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INTRODUCTION

ADIAL

L’affaire n’est pas nouvelle ! Il semble même que sa survenance date d’avant l’apparition de la vie sur Terre. On sait que certaines plantes meurent du fait d’être proche de certaines autres. De même, pour les animaux, ceux-ci s’empressent dès leur naissance de marquer leur territoire . Quant à l’Homme, le souci de protection de son territoire paraît s’accroître tous les jours un peu plus. La protection des droits de chacun est le combat quotidien de chaque Homme vivant sur Terre.

Sans aller trop loin en arrière, les auteurs citent Athènes qui exilait de la cité les activités insalubres, Rome et les inconvénients de ses insulae qui prévoyait par exemple, que l’exploitant d’une fromagerie ne pouvait envoyer ses fumées sur les terrains voisins. Si on avance dans l’histoire, on peut citer La Fontaine et sa fable du savetier et du financier, inspirée, dit-on, d’un arrêt du Parlement d’Aix en Provence qui avait eu à connaître d’une plainte d’un avocat troublé dans son travail par les chansons de son voisin ouvrier cardeur. Les lignes de force en matière de voisinage étaient donc, à cette époque, déjà tracées et la philosophie générale de la jurisprudence dégagée. Dans les années 1800, la Cour reconnaissait déjà dans ses décisions, la possibilité d’invoquer l’existence de troubles de voisinage mais la Haute Juridiction donnait la primauté au droit de propriété et à l’article 544 du code civil . C’est d’ailleurs sur ce thème du droit de propriété et ses éventuelles limites que les discutions doctrinales relatives à la théorie des troubles anormaux de voisinage vont essentiellement s’engager, comme ce fut le cas pour l’abus de droit. L’une et l’autre de ces théories furent en effet considérées d’abord comme des affaires de propriétaire.

Il y eut, sur ce point, une querelle d’école. Autrefois, une certaine doctrine a nié dans son principe qu’un propriétaire pût abuser de son droit. PLANIOL considérait même que droit et abus étaient antinomiques, mais cette conception absolutiste des droits subjectifs et notamment du droit de propriété est aujourd’hui révolue . Ainsi, la théorie qui rallie de nos jours la quasi-totalité des auteurs peut s’énoncer : « dans certaines circonstances, le propriétaire d’un bien peut être reconnu comme abusant de son droit de propriété et être condamné à réparer le dommage que cause aux tiers l’exercice abusif de sa propriété ». Pour citer un critère déterminant qui séparent l’abus de droit et la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage, on peut mentionner l’intention de nuire.

Le principe de la théorie des troubles anormaux de voisinage est aujourd’hui consacré par une jurisprudence fermement établie dont il faut connaître les sources. Pour les troubles de voisinage, on peut citer des affaires extrêmement célèbres, celle des « fausses cheminées » , celle des « sources Saint-Galmier » , ou encore celle des « dirigeables de Clément Bayard » . Dans tous les cas, la justice a considéré, sous des formules variées, que le propriétaire avait abusé de son droit et engagé sa responsabilité à l’égard des tiers. Mais l’évolution de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage a établi une responsabilité objective sans qu’une faute n’est besoin d’être prouvée et en l’absence de toute intention de nuire. La doctrine a, toutefois, longtemps continué à justifier la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage par une faute consistant à laisser échapper de son fonds quelque chose qui cause un préjudice à son voisin. JOSSERAND est très tôt sorti de la logique de la faute pour parler de responsabilité fondée sur le risque-profit et selon lui « la réparation du dommage est le corollaire du profit tirer de l’activité dommageable » . RIPERT a quant à lui également justifié la réparation des dommages par le profit tiré de l’activité dommageable . On peut souligner que pendant ses prémices, la théorie des troubles anormaux de voisinage était rattachée à l’article 1382 du code civil mais également à l’article 1384 alinéa 1er du code civil .

