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B. Les citoyens Haïtiens et les acteurs internationaux, ont-ils la même représentation de la modernisation de la Fonction publique ?

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Voilà une question que l’on ne se pose pas souvent, mais qui est loin d’être anodine tant
elle est plein d’enjeux multiples. Il n’est certes pas évident de cerner la représentation de
l’ensemble des citoyens Haïtiens de la modernisation de la Fonction publique, vu le poids des
obstacles épistémologiques et/ou épistémophiliques possibles. Il n’en est pas autrement pour
les acteurs internationaux impliqués dans le processus de cette modernisation, vu leur nombre
assez important, le problème de la coordination de leur action et leurs motivations qui sont
susceptibles d’être différentes. Cette hétérogénéité des citoyens Haïtiens et des acteurs
internationaux ne suggère pas d’emblée que nous collions une représentation exacte et
uniforme ou unifiée de la modernisation de la Fonction publique aux Haïtiens ou aux acteurs
internationaux de la réforme.

En revanche, comme il a été rappelé d’ailleurs dans le cadre de ce travail, l’implication
desdits acteurs internationaux dans le processus de la modernisation de la Fonction publique
participe à la fois d’une certaine conception de l’Etat, de sa place dans la gestion et la
prestation des services publics ; de la rénovation du management de la Fonction publique à
l’aide de réformes d’inspiration managériale, etc. De plus, l’essence de leurs préoccupations
et motivations à inciter, voire exiger, ladite modernisation est souvent d’obédience
économique.

Ils finissent par se dire que les réformes économiques en vue, entre autres, du
développement et de la soutenabilité de la croissance ne peuvent pas se détacher de réformes
politiques et institutionnelles s’inscrivant bien sûr dans le cadre de certains référentiels clés
s’ils veulent gagner en efficacité. Donc, in fine, l’enjeu, pour eux, est beaucoup plus d’ordre
économique que politique(75).

Ainsi, l’ordonnance extérieure est-elle de moderniser la Fonction publique, parce que
prioritairement les finances publiques sont en période de vaches maigres; le monde est dans
un contexte de crise financière ; il faut bien gérer l’aide internationale, etc. Donc, tout en
essayant de maintenir un discours sur la qualité des services publics offerts aux usagers
comme pour suggérer à l’opinion publique nationale leur préoccupation à ce que ces derniers
jouissent des services publics de qualité, l’enjeu fondamental reste le critère du coût des
services publics et non celui de la qualité.

Il s’ensuit que quand les acteurs internationaux, dits partenaires d’Haïti, particulièrement
les institutions internationales de financement impliqués dans la réforme du secteur public
haïtien parlent de modernisation de la Fonction publique, on assiste généralement et
prioritairement à la mise en oeuvre de politiques de réduction massive du nombre des
Fonctionnaires de l’Etat sous le prétexte de la masse salariale de la Fonction publique
occupant un pourcentage trop important des dépenses publiques.

D’où, l’Etat se voit incité, par lesdits acteurs internationaux, d’engager des réformes dites
de modernisation de la Fonction publique, généralement comme conditionnalité de l’aide
internationale, qui ne sont pas sans incidences sociales, particulièrement une remontée du
chômage, sur la population haïtienne.

En revanche, le rapport des citoyens, de leur côté, avec l’Etat s’inscrit plutôt dans une
autre dynamique.

En effet, l’une des raisons d’être de l’Etat c’est de favoriser continuellement
le mieux-être de ses citoyens. Ainsi, ces derniers sont en droit d’exiger de l’Etat des services
publics de qualité, accessibles et de proximité. C’est d’ailleurs l’une des revendications des
masses populaires haïtiennes au lendemain de la chute du régime des DUVALIER. Depuis, le
peuple haïtien, via notamment les émissions de libre tribune d’ailleurs très nombreuses en
Haïti, ne cesse de réclamer à qui veut l’entendre la modernisation des institutions publiques et
de la Fonction publique.

Par voie de conséquence, nous pouvons en déduire que les citoyens Haïtiens, faisant
référence à la modernisation de la Fonction publique, se préoccupent de la qualité des services
publics offerts par l’Etat. Ils exigent de l’Etat des services publics de qualité et il revient à ce
dernier de satisfaire cette exigence de ses citoyens.

Ainsi, ne pouvons-nous pas nous demander si les citoyens Haïtiens et les acteurs
internationaux exigeant la modernisation de la Fonction publique, mettent la même chose
derrière le terme de modernisation de la Fonction publique ? Le critère de la qualité retenu par
les citoyens Haïtiens et le critère du coût retenu par les institutions internationales de
financement, participent-ils d’une conception intégrée de la modernisation de la Fonction
publique ?

En définitive, l’enjeu majeur pour l’Etat haïtien auprès de ses citoyens dans le cadre dans
le cadre de la modernisation de la Fonction publique c’est de pouvoir offrir des services
publics de qualité, accessibles et de proximité. Les citoyens Haïtiens n’ont pas à se
préoccuper du coût de la satisfaction d’une telle exigence. Or, l’enjeu majeur pour l’Etat
haïtien auprès des acteurs internationaux, particulièrement les institutions internationales de
financement, c’est de pouvoir rationnaliser les dépenses publiques et veiller, en l’espèce, au
coût de la Fonction publique, particulièrement la masse salariale. D’où une certaine
propension de la part desdites institutions à ordonner à l’Etat haïtien une Fonction publique
chétive.

Comment l’Etat haïtien peut-il alors satisfaire à la fois ses citoyens et les institutions
internationales de financement ? Vu les faibles moyens financiers dont dispose Haïti, peut-elle
se passer desdites institutions internationales et se préoccuper à satisfaire uniquement ses
citoyens ?

L’Etat haïtien, peut-il réussir le saut qualitatif du meilleur rapport qualité/prix
comme pour satisfaire à la fois ses citoyens qui pèsent sur la qualité et ses partenaires
internationaux qui pèsent plutôt sur le coût, mais tout en tenant un discours sur la qualité ?

75 En réalité, cette approche parait plus pertinente dans le cas des institutions de Bretton Woods, en l’occurrence
la Banque Mondiale (BM) et le Fonds Monétaire International (FMI), et les organismes de financement
multilatéraux en général que dans le cas de la coopération bilatérale.

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