Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

CONCLUSION

Non classé

Aujourd’hui le Japon est un pays moderne, ultra-technologique, toujours à la pointe en matière de robotique et de nouvelles technologies. Difficile d’imaginer que les relations entre les hommes et les femmes sont encore ancrées dans une tradition passéiste, qui persiste à influencer le monde du travail et s’insinue dans les lois d’égalité des chances. Et pourtant, force est de constater que la séparation entre les mondes masculins et les mondes féminins est toujours importante et se ressent dans de nombreux éléments de la vie des Japonais.

L’étude de la place et le rôle de la femme au sein de sa société est capitale pour étudier le fonctionnement sociétal d’un pays, son évolution. Ainsi, il est d’autant plus révélateur d’aborder cette question par le biais de l’étude des médias, miroirs de la société contemporaine. C’est pourquoi nous nous sommes intéressés à un style de cinéma bien particulier, très représentatif, aux yeux des Occidentaux, du Japon : le cinéma d’animation.
Nous avons choisi de nous pencher sur le cas du réalisateur Miyazaki, cinéaste à succès dans son pays, mais également à renommée internationale. Il est intéressant, pour l’étude de l’impact sociétal que peut avoir un tel média, de savoir que ces films s’adressent non seulement à des enfants, mais attirent également des publics plus adultes.

Hayao Miyazaki aime représenter des femmes. Ce sont les femmes qui sont ses véritables héroïnes. L’analyse de ses personnages féminins nous a permis non seulement de voir quelle image de la femme le réalisateur souhaitait montrer, mais aussi quel rôle l’homme tenait par rapport à elle.

Ainsi, nous avons tenté, avec ce mémoire, de répondre à la question suivante : quelle image de la femme Hayao Miyazaki offre-t-il dans son cinéma ?

Les femmes dans le cinéma de Miyazaki sont des femmes indépendantes, courageuses, aux qualités viriles. Or, nous avons vu que dans le Japon traditionnel, les femmes appartenaient à la sphère intérieure : la famille, la maison, les enfants. Toutes leurs activités touchent à ces domaines. Ainsi, les médias leur offrent des magazines interpellant leurs seules préoccupations : la décoration, la cuisine, la mode, l’éducation. Les femmes sont traditionnellement tenues de se marier jeunes, entre vingt et vingt-cinq ans. Avant de se marier, elles ont quelques années de liberté, pour voyager, pour travailler. Mais ensuite vient l’appel du devoir, de leur « vrai » métier : mère et épouse.

Or, les femmes, dès les années 1980, commencent à souhaiter travailler plus longtemps, concilier leur vie de famille avec une vie plus complète, par le biais du travail. La révolution douce s’est immiscée au Japon à l’insu des hommes, qui ont encore aujourd’hui peine à prendre la mesure des évolutions de sa société.

Les femmes japonaises sont plus que jamais, actrices des temps modernes et de l’évolution de la société. Bien que le poids des traditions pèse encore bien lourd sur leurs épaules, les femmes japonaises ont été ces dernières années, en avance sur leurs compatriotes masculins. En avance, car elles sont désormais plus extraverties que les hommes ; elles ont également, et plus que les hommes, la possibilité de voyager, d’apprendre des langues étrangères. Elles se sont plus ouvertes au monde extérieur et leurs opportunités et choix de vie ont beaucoup augmenté ces dernières années. Certaines d’entre elles font aujourd’hui le choix de ne pas se marier, de ne pas avoir d’enfants, ou de continuer à travailler après le mariage, malgré une société qui fait toujours pression sur leurs primes obligations.

C’est cette liberté qu’ont les femmes de voyager, de s’intéresser aux autres cultures, et surtout leurs nouveaux choix, sans l’obligation, comme pour les hommes, d’assurer directement un revenu au foyer avec un bon travail en entreprise, qui nous permet de voir les femmes d’aujourd’hui comme des précurseurs des évolutions sociales.

