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Introduction

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Le soja est un produit agricole qui s’est fait distinguer ces dernières décennies. En effet, ses valeurs protéiniques égalisant celles de la viande de surcroit ses propriétés thérapeutiques contre certaines formes de cancer, ont fait l’objet d’un enjeu depuis les années 90 jusqu’ici. Ces faits ont vu le prix du soja à une hausse très significative quand bien même la concurrence née des pays comme la Chine, l’Argentine et le Brésil vis-à-vis des états unis d’Amérique qui sont les principaux producteurs avec 38% de la production mondiale.

Cette compétition ainsi que l’exposition aux événements extrêmes, comme ce fut le cas lors du choc pétrolier au début des années 70 dont une inflation par les coûts et une reprise a généré « une grappe de volatilité », ont soumis le prix du soja à des baisses et hausses aléatoires. Par conséquent le producteur de soja est exposé à un risque de baisse des prix qui réduit ses revenus futurs alors que les coûts générés par la production ne sont censés baisser. Cela motive l’agent à vouloir se protéger contre une éventuelle baisse. D’où l’intérêt du marché à terme, et particulièrement les marchés organisés où le risque de contrepartie est couvert, sur lequel des prix anticipés sont fixés via des contrats à terme qui sont noués et engageant deux parties. Le producteur s’engage de vendre une quantité de son produit agricole à son partenaire contractuel à un prix fixé et à une date de livraison et d’encaissement prédéfinie.

La couverture optimale est celle qui détermine le taux de couverture ou le nombre de contrats (qui sont souvent standardisés) qui suffit tenant compte de toutes les dimensions de risques de baisse du prix sous contrainte que la position résultante de cette opération ne soit pas strictement négative. L’activité agricole tire sa spécificité de son lien à la terre, de sa dépendance vis-à-vis des évènements climatiques, de son rôle de production de biens alimentaires et de ses marchés caractérisés par une demande rigide et une offre assez peu réactive dans de courts délais. L’agriculture se distingue alors des autres activités économiques de par son exposition naturelle à des risques variés.

Lorsqu’on évoque ces risques agricoles, on pense tout d’abord aux risques climatiques, biologiques et sanitaires, par essence incontrôlables. Un autre type de risque est fréquent en agriculture et peut avoir des effets aussi dévastateurs sur le revenu du producteur qu’un évènement climatique défavorable. Il s’agit du risque de variation des prix, lié à l’instabilité intrinsèque des marchés agricoles. Dans le contexte d’ouverture progressive des marchés agricoles, il paraît important de rechercher des solutions de couverture du risque prix pour l’agriculture.

L’activité productive agricole est en grande partie dépendante des conditions pédoclimatiques locales. De cette dépendance découlent des risques spécifiques qui sont à l’origine d’une variabilité de la production, en termes quantitatif ou qualitatif, et de variations des prix auxquels celle-ci est vendue. Ces variations génèrent des incertitudes sur les revenus des producteurs. Plusieurs types de risques affectant l’activité agricole peuvent être identifiés. Ces risques peuvent avoir en premier lieu un impact sur la production, en affectant soit le niveau soit la qualité de cette production. Les risques climatiques (pluies intenses, grêle, gel, sècheresse) de plus ou moins grande ampleur affectent particulièrement l’acte de production et sont à l’origine de variations quantitatives de la production (variations de rendements) et qualitatives (détérioration des fruits en raison de la grêle par exemple). Les risques sanitaires et biologiques (grippe aviaire, encéphalopathie spongiforme bovine [ESB], pyrale du maïs, rouille du blé) affectent les végétaux ou le bétail et peuvent déstabiliser des filières entières. Enfin, le risque environnemental peut affecter la production en raison des effets de certaines pollutions sur le niveau des rendements ou la qualité des produits.

En second lieu, le revenu agricole peut être soumis à un risque lié à l’instabilité des marchés, provenant de la variation des prix des intrants (céréales utilisées pour l’alimentation animale, pétrole…) et des produits. Le risque de variation du prix est particulièrement important sur les marchés agricoles en raison de l’existence de chocs aléatoire sur l’offre et la demande agricole conduisant à une instabilité des prix (Cordier, 2001).

Les produits agricoles de base se caractérisent par des prix très variables dans le temps et des marchés fluctuants sur des périodes courtes (Habert, 2002). La variabilité importante des prix agricoles a pour origine l’inadéquation entre l’offre et la demande agricole. En effet, d’une part, la demande en produits alimentaires est très inélastique, puisque les consommateurs ne vont pas plus s’alimenter en cas de baisse des prix tant qu’ils sont rassasiés (Boussard, 2005). D’autre part, l’offre de produits agricoles varie fortement sous l’effet de facteurs climatiques incontrôlables et le producteur ne peut répondre qu’avec un certain délai à une variation de la demande. La difficulté pour atteindre un équilibre entre l’offre et la demande alimentaire conduit donc à une volatilité importante des prix et des marchés.

