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B – Le système de la « vraie » théorie de la perte de chance

ADIAL

Le motif d’un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 4 novembre 2003 a permis à Monsieur CHABAS d’expliquer en quoi consiste réellement le système de la perte de chance. Pour lui, les juges du fond ne l’ont pas bien compris.

C’est d’abord une situation dans laquelle se trouve le patient au moment où la faute est commise par le praticien : il n’a « plus que » des chances ; il « en est réduit à des chances » de guérir ou d’éviter une aggravation. S’il avait été bien soigné et à temps, la faute n’aurait pas été commise, pour autant, le dommage aurait quand même pu se produire. A cette occasion, il est impossible de prouver que la faute du médecin a été ne serait-ce qu’une condition sine qua non du dommage. Le lien de causalité entre le dommage qui s’est réellement produit et les fautes des chirurgiens est douteux. Mais la Cour s’en est tenue là, contestant cette analyse du lien de causalité et c’est alors sa donnée de base qui est erronée car le problème concerne plus le préjudice que le lien de causalité.

En l’espèce, un patient atteint d’une fracture est traité par un premier chirurgien. Puis, à sa demande, il est transféré dans une autre clinique où il est opéré par un deuxième chirurgien. Puis il est encore transféré dans un troisième établissement où il est immédiatement opéré après diagnostic d’un syndrome des loges dont il a gardé d’importantes séquelles. Il assigne en justice les deux premiers hommes de l’art pour défaut de diagnostics. L’expert précisant que rien ne permettait d’affirmer que le traitement efficace appliqué à temps aurait permis d’avoir une action efficace sur la nécrose déjà constituée à ce moment-là. La Cour se base sur cette incertitude du lien de causalité pour limiter le préjudice subi à la perte de chance.

La Cour d’appel rectifie alors le raisonnement. Elle parvient à établir un lien de causalité direct et certain entre les fautes commises et le dommage dans la mesure où les chirurgiens pouvaient prévoir et prévenir le risque de complication dont il s’agit.

L’arrêt est cassé pour le motif suivant : « dès lors qu’il n’est pas établi que des soins administrés à temps auraient guéri le patient, l’absence ou le retard fautifs de diagnostic ou de traitement d’une affection ne peuvent être indemnisés qu’au titre de la perte d’une chance. » Ici, le potentiel perdu par la faute des praticiens n’était pas la santé, mais les chances de la conserver ou de la recouvrer. Il s’agit donc d’un préjudice foncièrement rattachable aux fautes médicales, car avant elles, le blessé avait des chances, et après elles il n’en avait plus. L’application de la perte de chance suppose donc que le patient, lors des fautes, était déjà engagé dans un processus pathologique dont il n’avait que des chances de sortir à condition d’être bien soigné.

C’est en cela que réside le système de la « vraie » théorie de la perte de chance. Il ne doit pas être confondu avec la « fausse » théorie qui tend à dissimuler le doute sur le lien de causalité entre un mal qui atteint le patient et la faute du praticien. Dans ce cas, le patient est sain, il avait toutes ses chances, pour autant il n’en n’a plus sans pouvoir en déterminer les raisons. La réparation est alors proportionnée au degré de probabilité du lien entre la faute et le dommage subi.

A l’inverse, la vraie théorie ne consiste pas à réparer le préjudice qui est le mal ultime. Elle suppose la considération d’un préjudice tout autre : la perte du potentiel de chances. Le calcul, s’il se fait toujours à partir de la valeur du préjudice réellement subi, le coefficient dont on l’affectera, quant à lui n’est pas le même.

Dans la véritable théorie, ce coefficient sera fourni par la science, qui devra indiquer dans quel pourcentage de cas cette maladie, bien traitée, peut guérir.

Dans la fausse, on déterminera quelle est la probabilité d’imputabilité du dommage au médecin.

On le sait, la notion de perte de chance présente d’importantes difficultés. Les deux ordres de juridiction ont apporté des solutions distinctes, solutions qui finalement tentent aujourd’hui, à s’unifier.

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