Dans le Japon contemporain, nous pouvons donc considérer les femmes japonaises comme de véritables guides, face aux hommes ayant encore du mal à comprendre cette évolution surprenante, ce détachement des traditions précipité par les nouvelles exigences féminines. D’ailleurs les hommes sont souvent victimes dans ce nouveau fonctionnement de la société. Comme le dit Nilsy Desaint dans son ouvrage Mort du père et place de la femme au Japon, l’homme aujourd’hui semble répondre à trois impératifs : « obéissance à la mère quand il est jeune, à l’entreprise quand il est adulte, et à sa femme quand il est à la retraite » .(152)

Les hommes subissent de plus en plus de pressions, et le changement du statut des femmes et de leurs aspirations ne font que le déstabiliser. Ce dernier se réfugie alors dans les mondes virtuels, fuyant le travail où il passe le plus clair de son temps, et s’éloignant d’une femme qui ne se contente plus d’un rôle d’épouse traditionnel. Il en résulte une véritable perturbation psychologique chez les hommes, une crise des modèles menant à une remise en question identitaire.

Nous pouvons ici établir un parallèle intéressant entre l’image que Miyazaki donne des femmes et de leurs rapports aux hommes dans ses œuvres. Tout comme les femmes se sont manifestées comme des précurseurs des évolutions sociales ces dernières années, les héroïnes de Miyazaki sont des guides, des messagères. Leurs capacités à communiquer avec l’au-delà, leur relation au spirituel, sont des métaphores pour leur faculté à comprendre, avant les hommes, ce qui les entoure. Nous retrouvons cette capacité à comprendre leur monde dans la crise des modèles que vit le Japon aujourd’hui.

Il est intéressant de noter que la réalité semble petit à petit rejoindre la fiction. Aujourd’hui, en effet, les femmes souhaitent de plus en plus s’affranchir de ce monde traditionnel qui les maintient si loin des rôles qu’elles ont dans le cinéma de Miyazaki : chez lui, les femmes sont guerrières, chefs, magiciennes toutes puissantes. Dans le Japon contemporain, elles sont de plus en plus nombreuses à vouloir être chefs d’entreprises, avoir une position sociale élevée par le travail, plus de responsabilités, une vraie indépendance. Elles souhaitent également avoir le choix que leurs mères et grand-mères n’ont pas eu : celui de se marier ou non, d’avoir des enfants ou non. Le phénomène du « Double Kids-No Income » est révélateur des évolutions de la société japonaise : les femmes se rebellent contre les traditions qui leur ont été imposées pendant très longtemps, avec des conséquences qui peuvent parfois être désastreuses, tel le phénomène des enjo kosai (adolescentes prostituées).

Mais les caractéristiques des héroïnes de Miyazaki nous permettent également de voir que le réalisateur cherche avant tout à montrer que les femmes n’appartiennent pas à une sphère privée, intérieure ; il ne les réduit pas au rôle traditionnel que les hommes leur ont imposé pendant des années. Malgré la présence d’éléments nous rappelant qu’aujourd’hui encore, la tradition est encore bien présente et maintient la femme dans certains rôles bien définis (nous pensons à certaines scènes de déférence envers l’homme comme nous les avons vues dans Porco Rosso) les films de Miyazaki montrent surtout des femmes libérées de l’enfermement dans un rôle traditionnellement« féminin ».

Miyazaki nous montre également les hommes sous un jour différent : ce ne sont pas eux les héros. Ils sont loin de l’image de valeureux chevaliers, de sauveurs de damoiselles en détresse montrés dans les livres pour enfants. Les hommes y sont montrés comme des assistants des femmes, des subalternes.

Ainsi, les traditionnels arguments prônant que les femmes ne peuvent pas accomplir certaines tâches, ou ne sont pas capables de faire certains métiers, en raison de leur faiblesse physique, sont rejetés. Miyazaki montre des femmes aussi fortes, sinon plus fortes, que les hommes, tant moralement que physiquement.

Miyazaki semble ainsi soutenir la quête des femmes pour plus de liberté, en représentant des hommes ridicules face aux femmes, des femmes sages et guidant les hommes vers la vérité, ou encore en montrant que les hommes peuvent eux aussi, intégrer la sphère féminine, comme il l’a montré dans Mon Voisin Totoro.

