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B L’extension rationae materiae de la notion de voisinage

ADIAL

Le terme de « voisinage » a subit une grande évolution au fil du temps, si bien
qu’aujourd’hui, c’est la zone réellement troublée qui est prise en compte (2) et même parfois l’environnement (1).

1. Du voisinage à l’environnement

Le voisinage, après avoir écarté la contiguïté, puis la mitoyenneté et enfin la proximité, prend une dimension écologique et environnementale. La jurisprudence en a pris conscience, donnant la priorité à l’environnement physique, lieu du dommage, même s’il est éloigné de la source du trouble incriminé. Les décisions de justice font état d’un « voisinage écologique » pour lequel la proximité géographique est une notion extensive. L’élargissement du trouble de voisinage en un « trouble d’environnement », conférant un caractère écologique au cadre de voisinage, procure un domaine infini à la théorie des troubles de voisinage, auquel seules l’intensité et la capacité de propagation de la nuisance peuvent apporter une borne dans la pratique et dans chaque espèce considérée .

Cependant, cette action est de portée limitée au niveau environnemental. Elle est, en effet, par essence géographiquement bornée et surtout elle est individuelle et propre à celui qui subit les conséquences du trouble. En cela, la théorie des troubles de voisinage est effectivement impropre à garantir une protection collective de l’environnement, et à réparer ce qu’il est convenu d’appeler « le préjudice écologique pur », c’est-à-dire celui qui n’a pas de répercussions immédiates et directes sur des personnes ou des biens déterminés. Tout cela fait que si son utilité reste importante comme instrument juridique d’action contre les responsables d’atteinte à l’environnement, elle ne suffit pas .

2. La propagation de la nuisance litigieuse dans une zone réellement troublée

La notion de proximité a évolué en fonction du développement des techniques et de la mobilité accrue des personnes. La jurisprudence a été sensible à l’élargissement du concept de proximité, désigné désormais comme étant la « zone réellement troublée » . C’est en tous cas la solution qu’a retenue la CJCE le 18 mai 2006, à propos d’un contentieux relatif à des nuisances causées à des terrains agricoles en Autriche du fait de l’exploitation d’une centrale nucléaire implantée en République Tchèque. La relation de voisinage est alors entendue largement, et « à la manière des pollutions qui ne connaissent pas les frontières » . Il n’y a par conséquent, pas de limite de distance attachée au voisinage. La seule limitation spatiale apportée à la théorie est celle que fixe, dans chaque espèce, l’impact de la nuisance émanant d’une personne et atteignant une autre.

Ainsi, l’éloignement des fonds n’est aucunement considéré comme de nature à interdire le recours à la notion de voisinage. On se souvient que dans le rapport annuel de la Cour de cassation pour 1999, le conseiller P. VILLIEN relevait que « avec le rétrécissement de la planète la notion même de voisinage tend à s’étendre : ne sommes-nous pas devenus les voisins de l’Ukraine depuis que la catastrophe de Tchernobyl nous a envoyé des radiations ? ». Intervenu en matière nucléaire, on peut reprendre l’arrêt de la CJCE du 18 mai 2006 précité qui donne raison à P. VILLIEN : « un fonds exposé à des nuisances liées à l’exploitation d’une centrale peut être regardé comme souffrant d’un trouble de voisinage, indépendamment de son éloignement du fonds d’émergence ». A cet égard, si la distance était ici inférieure à 100 kilomètres, rien ne s’oppose à ce que le voisinage puisse être bien plus considérablement étendu dans la mesure où c’est la nuisance et non la distance qui fixe les frontières d’une interdépendance désormais affranchie des contraintes de la proximité géographique. Cette évolution de la jurisprudence ne marque-t-elle pas une tendance à considérer comme voisin « n’importe quel auteur ou encore n’importe quelle victime de trouble » ? Jusqu’où peut aller la délimitation de la nuisance litigieuse et n’est-il pas dangereux de délaisser ce critère géographique de voisinage ?

Nous pouvons déduire de toutes ces constatations que les frontières géographiques de la « communauté de voisinage » sont indéfinissables pour la jurisprudence et en tout cas ne se trouvent pas enfermées dans un rapport de proximité, qui lui-même reste vague. Si limitation du champ d’application de la théorie il y a, et on ne peut concevoir un régime de responsabilité illimité, c’est dans le voisinage humain et non plus physique qu’il faut la chercher . Mais tout comme il y a eu une extension par la jurisprudence de la notion de voisinage dans l’espace, on note également un élargissement du cercle des personnes concernées par cette responsabilité pour troubles anormaux de voisinage.

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