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Chapitre 2. Un large choix d’extension de garantie

ADIAL

En effet, il existe tant au sein des polices américaines que françaises des extensions de garanties venant aggraver la situation des assureurs D&O ou RCMS.

Les américains ont prévu dans leur police d’assurance de responsabilité des dirigeants une couverture protégeant également la société pour sa propre responsabilité en cas de « Securities claims » c’est-à-dire que l’assureur D&O prend en charge les réclamations faites à l’encontre de la personne morale en rapport avec les titres qu’elle a utilisés. Ce genre de réclamation résulte généralement d’une action spécifique de la société ayant causé une chute sur le marché du prix des titres et actions de la société. Cette garantie optionnelle est connue sous le nom d’ « Entity Securities Coverage ». Celle-ci peut faire partie de l’Insuring Agreement C ou encore, résulter d’un simple avenant selon Nordstrom inc v. Chubb & son de 1995.

Il existe une autre extension de garantie qui, quant à elle, se retrouve dans les polices américaines et françaises : l’Employment Practices liability (EPL). Cette garantie a pour avantage, aux Etats-Unis, de non seulement couvrir les directors and officers et d’indemniser les employés de l’assuré mais également, la société contre toute réclamation liée à l’emploi intentée par les employés ou encore, des tiers. Cela peut résulter d’un licenciement fautif ou encore, d’un harcèlement sexuel par exemple. Depuis ces dernières années, ce genre de sinistres a dramatiquement augmenté tant sur le plan de la fréquence que sur le plan de l’intensité.

La police française prévoit une extension de garantie appelée « fonds de prévention des difficultés de l’entreprise » prenant en charge les frais engagés par la société dans le cadre d’une procédure de conciliation ou encore de nomination d’un mandataire ad hoc à l’initiative de son représentant légal. L’assureur RCMS va devoir au titre de cette extension prendre en charge ou rembourser les honoraires d’avocat, d’experts comptables voire la rémunération de du mandataire ad hoc et du conciliateur, le but étant d’accompagner le dirigeant et à travers lui, la société dans son effort de prévention des difficultés avant la cessation des paiements. Cela constitue un indéniable avantage car il permet aux dirigeants de prendre immédiatement la situation en main sans pour autant se soucier du coût de la prévention mise en oeuvre à une période où la situation financière de l’entreprise ne permettait pas de telles dépenses.

Les assureurs vont également jusqu’à permettre la couverture de la société en cas de recours exercé contre celle-ci du fait d’une faute non séparable commise par le dirigeant dans l’exercice de ses fonctions. Cette garantie serait acquise dès lors qu’un jugement qualifie expressément la faute du dirigeant de « non séparable » ayant causé un préjudice direct à un tiers. Il semblerait dans la pratique que la jurisprudence notamment française chercherait même à élargir la qualification de faute non séparable du dirigeant afin de faire entrer dans cette catégorie un plus grand nombre de situations et ainsi, permettre la couverture de la société souscriptrice par le contrat d’assurance RCMS ou D&O à de plus nombreuses reprises. Un arrêt de la Cour de cassation du 9 mars 2010 est même allé plus avant dans l’assouplissement des conditions d’engagement de la responsabilité du dirigeant en déclarant que « la mise en oeuvre de la responsabilité des dirigeants à l’égard des actionnaires agissant en réparation du préjudice qu’ils ont personnellement subi n’est pas soumise à la condition que les fautes imputées à ces dirigeants soient intentionnelles, d’une particulière gravité et incompatibles avec l’exercice normal des fonctions sociales ».(21) Cet arrêt déclare donc, en l’espèce, que l’actionnaire n’est pas considéré comme un tiers comme les autres et qu’il n’est, en ce sens, plus contraint de prouver une faute séparable du dirigeant. Néanmoins, il est important de préciser que cet arrêt demeure isolé. La police RCMS peut ainsi prendre en charge dans certaines situations la société par le biais de cette extension.

