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Annexe n°3 : Entretien avec Boris VLADIC

Non classé

Durée de l’entretien : 35 minutes
Lieu de l’entretien : Aquarium Sea Life – Val d’Europe

Léo Grimaldi (LG) : Tout d’abord peux-tu te présenter brièvement?

Boris Vladic (BV): Je m’appelle Boris Vladic, actuellement je travaille pour le groupe Merlin Entertainment qui est le 2e opérateur de parc d’attractions dans le monde, derrière Disney. Je travaille sur le site de Val d’Europe à l’aquarium SeaLife où je suis responsable du marketing. Ce qui va plus t’intéresser c’est la partie avant. J’ai été pendant presque 1an community manager chez bein sport. Je me suis occupé de tout le lancement de la chaine sur les réseaux sociaux, de la chaine en elle-même, des émissions et de certains comptes de journalistes. Et avant ça je travaillais à la FFBB où j’étais chargé de communication et plus particulièrement des nouveaux médias notamment en lançant toute la présence de la FFB sur tous les réseaux sociaux. Je suis arrivé là-bas en 2007 il n’y avait rien c’était un peu les prémisses des réseaux sociaux de manière
générale et dans le milieu du sport surtout, et il n’y avait rien dans le domaine des fédérations à l’époque. Donc j’ai tout lancé, FB, Twitter, dailymotion, etc. Et je me suis beaucoup occupé de la communication de l’équipe de France masculine.

LG : Quel est ton rapport avec tout ce qui est Stade connecté?

BV : Il est double, tout d’abord parce que j’ai fait mon mémoire de fin d’étude sur l’exploitation commerciale des salles de basket, à l’époque on ne parlait pas encore trop de connexion des stades, c’était en 2007. J’étais vraiment sur les aspects commerciaux, comment un exploitant de stade peut gagner de l’argent.

Ensuite via les réseaux sociaux, cela fait maintenant presque 2 ans que les réseaux sociaux rentrent dans toutes les arénas sportifs qu’elles soient stades ou salles. Cela m’a beaucoup intéressé j’ai participé à beaucoup de colloques sur le domaine. Ce qui m’intéresse le plus dans les réseaux sociaux c’est ce qui se passe dans l’enceinte sportive.

LG : Peux-tu me parler de la situation des stades 2.0 en France ?

BV : En France pour l’instant c’est assez difficile d’en parler, même s’il y a des projets en cours, c’est quelque chose qui existe assez peu ou pas très bien. Aujourd’hui même au stade de France le soir d’un match, si tu veux poster une photo sur FB avec ton téléphone c’est impossible. Le tout début du stade connecté c’est juste d’avoir une connexion qui fonctionne correctement. Sans cela tu ne peux rien faire. Aujourd’hui c’est quelque chose qui manque en France, pouvoir se connecter gratuitement dans le stade.

Et moi quand je travaillais à la fédération de basket je me suis occupé pour le compte de la ligue féminine de basket de la webdiffusion de rencontre, on était les premiers à faire ça. La problématique c’était de se pointer dans des salles de basket d’environ 2000 places et de réussir à ramener une petite équipe de télé afin de pouvoir produire des images et de les envoyer sur internet, sur dailymotion ou autre. Le plus gros souci qu’on ait eu n’est pas un souci d’ordre financier, c’est le problème de la connexion. Donc il faut équiper la salle, ça coûte extrêmement cher, car tu n’es ni le propriétaire ni l’exploitant de la salle. Alors que ça pourrait se régler très facilement.

LG : Ça couterait combien d’équiper le stade de France par exemple ou une salle?

BV : Franchement je n’en sais rien, je ne suis pas sur le marché actuellement. Mais c’est quand même assez conséquent. Tu as d’abord tout ce qui est connectivité, les boxs, les routeurs, etc. Mais dès que tu vas vouloir aller un peu plus loin, activer un peu de jeux, tu vas devoir installer des écrans dans ton stade, les grands écrans au stade de France sont petits par rapport à des écrans aux USA (de centaines de m2). Il faudra aussi des écrans dans les coursives et aux abords du stade. Par exemple le stade des Dallas Cowboys aux USA, il y a des écrans absolument partout, pour la pub, pour voir les matchs, dans les restos, dans les buvettes… Au Qatar pour la coupe du monde il y aura un stade avec une façade qui va s’illuminer et changer de couleur en fonction de ce qui se passe dans le stade, par exemple un joueur qui prend un carton rouge, un but marqué… Cela, ça coute très cher ! Mais c’est un investissement et c’est quelque chose qui potentiellement sera monnayé.

