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I– Cadre socio-spatial de l’étude : étude monographique de l’espace sahélien

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Certains facteurs et les caractéristiques d’une localité ont une influence sur la situation sécuritaire de celle-ci. En effet, la position géographique, l’éloignement de la capitale par exemple peuvent rendre les délais d’intervention longs et coûteux, toute chose qui favorise le développement de l’insécurité. De même, le niveau de couverture administrative et de représentation des administrations centrale et locale sont des facteurs pouvant favoriser l’effectivité de l’Etat de droit et la garantie de la sécurité des biens et des personnes. En revanche, la situation sécuritaire et la non effectivité de l’Etat de droit sont souvent à l’origine des problèmes de développement. Ainsi, l’insécurité empêche l’exploitation des potentialités et rend risqué et coûteux la fourniture des services sociaux aux populations. Aussi est-il nécessaire d’analyser les caractéristiques de la zone d’étude qui peuvent être à l’origine des conséquences des défis sécuritaires.

A la charnière entre la méditerranée et l’Afrique du nord, le sahel est un espace tampon. Difficilement contrôlable, l’arc sahélien développe une conflictualité endémique sur laquelle les différents acteurs ont peu de prise(7). Nous ne disposons que de peu d’éléments tangibles sur cette bande sahélienne de plusieurs km qui va de l’Atlantique jusqu’au Tchad(8). Longtemps resté sous le contrôle des touaregs et des trafiquants de tout bord, cet espace fait aujourd’hui figure de zone grise rebelle à l’autorité de l’Etat. L’espace géographique où sévit AQMI s’insère dans un espace gigantesque : Le Sahara couvre 8.000.000 Km² auxquels il convient d’ajouter les 3.000.000 Km² du sahel(9). Cette zone immense comme une mer et s’élançant comme un océan se montre difficilement maîtrisable. Selon certains chercheurs, il ne concerne principalement que cinq pays de l’Afrique Subsaharienne : La Mauritanie, le Mali, le Niger, le Tchad et le Soudan(10). A cela s’ajouterait le Sud algérien et son prolongement marocain jusqu’à l’Atlantique. L’approche institutionnelle prend comme pays du sahel, les neufs Etats du comité permanent Inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le sahel (CILSS) : Burkina Faso, Cap Vert, Gambie, Guinée Bissau, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad. Mais, le Sahel ne recouvre qu’une partie du territoire de ces Etats et le Soudan n’est pas membre de ce comité.

Dans cet immense désert, le milieu naturel est très contraignant. Il comprend de vastes étendues sableuses, un relief accidenté, des massifs montagneux, des plateaux profondément troués et entaillés qui présente de multiples grottes semblables au Waziristân Pakistanais ou aux montagnes Afghanes où, jadis Oussama BEN LADEN et son groupe se terraient. En dehors du relief gréseux et peu vigoureux qui constitue un facteur déstructurant le sahel, le climat n’est pas en reste. Celui-ci est la cause de nombreuses sécheresses que connaît la région, et source d’insécurité alimentaire.

Par ailleurs, il existe de multiples voies de communications et des routes transsahariennes répertoriées qui facilitent le déplacement de ces divers groupes terroristes et mafias dans la région. Cet ensemble de fait est donc propice au camouflage de ces groupes terroristes et trafiquants car, il constitue un lieu de refuge et fournit des sites de repli quasiment inexpugnables. Comme le dit Thomas Edward Lawrence : « La rébellion doit avoir une base inattaquable, un lieu à l’abri non seulement d’une attaque mais de la crainte d’une attaque » (11). Ces informations renforcent l’idée répandue qu’AQMI aurait fait du sahel son sanctuaire. Les contraintes géographiques expliquent donc pourquoi on a du mal à mettre la main sur cette organisation et ses alliés, et parfois sur les otages. Il paraît très difficile de réussir une opération terrestre comme aérien pouvant permettre de mettre la main sur ces divers groupuscules qui sévissent au sahel. Et l’on ne devrait pas oublier que l’administration, la surveillance de cette zone, aride excèdent les Etats pauvres et instables de cet espace.

Dans ce coin isolé, la pauvreté et la misère y sont présents et elles ne sont pas sans incidence sur des populations déjà accablées par les lois de la nature. Cette situation favorise l’infiltration de l’islamisme radical proliféré par des extrémistes religieux qui tirent leur épingle de l’ignorance, de la misère et de la pauvreté dont sont victimes les populations de ce territoire. Cette percée de l’islam radical, sans être imminent dans la région du sahel est tout de même source de psychose sur des populations fragilisées. La nébuleuse terroriste profite de cette faiblesse, de la vulnérabilité des jeunes délaissés, sans emploi et livrés à eux-mêmes pour les endoctriner et les intégrer en son sein. D’autres jeunes quant à eux plongent dans le trafic de drogue, de médicaments, de contrebande pour le compte de celle-ci ou le leur. Ce qui contribue à alimenter le désordre que connait la zone sahélienne et que les Etats n’arrivent pas à contrôler. Désordre que tente de récupérer certains acteurs pour leur intérêt personnel.

En effet, le sahel est d’une importance stratégique pour les partenaires extrarégionaux des Etats de la région. En dehors de l’eau qui permet l’élevage ainsi que les cultures dans les oasis, le sous-sol sahélien est riche, très riche, d’où les convoitises. Le sous-sol sahélien contient du sel, des minerais divers (phosphate, or, argent, uranium etc.) et certains gisements demeurent inexploités. Les Etats énergivores envisagent une production massive d’électricité solaire dans cette région comme l’illustre le méga projet désertec. Le sahel connaît donc une pression très forte d’acteurs extrarégionaux qui se livrent une compétition sauvage pour obtenir la jouissance de l’exploitation de ressources non renouvelables (12).

Tout concourt à faire de l’espace saharo-sahélien la plus vaste zone d’instabilité et de non droit de la planète : la géographie, la paupérisation persistante, sinon organisée des touaregs, les convoitises étrangères, l’extrémisme politico religieux et les mafias (13). L’ampleur de la tâche à accomplir en vue d’une sécurisation et d’un rétablissement de l’ordre et de la paix est à la mesure de l’espace concerné : immense. Et rien ne permet d’affirmer, vue l’état actuel des choses, que les Etats de la région et même la Communauté Internationale parviendront à faire rétablir la sécurité dans cette zone.

7 Mehdi TAJE, « Vulnérabilité et facteurs d’insécurité au sahel », note publiée par le Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE), n° 1, août 2010, p. 1.
8 Khadija MOHSEN-FINAN, « Les Défis sécuritaires au Maghreb », Note de l’IFRI, juin 2008, p. 5.
9 Patrice GOURDAIN, « Al-Qaïda au Sahara et au Sahel. Contribution à la compréhension d’une menace complexe », www.diploweb.com, Revue Géopolitique en ligne, le 11 mars 2012, p. 1. (Consulté le 11 mars 2012).
10 Voir Gérard François DUMOND, « La géopolitique des populations du sahel », in Cahier du Cerem n° 13, décembre 2009, p. 33.
11 Thomas Edward LAWRENCE, « La guerre de guérilla » Encyclopedia Britanica, 1926, cité dans Gérard CHALIAND, Anthologie mondiale de la stratégie, paris, 1990, R. Laffont, p. 1137.
12 Bérangère ROUPPERT, « Les Etats sahéliens et leurs partenaires extrarégionaux. Le cas de l’union européenne en particulier », Note d’Analyse du GRIP, 6 décembre 2012, p. 4.
13 Patrice GOURDAIN, op. cit., p. 19.

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