Les difficultés de prévisions des prix et les erreurs d’anticipation des agents, mises en évidence par Ezekiel (1938), constituent d’autres sources de volatilité des prix et d’instabilité des marchés agricoles en ce sens qu’elles conduisent à un écart entre l’offre et la demande.

Ainsi, la rigidité de la demande alimentaire se conjugue aux erreurs d’anticipation avec comme conséquence l’éloignement des prix agricoles d’un équilibre et l’instabilité des marchés agricoles (Delorme et al., 2007)

Face à la diversité des risques affectant l’activité agricole, plusieurs stratégies de gestion existent : la diversification des sources de revenu, le stockage de la production, l’épargne individuelle de précaution, l’assurance et les marchés à terme (Cordier, 2006).

Concernant le risque de variation des prix, auquel nous nous intéressons particulièrement dans cet article, la palette d’instruments à la disposition de l’agriculteur pour s’en couvrir est, somme toute, assez limitée. En cas de variation des prix, affectant par définition tous les producteurs, l’assurance est un outil insuffisant pour gérer ce risque non mutualisable. Le recours à l’indemnité publique supposerait des niveaux d’indemnités élevés et ne responsabilise pas le producteur face à la gestion de son risque. Les marchés à terme peuvent alors être utilisés comme outil de couverture pour offrir au producteur une garantie de prix au début du cycle de production. Comme nous le verrons par la suite, l’utilisation des marchés à terme est principalement développée en Amérique du Nord où ces marchés sont liquides et permettent donc une bonne couverture du risque prix. Il n’y a cependant pas d’intervention publique pour accompagner l’utilisation de ces marchés.

Sur le marché physique, les prix sont établis pour des biens immédiatement disponibles et que l’acheteur peut obtenir dès l’acte d’achat ou tout au moins à la maturité du produit. L’existence des marchés à terme ajoute une dimension temporelle au marché physique.

En effet, sur les marchés à terme, l’acheteur ou le vendeur fixe le prix du produit qu’il veut acheter ou vendre dans le futur.

Le marché à terme consiste en un transfert de risque des agents qui veulent se couvrir contre le risque de variation des prix entre la mise en production et la vente, appelés les « hedgers », aux spéculateurs, qui profitent de ces variations. Les vendeurs (ou acheteurs) sur les marchés à terme se couvrent contre une baisse (ou hausse) future des prix et cherchent à s’assurer un prix plancher (ou plafond). Dans le secteur agricole, les vendeurs peuvent être les producteurs, qui souhaitent avoir de la lisibilité sur le prix de vente de leur production, ou les organismes stockeurs (coopératives ou négoces), qui gèrent le risque prix dans l’opération de vente de la production qu’ils stockent. Les acheteurs sont notamment les coopératives ou les négoces qui achètent des matières premières agricoles et ont besoin d’anticiper le prix de leurs approvisionnements pour garantir leur marge. Le bon fonctionnement des marchés à terme requiert un nombre suffisant d’acteurs, à la fois ceux qui veulent se protéger contre une baisse ou une hausse des prix, mais aussi ceux qui spéculent sur l’évolution des cours. Cette quantité importante d’acheteurs et de vendeurs procure au marché un caractère d’atomicité et évite la détermination du prix par un nombre limité d’acteurs. En effet, la liquidité sur les marchés à terme est une garantie de la qualité de la couverture fournie. Une quantité de contrats trois fois supérieure à la quantité échangée sur le marché spot serait nécessaire, d’après Jean Cordier, pour garantir une bonne couverture de risque.

Le nombre d’opérateurs sur ces marchés doit être suffisamment important pour que les prix reflètent bien une situation de concurrence et que les agriculteurs considèrent le prix sur le marché à terme comme une bonne anticipation de prix qu’ils peuvent espérer à l’échéance. Dans le cas contraire, s’ils considèrent le marché peu liquide et les prix à terme manipulés (par exemple très différent de leurs anticipations), le recours aux marchés à terme sera peu attractif. La négociation sur les marchés à terme n’est accessible qu’aux membres du marché.

L’exécution des échanges doit être effectuée par la Chambre de compensation1 qui devient alors le vendeur de tous les acheteurs et l’acheteur de tous les vendeurs. La chambre de compensation assume ainsi le risque de contrepartie pour tous les agents qui utilisent les marchés à terme. En échange, chaque agent doit verser un dépôt de garantie à la Chambre de compensation. Les utilisateurs de ces marchés, par l’intermédiaire de la Chambre de compensation, sont libres d’entrer ou de sortir du marché à terme à tout instant. Il n’y a alors aucune entrave à l’accès des offreurs ou demandeurs à ces marchés. Sur les marchés à terme, les échanges portent sur des produits homogènes, répondant à des critères de qualité précis, qui sont spécifiés dans le contrat (cf. encadré 1 ci-dessous).

