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CONCLUSION

ADIAL

L’arrêt Costedoat rendu par l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation le 25 février 2000 a marqué un véritable tournant dans l’histoire de la responsabilité du commettant du fait de ses préposés en ce qu’il a cherché à l’imiter la responsabilité civile personnelle des préposés à l’égard des tiers, contrairement à l’évolution actuelle du droit vers une facilitation de l’indemnisation des victimes. Cet arrêt a consacré l’immunité civile des préposés qui commettent un fait dommageable alors qu’ils agissent dans le cadre de la mission qui leur est impartie par leur commettant. Cette absence de responsabilité civile du préposé suppose que la responsabilité du commettant ne soit plus considérée, ainsi c’était le cas dans le régime initial de responsabilité, comme une responsabilité de superposition, constitutive d’une garantie en cas d’insolvabilité du préposé.
Néanmoins, cette évolution n’a pas forcément fait l’unanimité en Doctrine. En effet, plusieurs critiques ont été soulevées à l’encontre du régime découlant de l’arrêt Costedoat. Tout d’abord, il lui a été reproché de remettre en cause le principe de responsabilité personnelle issue de l’article 1382 du Code civil qui consacre que « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Cette critique est d’autant plus vive que ce principe de personnalité de la responsabilité a valeur constitutionnelle. Le juge s’arrogerait donc le pouvoir de contourner par ses décisions des dispositions ayant valeur constitutionnelle et se placerait ainsi à la fois au dessus des lois mais également de la Constitution. Comment peut-on violer plus le principe de séparation des pouvoirs ? En outre, la solution de l’arrêt Costedoat a pu être considérée comme un facteur de perturbation de la mise en oeuvre de la responsabilité d’autrui en ce que, d’une part, elle prive les victimes d’un recours contre le préposé, cela au risque de le déresponsabiliser, et, d’autre part, en ce qu’elle est susceptible de remettre en cause le recours du commettant à l’encontre de son préposé. Enfin, certains auteurs ont vu dans l’arrêt Costedoat la naissance d’une responsabilité directe des commettants impliquant non seulement en ce que la responsabilité du commettant vient dorénavant en substitution à la responsabilité de son préposé mais également en raison du déclin tant redouté par les auteurs de doctrine de l’exigence d’une faute préalable du préposé comme condition indispensable à l’engagement de la responsabilité du commettant. Sur ce dernier point, les avis de la doctrine divergent : alors que certains auteurs redoutent que nous basculions dans un tel régime de responsabilité direct des commettants, certains estiment que cela est déjà chose faite.

En outre, l’opportunité du maintien de la solution issue de l’arrêt Costedoat se pose inévitablement puisque, ainsi que nous l’avons constaté dans le cadre de la deuxième partie de ce mémoire, l’évolution jurisprudentielle ultérieure s’est orientée vers une restriction considérable du champ d’application de l’immunité civile du préposé ou, dans un sens plus positif, vers une délimitation des contours de cette immunité. Ainsi, l’arrêt Cousin rendu par l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation le 14 décembre 2001 a enclenché une vague importante d’arrêts prenant en considération la nature pénale de la faute du préposé, titulaire ou non d’une délégation de pouvoirs, pour justifier l’engagement de sa responsabilité civile personnelle. A ensuite été admis l’existence d’un recours contractuel du commettant devant les juridictions prud’homales lorsque ce dernier, en raison d’une faute lourde commise par son préposé, a subi un préjudice personnel. Ce recours, fondé sur le droit du travail, a été perçu comme un palliatif à l’absence de faute intentionnelle de nature pénale susceptible de renverser l’immunité dont bénéficie le préposé. En outre, l’admission d’un recours subrogatoire de l’assureur du commettant ayant indemnisé la victime contre l’assureur de responsabilité civile du préposé constitue également, même si qu’indirectement, une brèche au principe de l’immunité civile de l’arrêt Costedoat, même si ce recours a pu être considéré comme mettant à mal les règles fondamentales applicables en matière de recours subrogatoire.
Enfin, une brève étude de droit comparé nous a permis de constater que si certains systèmes juridiques ont tendance à se rapprocher du régime de responsabilité français, d’autres au contraire s’en éloignent aux vues de l’évolution actuelle des régimes de responsabilité du fait d’autrui en général et, plus particulièrement, du régime de responsabilité du commettant du fait de son préposé. On fait tout particulièrement référence ici au régime juridique belge qui, comme nous l’avons vu, s’inspire profondément du Code civil napoléonien et fait encore aujourd’hui d’une grande fidélité à l’esprit qui l’animait en 1804.
Cette étude nous a donc permis de réaliser qu’une évolution du régime de responsabilité du commettant du fait de son préposé s’imposait, l’ancien régime de responsabilité ne prenant pas en considération la situation particulière de « subordination » dans laquelle se trouvent les préposés vis-à-vis du commettant. Néanmoins, une fois le mouvement lancé, l’intervention du législateur est rapidement apparue nécessaire pour canaliser cette évolution, pour officialiser certains acquis, pour préciser, voire rejeter, certaines solutions.
L’avant projet de réforme du code civil de 2005, dit avant projet Catala, a donc été le bienvenu et figure au rang des réformes envisagées l’idée de l’instauration d’une responsabilité subsidiaire du préposé, amenée à jouer en cas d’insolvabilité du commettant. On retrouve dans cette proposition le souci de protéger les victimes, de faciliter leur indemnisation et pour cette raison, cette idée mérite d’être approuvée.
L’immunité civile du préposé constitue donc une notion toujours en construction et pour laquelle le rôle du législateur français va être déterminant compte tenu des nombreuses lacunes et critiques qui caractérisent le régime actuel de responsabilité du commettant du fait de son préposé. Son intervention aura pour mérite d’officialiser ce régime éminemment prétorien.

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