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B – Étude du cas du Limousin

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On pourrait regretter que cette étude arrive si tard dans notre étude alors qu’elle en est le point de départ. En effet, en octobre 2009, le président de Région a passé commande d’une signature institutionnelle : “une phrase forte exprimant les valeurs et les ambitions régionales”. Cette demande recouvrait une demande implicite, du moins a-t-elle été interprétée comme telle, d’une formalisation de la communication régionale. Le cas pratique que nous exposons ici répond bien à une problématique réelle de communication. C’est pourquoi la partie de benchmarking nous a parus si importante à mener. Comme le chantier de la signature, on le verra, a abouti mais sans le résultat escompté, il était nécessaire de regarder comment, concrètement, les autres Régions s’étaient emparées de l’outil qu’est la signature.

1- La volonté forte d’arriver à une signature

a – Un contexte contraignant

Pour répondre à la commande présidentiel et arriver à produire cette expression symbole, un groupe de travail s’est constitué. Il a, en premier lieu, dressé un état des lieux de ce que seraient les éléments de la marque Région Limousin puis a essayé d’exprimer un positionnement.

Les contraintes étaient importantes. Il fallait aboutir à un résultat sans aucun appui extérieur, c’est-à-dire, sans regard externe sur l’institution. Le recours à une agence de communication est pourtant un passage quasi obligatoire pour ce genre d’exercice. Mais il était également impossible d’étendre le travail ne serait-ce qu’aux partenaires de la région. Il est difficile de créer son propre miroir et de s’assurer à partir de sa propre image qu’il ne soit pas déformant.

Seconde contrainte, il n’y a pas de stratégie de communication formalisée ni de plan de communication à la Région Limousin. C’est un plan d’actions qui tient lieu de feuille de route au service communication. On ne pouvait donc s’appuyer sur une vision à moyen terme ou sur des objectifs de communication matérialisés et acceptés par tous.

D’une certaine façon, ce travail cumulait l’ensemble des handicaps possibles et des défauts d’un manque de stratégie. L’association du directeur général des services et d’un membre du cabinet devenue depuis directrice, tous deux jouissant d’un grand crédit auprès du président a constitué l’avantage décisif du projet. C’est peut-être pour cela qu’il a pu aboutir. S’ajoutant à l’exaspération des échecs précédents, le fait que le groupe de travail regroupe deux conseillers influents l’informant des progrès du travail, a aidé à l’acceptation du résultat final. L’absence de stratégie aura également permis que le résultat soit seulement conditionné à l’agrément présidentiel.

b – Un passif

La signature devait donc intégrer le fait qu’elle n’arrivait pas en dernier pour couronner une démarche de communication comme la logique de son élaboration le voudrait mais qu’elle initiait au contraire cette démarche.

Sur ce travail planait également le spectre des échecs précédents. En 2006, une première tentative de création d’une marque économique n’avait pu aboutir, faute d’adhésion quant aux propositions. En 2008, une tentative de définition d’une stratégie de marketing territorial, commandée à un cabinet, avait à nouveau échoué.
Les propositions ne semblaient pas spécifiques au Limousin et auraient pu être proposées ailleurs.

Ces échecs successifs se sont cristallisés sur la signature. À tel ordre qu’un slogan, inventé pour une campagne sur l’économie sociale et solidaire, parut devoir convenir aux valeurs et à l’ambition régionales ( “la valeur humaine ajoutée” ). Mais un cabinet de formation bordelais l’avait déjà déposé à l’INPI dans la plupart des champs de services. La dernière tentative en date, “Région Limousin, mon capital équilibre”, très visuelle, jouait le décalage entre le vocabulaire de la bourse et les atouts régionaux (par exemple, une image montrant un paysage de maison à la campagne avec le slogan “mes stocks options”). Sa présentation tomba au moment où les médias commençaient à faire de la crise boursière le principal titre de leurs journaux.

2 – “Une chance à saisir”

a – La méthode

Le groupe de travail a commencé ses travaux par une phase de sensibilisation. Les personnes qui le composaient issues du cabinet, de l’administration et de la communication n’avaient pas toutes le même niveau de compréhension de ce qu’était une signature, de ce à quoi elle pouvait servir et ce qu’elle impliquait de structuration pour la communication à venir. Nous avons ensuite enchaîné avec des méthodes projectives pour essayer de se sortir des lieux communs sur l’institution.