Les assureurs permettent aussi de couvrir la société dans le cadre des allocations pouvant être vues comme une extension de garantie. L’allocation est nécessaire voire requise lorsque la police ne prend pas en charge la couverture de la société elle-même et qu’un procès (très souvent une « securities action » ou une « antitrust action ») implique la responsabilité tant des directors and officers que de la personne morale. A titre d’exemple, les tribunaux américains ont attribué en 1995 une allocation de 100% au titre de la responsabilité des D&Os pour une décision rendue dans le cadre d’une securities action sous-jacente.(22) La Cour, en l’espèce, a reconnu sur la base de l’extension de la police D&O l’assureur responsable de ce à quoi était exposée la société. Cet arrêt a poussé les assureurs à répondre de deux façons. D’une part, désormais, de nombreuses polices D&O incluront l’entity securities coverage permettant ainsi d’éviter le recours à l’allocation sur ces points précis et de limiter la couverture. D’autre part, les polices D&O ont dorénavant des clauses d’extension d’allocation nécessitant une préalable négociation des parties donnant lieu à un accord sur une éventuelle allocation ou pas. En cas de refus, la police prévoit soit une valeur par défaut soit le recours à l’arbitrage du litige entourant l’allocation. En général, la société n’est pas couverte pour ses pertes pécuniaires par l’assurance D&O(23) mais il faut garder à l’esprit qu’il existe des extensions de garantie permettant de contrecarrer le problème et permettant au dirigeant d’être non seulement assez largement couvert au titre de sa police RCMS ou D&O mais également à l’entité, personne morale d’en bénéficier.

Il convient de préciser qu’il existe également un certain nombre de garanties dites « accessoires » telles que les couvertures de frais de gestion de crise, d’assistance psychologique ou encore, frais de communication et de réhabilitation de l’image de l’assuré. La police RCMS de Liberty propose même une garantie « homme clé » chargée d’indemniser la société souscriptrice du montant de garantie stipulé au contrat dès lors que son dirigeant est victime d’un accident survenu pendant la période d’assurance et une garantie « menace contre l’individu » chargée d’indemniser dès lors que le dirigeant, en relation directe et exclusive avec ses fonctions de dirigeant, fait l’objet d’une menace sérieuse et crédible d’attenter à son intégrité physique, celle de son conjoint ou celle de ses enfants ou à son patrimoine personnel.(24) Cependant, ces deux garanties peuvent revêtir tant la forme de garanties accessoires que d’extensions de garantie, tout cela dépendant de la police d’assurance et surtout de la compagnie d’assurance à laquelle l’assuré a affaire. En général, les garanties accessoires sont peu coûteuses et ont vocation à accompagner les garanties principales lors de sinistres déjà couverts par l’assureur D&O ou RCMS.

L’assurance de responsabilité civile des dirigeants demeure controversée. A une époque où la volonté est de responsabiliser les dirigeants, celle-ci voit sa légitimité être vivement débattue. Cependant, malgré le débat qu’elle suscite, celle-ci ne cesse de prouver son utilité qui est désormais indiscutable eu égard à son périmètre de garantie très large. Etre dirigeant, c’est prendre des risques. Aucun dirigeant n’accepterait d’exercer cette fonction sans une telle protection pour assurer ses arrières ce qui explique que l’assurance D&O et RCMS soit si prisée. Si dans un sens, nous pouvons considérer le contrat d’assurance RCMS déresponsabilisant, il est important de préciser que les assureurs ont, de leur côté, chercher à minimiser cette effet pervers en encadrant la mise en oeuvre de la garantie.

21 Cass. com., 9 mars 2010, n° 08-21547 et 08-21793 : Bull. Joly Sociétés 2010, p 537, § 109, note D. Schmidt ; Juris-Data n° 2010-001500
22 Nordstrom Inc v. Chubb & Son Inc. 1995
23 Medical Mutual Insurance Co of Maine v. Indian Harbor Insurance Co. 2009

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