LG : Selon toi à quoi est dû le retard de la France par rapport aux USA ou au Royaume-Uni ?

BV : Ça, c’est un vieux serpent de mer dans l’histoire des infrastructures sportives en France. La première genèse de ça c’est que la France a voulu faire très tôt du sport pour tous alors que notamment aux USA on a voulu faire du sport d’élite. Donc lorsque tu mets de l’argent pour construire des piscines municipales, des gymnases, des stades, des playgrounds, des cours de tennis… C’est autant d’argent que tu ne vas pas mettre pour construire un gros stade, un gros aréna fermé, un super centre de tennis comme RG, un circuit de F1… Des choses uniquement pour faire du sport professionnel (et bien sûr des concerts, des spectacles). La France a fait le choix du sport pour tous.

La 2e chose c’est que dans tous les pays angloPsaxons, il y a une grosse culture sportive qui écrase le reste de la culture. Alors qu’en France de par notre histoire, notre héritage (la tour Eiffel, Versailles, tous ces monuments historiques), les Français sont beaucoup plus attirés par la culture au sens large et artistique du terme, que par la culture sportive. Et donc dans les années 70P80P90, il y a eu beaucoup de constructions de zéniths en France. Le problème est que ce sont des salles en amphithéâtre, et pour faire du sport ce n’est pas du tout adapté. De la même manière vu que ça c’est piloté par le ministère de la Culture en France, à un moment donné il n’y a pas eu de concertations suffisantes entre les acteurs sportifs et culturels qui se sont dit : « faire des zéniths c’est complètement con, car on va pouvoir faire que de la musique, du théâtre. Alors qu’on pourrait faire une infrastructure pouvant accueillir les deux. » Donc on se retrouve avec de super zéniths, mais on n’a pas de grandes salles pour accueillir du sport. Aux USA tu as des super salles de concert comme le madison square garden, qui accueille les plus grands concerts, les Knicks…

LG : Est-ce que selon toi il y a des exemples de clubs ou d’infrastructures qui pourraient être suivis et applicables en France.

BV : Ouais il y en a plein, moi pour avoir travaillé dans le basket pendant un certain nombre d’années on a toujours le complexe de la comparaison avec la NBA, qui est stupide parce que ce n’est pas comparable. Même si on essaye toujours de faire un peu comme eux. En revanche beaucoup plus près de chez nous il y a des gens qui font du super boulot, en termes de salles déjà, par exemple en Allemagne, le handball qui est super fort, c’est le 2e sport derrière le foot. Il y a plein de salles qui font environ 10 000 places, en D1 hand en France ça n’existe pas. Les salles sont conçues pour faire du sport, même s’ils font autre chose dedans aussi. Tu as une capacité qui est suffisante pour générer assez de ressources de billetterie. Tu vas avoir dans ces salles des espaces prévues pour faire du marketing, des loges, des buvettes, des restos, des garderies pour les enfants, des boutiques de produits dérivés… bref plein de choses qui permettent de faire des actions commerciales et marketing dans l’enceinte. Après tout n’est pas à jeter en France, le SDF c’est un super stade, on peut dire ce qu’on veut , c’est vrai il a maintenant 15 ans, mais il y a les loges, les espaces de réceptions, une boutique, des buvettes. Par contre là où il y a à améliorer c’est au niveau connectivité. Là il y a vraiment un retard en France par contre par rapport à ce qu’on pourrait faire et ce qui est fait à l’étranger. C’est aussi un retard qui est dû à un manque de ressources humaines. Souvent les clubs manquent de moyens et n’ont pas les moyens de recruter un community manager par exemple pour faire quelque chose de sérieux.