L’étape décisive de la responsabilité pour trouble anormal de voisinage est constituée par la proclamation aux allures solennelles du principe prétorien selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage » , formule qui n’est pas sans rappeler celle employée par le conseil constitutionnel dans sa décision du 22 octobre 1982 selon laquelle « nul n’a le droit de nuire à autrui ». En tout cas, tel sera désormais le visa, devenu traditionnel, dont use la Cour de Cassation, éludant ainsi les références aux articles 544, 1382 et 1384 alinéa 1er du code civil . L’émancipation de la théorie des troubles de voisinage à l’égard de l’article 1382 est donc nette, les juges pouvant entrer en condamnation « sans avoir à rechercher une faute » . Elle est tout aussi clairement énoncée à l’égard de l’article 1384 alinéa 1er, déclaré « étranger à la réparation des troubles de voisinage » . La distinction entre la responsabilité pour faute, la responsabilité du gardien et celle de l’auteur d’un trouble de voisinage sont donc des notions différentes et soumises à des régimes distincts.

La responsabilité pour troubles anormaux de voisinage est ainsi totalement indépendante du droit commun de la responsabilité civile, qu’il soit fondé sur la faute délictuelle, contractuelle ou sur le fait de la chose, la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage ayant un fondement spécifique. Attention, cela ne veut pas dire que le domaine de la théorie est exclusif des autres fondements de responsabilité même si la tendance avait été, durant une période, de cet ordre. Cependant, un arrêt du 11 février 1998 est venu consacrer non pas le caractère exclusif de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage mais la possibilité d’option dont dispose la victime. Ainsi, lorsque, selon le cas d’espèce, les conditions de plusieurs responsabilités se trouvent remplies, la victime dispose d’une option quant au fondement de son recours. Ce droit d’option doit être entendu comme permettant de mettre en œuvre cumulativement ce régime avec un autre système de réparation.

Le fait que la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage repose sur un principe prétorien ne pose, en soit, aucune difficulté. En revanche, la consécration de ce principe dans un texte de loi permettrait de poser un principe incontestable et peut-être de mieux déterminer ses limites. En effet, de nombreux problèmes quant à la définition du trouble ou même des protagonistes la composant, les voisins, développent des débats doctrinaux d’une grande ardeur. De telles oppositions conduisent et participent, depuis peu, à tout une vague de tentatives d’intégration des troubles anormaux de voisinage dans le code civil. L’une d’entre elles a déjà échoué à l’occasion de la promulgation de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Ce projet avait été adopté afin « d’impliquer davantage les bailleurs dans la résolution des conflits de voisinage » . Cette loi disposait que « les propriétaires des locaux à usage d’habitation peuvent être déclarés responsables des dommages causés à des tiers par les personnes qui les occupent, sans préjudice de la responsabilité de ces derniers, s’ils négligent sans motif légitime d’utiliser les droits dont ils disposent afin de faire cesser ces dommages » . Ce projet a, toutefois, été abandonné et cela résout bien des problèmes d’application « notamment liés au fait que l’on se trouvait en présence d’un cas de responsabilité du fait d’autrui ne reposant sur aucune idée d’autorité » . Ce projet d’intégration n’est pas le seul concernant l’insertion des troubles anormaux de voisinage dans le code civil. On trouve également le projet Catala, remis au garde des Sceaux le 22 Septembre 2005, appelé également « avant-projet de la réforme du droit des obligations et du droit de la prescription ». Ce dernier prévoit l’insertion d’un article 1361 dans le code civil consacrant les troubles anormaux de voisinage et disposant que « le propriétaire, le détenteur ou l’exploitant d’un fonds, qui provoque un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, est de plein droit responsable des conséquences de ce trouble ». La grande nouveauté est que cet article exclut la responsabilité de l’entrepreneur en tant que voisin. Enfin, on trouve le projet de la « disposition n° 70 du rapport Lepage » visant à introduire un nouvel article 1382-6 au Code civil . Cela servirait à éclaircir les définitions floues de troubles anormaux de voisinage à la personne ou aux biens. Pour l’instant, aucune consécration de ces lois n’a été établie.