Mais qu’en est-il réellement de l’évolution des opinions japonaises ? Les traditions sont encore très importantes pour un grand nombre de Japonais, et la révolution des femmes s’est faite très doucement. Ce sondage d’opinion nous montre qu’il est encore difficile pour les Japonais, hommes et femmes confondus, de se libérer des rôles traditionnels. Miyazaki semble alors être précurseur, puisque, comme nous l’avons vu dans certaines interviews, même les jeunes Japonaises aujourd’hui réfléchissent toujours avec ce schéma de pensée : les femmes, plus faibles, ne peuvent pas faire certains métiers. Les femmes s’intéressent uniquement aux arts, à la littérature ; les hommes aiment les sciences, le droit, la médecine…

En effet, dans l’opinion des Japonais, le poids des traditions persiste : une grande majorité pense qu’il est souhaitable que les femmes donnent la priorité à la vie de famille avant le travail (45%). Ils pensent également que « les femmes doivent être responsables des travaux ménagers et de l’éducation des enfants bien qu’il soit positif qu’elles aient une activité professionnelle » à 86,4%. Mais la majorité soutient qu’il est préférable que l’homme donne la priorité au travail, devant sa vie de famille (62,4%) (153).

Sans doute, le chemin est encore long à parcourir pour que les femmes accèdent à une égalité totale avec les hommes. Mais il faut aussi noter que les hommes japonais souffrent énormément de ces évolutions. Ces derniers souhaitent accepter les nouvelles exigences de leurs compagnes ; seulement tout le défi réside dans leur capacité à comprendre que le monde traditionnel et le monde moderne ne semblent pas compatibles dans le monde du travail et familial, et qu’il conviendrait peut-être aujourd’hui de les séparer pour de bon.

Nous avons ainsi observé que les personnages féminins de Miyazaki accompagnaient les aspirations de la nouvelle génération de Japonaises. Cependant, nous devons nous interroger sur la capacité de films d’animation à retranscrire la réelle évolution sociétale d’un pays. Le public qui est adressé avec ces œuvres est essentiellement jeune, adolescent, bien qu’il ne soit pas rare que des adultes apprécient ce cinéma. Ainsi, nous pouvons penser que la portée des messages est limitée, et n’influence qu’une partie de la population. De plus, il ne faut pas oublier que ces films retranscrivent la vision d’un auteur, qui n’est ainsi pas forcément représentatif d’une large partie de la population. Mais le succès phénoménal des œuvres montre toutefois, que les personnages et l’image des héroïnes correspond aux attentes de son public.

Ce sujet et ses conclusions nous amène naturellement à nous poser des questions quant aux thématiques y étant liés et la façon dont celles-ci pourraient être abordés. En travaillant sur l’angle sociétal de ce sujet, nous pourrions étudier le Japon à nouveau mais à travers d’autres médias, tels que la presse ou la télévision, en élargissant notre sujet d’études : pas uniquement les femmes, mais les hommes et les enfants également, afin de faire de nouvelles découvertes concernant les particularités de la société japonaise et les différences notables avec la société occidentale.

L’étude de l’image de la femme dans le cinéma d’animation japonais peut nous mener par la suite, à nous intéresser aux images de femmes que l’on retrouve dans le cinéma d’animation occidental. Cette étude nous permettrait ainsi d’établir un parallèle sur les représentations féminines que l’on y retrouve et la société occidentale et ses clichés. De princesses sauvées par des princes charmants à de nouveaux héros, nous pourrions étudier comment ces stéréotypes évoluent avec le temps avec les dernières sorties cinématographiques.

Ces pistes d’études nous permettront, ainsi, d’approfondir l’analyse des évolutions sociétales de différents pays, à travers divers médias représentatifs de ces sociétés.

152 Desaint Nilsy, Mort du père… op.cit., p. 178
153 Ibid, p.166

Page suivante : BIBLIOGRAPHIE

Retour au menu : L’IMAGE DE LA FEMME JAPONAISE DANS LE CINEMA D’HAYAO MIYAZAKI