Parallèlement à ces réunions, un travail d’entretiens qualitatifs a été mené avec les têtes de l’exécutif (le président et ses principaux vice-présidents et celles de l’administration (l’ensemble des DGA à l’exception du DGS et de l’un d’entre eux qui participaient aux travaux du groupe). Ce travail en parallèle a permis de croiser au fur et à mesure les résultats et d’enrichir les travaux du groupe de travail. Une troisième dimension de ce diagnostic a été le recoupement des études, sondages et éléments de bilan dont nous disposions. Nous possédons des éléments de contexte général, des études spécifiques au Limousin et sur l’institution, l’ensemble des traces laissées par les tentatives précédentes de création de marque. Il faut ajouter l’important travail de prospective mené pour le schéma régional d’aménagement durable du territoire.
Nous sommes parvenu à un résultat « une chance à saisir », choisi par notre groupe de recherche puis adopté par le président(97). Tous les éléments de diagnostic que nous avons rassemblés par ailleurs doivent servir à l’armature d’une stratégie de communication et constituent une base pour un autre chantier d’envergure dont la nécessité s’impose à de multiples niveaux : le marketing territorial.

b – La portée et les limites de la démarche

L’association des partenaires comme en Picardie, celle d’un grand nombre d’acteurs extérieurs à la Région donne évidemment une autre portée à l’exercice. Il faut néanmoins différencier les objectifs. Le chantier dont il s’agissait là était celui d’une signature institutionnelle, ne valant que pour la collectivité, donc ni pour ses partenaires, ni pour le territoire. La démarche de Picardie ou des Pays de la Loire est beaucoup plus englobante.

Mais dès lors, quelle valeur ajoutée cette signature peut-elle bien apporter à la communication du Limousin ? Même si la signature a fait l’objet d’une enquête au sein de l’institution et s’appuie en outre sur d’autres enquêtes plus larges, quelle est sa portée ? De quoi est-elle l’expression ? L’absence de lancement semble symptomatique de ce travail. Le contexte et le moment de son adoption sont également signifiants. « Une chance à saisir » a été trouvée dans un contexte préélectoral, donc dans un moment d’incertitude (relatif). Elle a été adoptée immédiatement après les élections, donc dans un moment d’incertitude différent du premier, celui où tout est à bâtir. L’expression elle-même semble dire cela.

La Région est une chance à saisir, le Limousin a une chance à saisir, de l’extérieur, il peut être une chance à saisir mais l’institution régionale a aussi une chance à saisir.

En ce sens, la signature exprime donc plus une tension, une volonté qu’un résultat. Si elle apporte quelque chose, c’est bien à l’institution, non pas au territoire.

3 – Préconisations

a – La communication régionale

Le travail de positionnement qui a abouti à la signature ne peut se voir que comme la première étape d’un travail nécessaire de structuration de l’identité de marque Région.

En interne à la région, unifier l’image projetée de l’institution avec un positionnement fort qui s’exprime dans un plan de communication est un premier pas, essentiel pour l’image du Limousin. Le problème structurel du manque de plan de communication et d’évaluation des actions de communication du service communication de la Région interdit toute construction dans la durée. Sans objectif propre, il n’est pas positionné comme service stratégique mais comme service ressource (sa place dans l’organigramme) aux côtés de la logistique ou de la reprographie. Ce serait pour ce service l’opportunité de “reprendre la main” sur son domaine.

Il semble aujourd’hui impossible de délier l’institution du territoire. Un des acquis de la communication de la Région au fil des dernières années est justement d’avoir réussi à les associer. Le conseil régional a disparu derrière la Région. On peut donc s’interroger à nouveau sur le sens d’une signature strictement institutionnelle. Elle n’exprime pas une ambition ou un sens partagée, elle n’est pas l’objet de ce consensus que nous avons décrit comme le principal avantage de ce genre de démarche et elle est sans rapport à l’identité limousine. Rappelons encore que ce n’était pas la commande. Le bénéfice à tirer de cette signature est donc bien purement institutionnel. Le diagnostic sur lequel elle s’appuie le montre assez. La signature représente l’effort de l’institution pour se saisir elle-même, une conscientisation, avons-nous dit.

b – Créer une image

A l’extérieur du Limousin, défendre une image unifiée de la Région et donc mettre en cohérence l’ensemble des positionnements des structures appelées à projeter une image de la région, territoire et institutions réunis, est une seconde étape également nécessaire(98).

Se mettre d’accord sur un positionnement commun (même minimum) permettrait de produire un effet cumulatif pour gagner en notoriété(99) et améliorer et repositionner cette image non voulue par défaut de positionnement. Aujourd’hui, le Limousin, c’est avant tout la campagne et la vache, ce pourrait aussi bien être la qualité de vie.
Les différentes campagnes, les outils, les événementiels, pourraient s’enrichir les uns les autres, des actions communes pourraient être envisagées lorsque les cibles se recoupent…

L’identité interne très forte de la région contraste singulièrement avec son absence d’image externe. Il faut noter, car c’est méconnu, que le Limousin fait partie de ces régions ”identitaires” aux côtés de la Bretagne, de l’Alsace et de la Corse. C’est un levier que le futur positionnement ne peut pas négliger.