« Désagréable », « gênant », « sans harmonie », telles sont les caractéristiques principales d’un trouble de voisinage, dans le langage courant et l’opinion commune. Nos villes ne sont pas plus troublées que celles d’antan ; elles le sont différemment. Avec le développement de la mobilité grâce aux transports modernes, l’extension des zones urbanisées, la massification des constructions, le trouble de voisinage a changé de dimension. « Il a envahi les villes, menacé les campagnes et gêne la majorité des personnes » . Sa perception, aussi bien physique que psychologique, a fortement évolué et a conduit progressivement à une sensibilisation accrue de l’opinion publique à ce problème. Cette sensibilisation peut notamment être expliquée par un point de vue sociologique de la question. En effet, l’Homme, pour les multiples raisons que nous a révélé le « contrat social » , a toujours recherché la compagnie de ses congénères. Une concentration humaine de plus en plus forte dans un milieu donné induit inévitablement une augmentation des activités et des besoins et créent des troubles beaucoup plus réguliers et intenses.

L’enjeu en la matière est de taille. Les troubles de voisinage n’atteignent pas seulement les individus pris isolement. Ils alimentent un malaise général de la société, provoquant des crises de plus en plus graves et mettant les relations humaines en péril . A force de créer des troubles de voisinage de manière incontrôlée, on risque de ne plus s’entendre. La solution serait de trouver la norme de tolérance et, au-delà, de définir le seuil de nuisance à ne pas dépasser. « Trop, c’est trop », voilà le principe mais où commence le trop ? L’un des problèmes est ce manque de cadre pour une telle responsabilité puisque aucune définition précise n’est donnée. La définition d’un trouble que nous allons envisager traite d’un trouble anormal de voisinage. Il nous faut exclure de notre étude les problèmes de servitudes et de mitoyenneté qui sont afférents au droit de propriété et non à la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage. Nous allons ainsi traiter des différents troubles pouvant être invoqués non pas au titre de la propriété mais au titre d’un « droit de voisinage ».

Les troubles de voisinage se multipliant, les particuliers, les professionnels mais également les personnes publiques les prennent au sérieux car ils peuvent engendrer des conflits qui sont de plus en plus fréquents. Les troubles anormaux de voisinage sont dès lors envisageables comme des risques pour les personnes vivant en société. En effet, personne n’est à l’abri d’une réclamation de son voisin pour avoir causé des nuisances ou au contraire d’être victime d’un trouble anormal de voisinage. Envisagé comme des risques, ceux-ci peuvent faire l’objet d’une couverture pour pallier les conséquences que ces troubles peuvent engendrer, que l’on soit responsable ou victime. L’assurance est une des méthodes qui permet de transférer les risques. En effet, dès le deuxième millénaire avant Jésus-Christ, les babyloniens utilisaient cette méthode pour transférer les risques du commerce. Un contrat d’assurance consiste à conclure un contrat entre un assuré et un assureur qui garantit l’assuré, moyennant le paiement d’une prime à l’assureur, de recevoir une indemnité par ce dernier en cas de réalisation du risque couvert par la police d’assurance. Les parties conviennent donc de couvrir un certain risque au préalable. Alors pourquoi le risque à couvrir ne serait-il pas la couverture du risque de trouble anormal de voisinage ? On voit effectivement que du côté de la victime et de celui de l’auteur du trouble, une telle couverture ne serait pas de trop, vu l’augmentation et l’extension perpétuelle de l’application de la théorie pour troubles anormaux de voisinage.

Quels sont les acteurs et les caractéristiques de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage ? Quel est l’impact de la multiplication des risques de troubles anormaux de voisinage sur la souscription de contrat d’assurance ? Ce sont les questions auxquelles nous allons tenter de répondre. L’étude de la notion extensive de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage (Titre 1), nous permettra de constater la multiplication des risques assurables en la matière (Titre 2).

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