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Les hommes et l’IVG

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L’article « Les Hommes et l’IVG, expérience et confidence »(44) présente une recherche réalisée par Geneviève Cresson, « Les hommes et l’IVG de leurs compagnes », en 1998. En voici le résumé, rédigé par l’auteure :

« L’IVG s’inscrit dans des relations politiques, professionnelles et sexuelles qui sont largement des relations de pouvoir, d’où un risque de vulnérabilité accrue des femmes. La loi les protège en faisant de l’IVG un droit des femmes, au prix d’une disqualification sociale des décisions ou souhaits des hommes. Face à l’IVG, les hommes ont du mal à se situer. Les institutions de prise en charge médicale leur laissent une place secondaire, les considèrent au pire comme une gêne, au mieux comme une aide ponctuelle dans leur propre activité. L’interrogation sur les conditions de la « circulation de la parole » est centrale pour la compréhension sociologique de ce phénomène, comme elle l’est également dans une perspective de prévention. Dans la plupart des situations d’IVG, le secret se garde presque « naturellement », sans trop réfléchir. Entre hommes, la parole ne circule pas sur cette expérience. Ils se sentent isolés, et soumis à une expérience non partageable, ce qui complique la recherche d’information et de solution. Comment comprendre ce silence, ses différentes figures ? C’est ce à quoi s’attache l’enquête présentée ici, à partir d’entretiens avec des hommes directement concernés ».

L’auteure constate qu’il y a, de par la loi qui autorise les femmes à décider seules de l’issue d’une grossesse, une « disqualification sociale des décisions ou souhaits des hommes »(45). L’enquête de terrain a été difficile à réaliser car les tentatives de contacts n’aboutissaient pas. La chercheuse a fini par recruter son échantillon et faire les entretiens à l’intérieur même d’un CIVG (Centre d’Interruption Volontaire de Grossesse). De ce fait, les entretiens ont été réalisés avec des hommes qui accomplissaient la démarche d’accompagner leur partenaire au rendez-vous.

Les médecins de ce centre ont également été interviewés. Ils considèrent que la présence de l’homme est plutôt une gêne pour le déroulement de l’entretien et sa parole n’a que peu d’importance. Pour l’auteure, l’attitude des médecins contribue à créer un malaise pour l’homme présent : « Ce qui peut expliquer le mal-être des hommes que j’ai interrogés, qui se trouvent ainsi dans une situation difficile à vivre pour les hommes, plus habitués à occuper le devant de la scène, à avoir le rôle de sujet principal ».(46)

Après s’être intéressée à la perception des médecins de la place de l’homme, la sociologue se penche sur le rapport des hommes à la contraception : « Les pratiques contraceptives des hommes interviewés se caractérisent surtout par leur rareté et leur “anachronisme” si l’on prend au sérieux la norme moderne de la contraception efficace. Mais il est sans doute erroné de parler des pratiques contraceptives des hommes, car il ressort de leurs propos que, toutes méthodes confondues, la contraception reste d’abord, voire uniquement, l’affaire des femmes ».(47) Les hommes s’en remettent à leur partenaire pour s’occuper de la contraception, abandonnant leur propre responsabilité.

Le silence des hommes interpelle G. Cresson : « Le résultat, clair et massif, c’est qu’aucun homme interviewé n’envisage de parler librement, ouvertement, de cette IVG dans son cercle relationnel ».(48) Elle s’attache à en établir les significations.

L’auteure conclut sa recherche en établissant que les rapports de pouvoir entre hommes et femmes n’ont pas été inversés par l’acquisition, pour les femmes, du droit à l’avortement : « Le droit reconnu aux femmes de recourir à l’IVG se double de leur responsabilisation face à la contraception ou aux décisions à prendre, et d’une réelle solitude face à cette expérience ».(49)

Ces éléments sur le point de vue masculin nous seront utiles pour mener à bien notre recherche.

38 Traduit par nos soins.
39 Tussi Pivato F., 2010, Aborto vivido, aborto pensado : aborto punido ? as (inter)faces entre as esferas publica e privada em casos de aborto no Brasil, dissertação : Antropologia, Universidade Federal do Rio Grande do Sul.
40 Tarif pratiqué en 2007, aussi avons-nous utilisé le taux de change de la même période, celui du 1er février 2007, soit 1 R$ = 0,367 €, d’après le site internet http://www.freecurrencyrates.com/fr/exchange-rate- history/BRL-EUR/2007, consulté le 15 août 2013.
41 http://www.portalbrasil.net/salariominimo.htm consulté le 15 août 2013
42 http://www.portalbrasil.net/salariominimo_riograndedosul_2007.htm consulté le 15 août 2013
43 Tussi Pivato F., 2010, op.cit., p. 99 : « A legislação influi no corpo da mulher, tornando-o um « corpo legislado », mas, mais do que isso, também um « corpo moralizado ». A moral junto com a realidade social sobre o aborto no Brasil, evidenciam a sobreposição do corpo social e do corpo físico ». Traduit par nos soins.
44 Cresson G., 2006, « Les hommes et l’IVG, Expérience et confidence », Sociétés Contemporaines, n°61, p. 65-89, Presses de Sciences Po.
45 Ibid., p. 66.
46 Cresson Geneviève, 2006, op. cit., p. 71.
47 Ibid., p. 74.
48 Ibid., p. 80.
49 Ibid., p. 86.

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