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CONCLUSION

ADIAL

Quel est le devenir de la perte de chance ? Cette question est essentielle car elle porte sur des éléments qui sont au cœur même de la responsabilité médicale. Elle nous concerne tous, au premier chef, en qualité de patients en puissance ou en devenir.

Partant du constat que la médecine n’est pas une science exacte, et que tout acte à caractère médical côtoie, de près ou de loin, la notion de risque, est-on disposé à accepter la prise d’un risque minimal inhérent à toute pratique humaine ou est-ce que la prise même de ce risque constitue déjà un dommage indemnisable ?

Le risque inhérent à l’activité médicale, doit être mesuré, au cas par cas, par les praticiens appelés à intervenir sur la personne du patient. Si, par leur comportement fautif, ils causent au patient un préjudice constitué par la privation d’un espoir de guérison, de rétablissement d’un état de santé plus favorable, ne leur appartient-il pas d’en supporter les conséquences dans le strict respect des règles régissant la responsabilité ? Faut-il dès lors nier toute responsabilité et ne jamais indemniser les victimes au motif que la médecine n’est pas une science exacte et n’apporte que très rarement des certitudes ? Nous ne le pensons pas.

Cette théorie a été crée dans un souci d’indemnisation des victimes d’une faute médicale dont le caractère causal à l’égard du dommage subi est difficilement démontrable. Elle demeure dès lors un remède aux défauts de la méthode du tout ou rien. Cette notion, de prime abord, difficilement maîtrisable par le droit, permet une meilleure sécurité juridique. Elle répond à la fonction préventive du droit de la responsabilité civile. Sans la responsabilité pour des chances perdues de guérison, le médecin n’encourait aucune responsabilité alors qu’il est probable que part sa faute, le patient soit décédé. Or, un malade a, indépendamment de la gravité de sa maladie, le même droit à des soins diligents.

Mais cette notion de perte de chance, alors même qu’elle a été crée « pour la victime », n’en demeure pas moins inaccessible pour la personne dont elle entend protéger. Comment expliquer à une victime que le montant de l’indemnité soit moindre par rapport à son état réel ? Certains diront qu’elle peut s’estimer « chanceuse » d’être au moins indemnisée, car si ce dommage n’était pas pris en compte par les juges, elle ne pourrait prétendre à rien, le préjudice n’étant pas considéré comme certain.

La victime reste donc insatisfaite de cette théorie. Mais accorder l’indemnisation de son état final serait-il vraiment concevable ? Certainement pas. Cette théorie a pour vertu de paraître équitable, parce que les médecins ne sont tenus pour responsables que de la perte de chance réellement subie. Juridiquement, elle peut donc se montrer idéale, parce qu’elle est en adéquation totale avec le principe « tout le préjudice, mais rien que le préjudice ». Par définition, la perte d’une chance est aléatoire. Rien ne permet donc d’affirmer que si l’événement qui a privé la victime de cette chance n’avait pas eu lieu, le profit escompté aurait effectivement été réalisé.

De plus, on le sait, ce sont les assureurs des praticiens qui supportent la charge finale de la réparation d’une perte de chance. Si le juge avait prit le parti de défendre la cause des victimes en leur accordant l’indemnisation de leur état final alors qu’il n’y avait qu’une probabilité que la chance se réalise, les assureurs auraient certainement refusé d’assurer tous les professionnels de santé. Cette situation n’étant pas concevable, il n’est pas surprenant d’avancer que la notion de perte de chance soit fondée sur un consensus entre le juge et les assureurs.

Il ne faut pour autant pas perdre de vue qu’en instaurant la notion de perte de chance, le juge a accepté d’être entièrement tributaire des dires de l’expert, souvent faiblement motivés. Ceci constitue un premier aléa dans l’évaluation de la réparation qu’il faut combiner au flou jurisprudentiel lié à l’absence de consensus entre tous les juges français. N’est-ce pas un danger pour chacune des parties, car source d’arbitraire ?

Quoi qu’il en soit, et ce malgré deux arrêts marquant un éventuel recul de notre notion, la perte de chance a sans doute encore un bel avenir devant elle, surtout si on pense que les malades, de plus en plus exigeants du fait de l’accroissement des techniques, vont multiplier les contentieux. La pression des compagnies d’assurance dans une société vieillissante risque de pousser les juges à opter pour la perte de chance plutôt que la réparation intégrale dans tous les cas de doute sur le lien de causalité ou lorsque la maladie a largement contribué au dommage.

Comme le souligne Monsieur CHATELAIN dans sa thèse, donner son essor à la théorie de la perte de chance pourrait aboutir à rendre sa pureté à la responsabilité pour faute, qui ne serait plus utilisée que lorsque le lien de causalité est de l’ordre de 100% et le préjudice certain. Dans les autres cas, majoritaires, il conviendrait de recourir à la perte de chance, celle-ci apparaîtrait donc dans toutes les hypothèses où « la conduite litigieuse n’a pas entraîné de façon certaine et directe le préjudice final subi par la victime, mais [où] elle a pourtant joué un rôle dans la survenance du dommage [et] a donc fait perdre au patient une chance d’échapper au dommage ». Ainsi, les médecins ne seraient plus condamnés pour faute que lorsque le lien de causalité est certain et lorsque le dommage subi, réparé dans ce cas dans son intégralité, est vraiment dû à leur comportement….

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