible hand, the managerial revolution in american business, Belknap Press of Harvard University Press, Cambridge, Mass., U.S.A.; Tr. Fr., 1988, La main visible des managers, une analyse historique, Economica, Paris, III, chapitre 8.
91 Taylor F.W., 1913, “La direction des ateliers”, La Revue de Métallurgie; Mais aussi un recueil de textes de Taylor : La direction scientifique des ateliers, Bibliothèque Marabout Service.
92 Taylor F.W., 1913, “La direction des ateliers”, La Revue de Métallurgie pp. 10-11 : “Beaucoup d’entre elles (les entreprises) payent par pièce des prix bien plus élevés qu’il n’est nécessaire pour assurer la production maximum, parce qu’en raison d’un mauvais système, du manque de connaissance exacte du temps nécessaire à faire le travail, de la suspicion mutuelle et du désaccord entre employeurs et ouvriers, le rendement par homme est si faible que chacun reçoit à peine plus et peut-être pas plus que le salaire moyen (…).
“Le plus grand obstacle, de la part des ouvriers, pour atteindre à cette perfection (de l’organisation de la production), est la lenteur dont ils sont coutumiers, c’est-à-dire le temps perdu.
“Cette perte de temps résulte de deux causes : en premier lieu, de l’instinct naturel et de la tendance des ouvriers à prendre leurs aises, ce que l’on peut appeler la flânerie naturelle ; en second lieu, d’idées et de raisonnements plus ou moins connus issus de leurs rapports avec les autres ouvriers, ce qu’on peut appeler la flânerie systématique.” paragraphes 43, 45 et 46.
93 Taylor F.W. Op. Cit. pp. 19-20 : “Une expérience de vingt années, embrassant une grande variété de fabrications, aussi bien dans les industries du bâtiment que dans la construction métallique et mécanique, a montré à l’auteur qu’il est non seulement possible, mais relativement facile , par une étude scientifique systématique du temps, de savoir exactement quelle quantité de travail donné peut faire chaque jour un ouvrier soit excellent soit moyen”
94 Taylor F.W. Op. Cit.
95 Une lecture de Taylor montre que son option était de maximiser la production de chaque ouvrier, ce qui permettait globalement d’optimiser la production de l’entreprise.
96 Chandler A.D. Jr. Op. Cit., p. 317 : “En intégrant ainsi production de masse et distribution de masse, une seule entreprise se trouvait effectuer les nombreuses opérations que nécessitent la fabrication et la vente de toute une ligne de produits.”
97 En fait, la production de masse était caractérisée dès les années 60 par une production unique, non pas au niveau de l’entreprise ni même du lieu de production, mais en fonction du lieu et de la période. Ainsi, une usine de General Motors peut produire trois types très différents – par exemple une version coupé, une version cabriolet et une version break – d’un même modèle, mais cela s’effectuera sur une longue période, suivant une production de longues séries – chaque modèle étant produit une semaine dans le mois.
98 Chandler A.D. Jr. Op. Cit. pp. 269-70.

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