Comme le notait Dominique Roynette qui, après avoir conçu la “boite à outils” du positionnement, s’attaquait au marketing territorial, l’enjeu est loin d’être gratuit. Sa nécessité est bien “d’amener de la ressource supplémentaire”. Le Limousin a un PIB structurellement faible. Il représente 0,8% du PIB français alors que sa population se situe à 1,2%. L’enclavement relatif de la région ou l’âge élevé de la population ne peuvent plus justifier cette situation. La part du tourisme et le taux d’installation d’entreprises sont largement en dessous du poids démographique alors que de nouveaux indicateurs placent le Limousin en tête des régions françaises pour sa qualité de vie(100).

Bref, ce serait faire un premier pas vers un plan de marketing territorial pour donner un peu plus de visibilité au Limousin et structurer une image réellement voulue.

c – Aller vite et différencier la marque régionale

L’incertitude du contexte et les échéances à venir impliquent d’aller vite. La courte durée du mandat ne permet pas d’installer une action dans la durée. À partir de mars 2013, la Région rentre en période préélectorale ce qui interdit toute nouvelle opération de communication. En 2012, les deux campagnes, présidentielles puis législatives occuperont la scène institutionnelle et politique en Limousin comme ailleurs. La fenêtre de tir est donc extrêmement réduite et se ferme fin 2011. Nous avons pu voir avec les autres Régions que la structuration d’une image prend du temps, celui du diagnostic, de la mise en place de la marque et celui, plus long de son appropriation.

Dans la mandature 2004-2010, nous nous situions dans une stratégie d’installation de la marque Région Limousin. Aujourd’hui, encore trop mal connue de ses citoyens, elle doit mener une communication au service de ses produits et activités pour prouver son apport, montrer son indéniable valeur ajoutée. Il s’agit là d’une communication descriptive qui doit laisser la place à une stratégie de différenciation.

Surtout si on prend en compte un élément majeur du nouveau contexte qui doit conduire à accentuer la politique de communication régionale : la réforme territoriale à venir. La Région a maintenant trois ans pour se démarquer et montrer sa différence avec le conseil général sous peine de se voir « cantonaliser ». Les derniers développements de la structuration de la communication régionale sont très encourageants. La nécessité de faire du marketing territorial s’est imposée. Une agence de promotion du Limousin devrait voir le jour dans quelques mois. Le nouveau directeur du CRT compte faire dresser un portrait identitaire de la région pour établir une stratégie sur plusieurs années. Comme en Picardie, ce portrait pourra servir de base pour la structuration d’une communication régionale.

Conclusion partielle

La création d’une signature nous est donc apparue comme une stratégie possible pour répondre aux problématiques d’identification que notre seconde partie a dégagées. Notre hypothèse était que cette signature doit venir en appui d’une stratégie de communication complète. Celle-ci doit appuyer la différenciation qu’elle implique, faute de quoi elle perd toute possibilité d’impact.

Dans nos études de cas, nous observons que les Régions qui se sont servies du pouvoir identificateur de la signature sans avoir effectué une démarche complète pour la produire ne peuvent l’utiliser et l’abandonnent. Cette expression, que nous avons décrite comme un condensé de sens, se donne aussi à voir comme tel. Dès lors qu’il ne recouvre pas le sens qu’il promet, elle peut s’avérer être un « parasite » pour les messages.

Ce sont les Régions qui ont mené une démarche de longue haleine, convoquant des acteurs suffisamment significatifs pour donner l’assise nécessaire à leur travail, qui peuvent afficher une signature utilisable, bénéfique car crédible et signifiante. De fait, la signature apparaît comme un révélateur d’une démarche de communication. Elle n’est pas une fin en soi. C’est la production du sens qui lui confère sa valeur.

C’est sur ce dernier point qu’achoppe probablement la démarche du Limousin. La signature produite a certes permis d’effectuer un travail sur l’institution par l’institution mais elle n’est pas allée jusqu’au bout. Confiné dans l’institution, le travail sur la signature ne vaut que pour elle. S’il peut aider à la structuration d’une véritable politique de communication qui fait défaut à ce jour, il ne représente néanmoins qu’un premier pas dans le travail nécessaire à produire sur l’image régionale.

97 Pour l’explication de la signature, voir Annexe 2.
98 Pour le détail sur ce point, voir l’annexe 1.
99 Un quart de la population française n’associe le Limousin à aucune image, étude CRT Limousin 2009.
100 L’indicateur de santé sociale conçu par Florence Jany-Catrice, chercheure à l’Université de Lille III est une synthèse d’une vingtaine de chiffres (Gadrey Jean et Jany-Catrice Florence, 2005, Les nouveaux indicateurs de richesse, Paris, Editions La Découverte, Collection « Repères », 128 p.)

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