Le produit échangé, appelé aussi le sous-jacent, ne peut être échangé que dans le cadre de lots définis par une quantité précise du produit considéré. Il doit aussi respecter des critères (poids, taux d’humidité, impuretés…) qui permettent de standardiser les contrats. L’homogénéisation des contrats est nécessaire pour assurer la liquidité des marchés. La présence d’un nombre important d’acteurs garantit un niveau élevé d’information disponible sur le marché à terme. On obtient donc le « juste » prix, reflétant l’équilibre (presque pur et parfait), grâce à la totalité de l’information disponible. La liquidité du marché assure ainsi la qualité des prix à terme grâce à l’intégration d’un grand nombre d’informations. Les acheteurs et les vendeurs disposent au même moment de toutes les informations nécessaires concernant les échanges sur ces marchés. Sur le marché à terme, les produits sont côtés pour une échéance pouvant s’établir à plusieurs mois. Cette échéance détermine la date à laquelle devra avoir lieu la livraison dans l’un des lieux agrémentés par le marché à terme, en cas de livraison physique du produit.

En se positionnant sur les marchés à terme agricoles, les producteurs peuvent vendre, au moment de la mise en production (semis, remplissage de bâtiments d’élevage), une partie de leur production, respectant des critères spécifiques à une période future donnée, appelée l’échéance, à un prix donné. L’agriculteur prend position sur le marché à terme lorsque le prix fixé sur ce marché lui convient, c’est à dire correspond au prix qui lui permet de couvrir ses charges. Cette opération de couverture permet au producteur de se protéger contre une baisse de prix, (et à l’acheteur contre une hausse), en choisissant sur le marché à terme son prix de vente. En utilisant les marchés à terme, l’agriculteur se couvre ainsi contre le risque de variation du prix et fixe sa marge financière au moment où il engage son processus de production ou de stockage,car il sait à quel prix il va vendre sa production et connaît ses coûts. L’utilisation des marchés à terme permet ainsi d’avoir une bonne anticipation de la recette finale.

La connaissance des prix auxquels l’agriculteur valorisera sa production lui est utile pour planifier ses flux de trésorerie, ses investissements et ses remboursements d’emprunts. Le marché à terme est principalement utilisé comme instrument de couverture du risque prix et non pas comme débouché physique pour la marchandise. En effet, il y a très peu de livraisons effectives sur les marchés à terme (moins de 1% selon Habert, sur les marchés à terme matures). Avant l’échéance du contrat, et au moment de la vente de sa production sur le marché physique (à la coopérative ou au négoce), le producteur « déboucle sa position », c’est-à-dire effectue une opération inverse à la première prise de position (cf. figure 2). Il rachète alors le même nombre de lots, pour la même échéance.

Entre ces deux opérations, effectuées à des dates différentes, seul le prix varie. Les deux opérations se compensent et s’annulent puisqu’elles portent sur les mêmes lots. Le bilan financier de l’agriculteur va dépendre de l’évolution des prix entre la première et la seconde prise de position (Habert, 2002).En cas de baisse des prix, entre t0 et t1, sur le marché à terme et le marché physique2, le gain obtenu sur le marché à terme, grâce à une opération vente puis achat à un prix inférieur, compense la baisse du prix subie sur le marché physique .

De la même façon, la perte subie sur le marché à terme en cas de hausse des prix (rachat à un prix supérieur) est compensée par un gain sur le marché physique, grâce à l’augmentation de la valeur du stock sur pied ou de la production non encore récoltée. En théorie, les prix à terme et le prix sur le marché physique, ou prix spot, convergent à l’échéance du contrat.

Toutefois, la différence de position géographique entre le marché physique et le marché à terme génère des coûts de transport, des coûts de stockage, voire des coûts liés aux taux de change lorsque les échanges sur le marché à terme et le marché physique ne s’effectuent pas dans la même monnaie. En outre, la qualité des produits (au sens des caractéristiques telles que le degré d’humidité du produit, sa densité, la proportion d’impuretés) peut varier entre le produit standardisé, défini dans le contrat à terme, et le produit effectivement échangé sur le marché physique. Il peut donc exister un écart entre le prix à terme et le prix spot, que l’on appelle la base.

En l’absence de risque sur la base, le contrat à terme permet au producteur d’obtenir le prix qu’il espérait (fixé dans le contrat à terme), soit le prix à terme auquel on soustrait la base, que le prix spot ait monté ou baissé, puisque les pertes (ou gains) sur le marché à terme sont compensées par les gains (ou pertes) du marché physique. L’utilisation des marchés à terme élimine le risque prix mais laisse donc subsister un risque : le risque de base, généralement nettement inférieur au risque prix. Plus le contrat à terme aura une durée importante, plus le coût de stockage sera élevé et l’écart entre prix à terme et prix spot élevé. Par conséquent, la base peut évoluer entre le semis et la récolte.

Dans sa stratégie de couverture du risque prix, l’agriculteur doit connaître sa base afin d’évaluer le prix auquel il peut accepter de vendre sa production sur les marchés à terme, pour finalement se garantir une marge suffisante, en retranchant le montant de la base du prix de vente à terme.

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