En Angleterre l’aréna O2 à Londres est une des plus belles salles du monde (avec le madison square garden et le Staples center).

LG : Selon toi quel est l’avenir en France des stades connectés!? Est-ce que des salles comme l’O2 aréna c’est possible ?

BV : J’espère que oui, après c’est vraiment un problème de moyens financiers. Parce que l’O2 à Londres c’est un investisseur, AEG (plus grosse compagnie mondiale de gestion de salle) qui participe au financement. Aux USA c’est un peu particulier parce que les mairies participent pour la totalité ou presque au financement de la construction des stades. Contrairement aux idées reçues, les salles aux USA sont souvent municipales. Après des financeurs privés viennent compléter, mais souvent c’est la mairie ou l’État qui est à la base de la construction d’une salle. En France il va falloir trouver les ressources financières pour construire. Malheureusement les exemples récents, notamment ceux de l’ASVEL, cela fait déjà 2P3 fois qu’ils repoussent leur projet de salle.

Je suis assez pessimiste, perplexe sur le devenir des enceintes connectées en France. Après ce qui va y avoir dans un délai assez court, c’est tout ce qui va avoir attrait au foot avec l’Euro 2016, des stades vont être rénovés, le vélodrome, le parc des princes, potentiellement le stade des lumières à Lyon. Je ne pas croire une seule seconde qu’ils ne prennent pas en compte la connectivité des stades à ce moment. Ils feront des choses pour la gestion de la billetterie, le marketing, l’interactivité avec les fans… Après dire que cela va être généralisé à l’ensemble des clubs de L1 par exemple, je pense que c’est peu ambitieux.

LG : Est-ce qu’en France le spectateur lambda veut d’un stade connecté en priorité ?

BV : Je pense qu’on est assez différent de ce point de vue-là du consommateur américain. Quand tu vas voir un match aux USA, tu as beaucoup de gens qui font autre chose à côté, ils font parler, se prendre photo, manger, diner dans un resto, acheter un maillot, dans les coursives du stade… bref, ils font plein de trucs et le match c’est finalement un peu secondaire. Tu as notamment les matchs de baseball qui durent des heures, c’est super long, et fondamentalement ennuyant. Mais par contre les américains ça leur occupe tout leur dimanche, ils se pointent au stade avec le barbecue dans le coffre, sur le parking du stade ils sortent le barbecue, ils mangent, puis ils vont voir le match pendant 4P5 heures.

Et puis c’est long tu n’as pas besoin d’être super attentif, ce n’est pas comme un match de hand ou tu as 2 fois 30min. de ce point de vue-là nous français et européens on est assez différent parce que quand on va dans un stade on y va pour voir le match. Donc il est vrai que probablement en France tu vas avoir moins de gens qui passent leur rencontre avec leur téléphone en train de prendre des photos, de tweeter, etc. donc ça ça sera à prendre en compte. En revanche je pense qu’il y a plein de trucs faisables, typiquement ça va être… Tu as beaucoup de gens qui en arrivant au parc des princes par exemple se prennent en photo avec le parc derrière et la mettent sur Facebook. Ou parce que je suis super proche de la pelouse je vais prendre une photo d’un joueur à l’échauffement. Ça, tout le monde le fait et je pense que c’est pour ces chosesPlà qu’il faut connecter les stades. Et de la même manière à la miPtemps, en France c’est un moment super chiant.

Tu as tous les gens qui vont aux toilettes ou à la buvette, les toilettes sont dégueulasses et c’est la queue, la buvette c’est super cher et tu as aussi une queue incroyable. Ou alors tu restes à ton siège, ouais tu as une petite animation, tu vas avoir les poussins du club qui font un match, au basket c’est tir du milieu de terrain, des pomPpom girls ou autres… Peut-être que là il y a quelque chose à faire pour faire jouer le public, est ce qu’on peut pas à la miPtemps faire un concours de tweets avec un hashtag et le tweet est envoyé sur un écran géant, ou alors une sorte de tombola 2.0 avec une géolocalisation dans le stade, en fonction du siège sur lequel tu es assis, il faut jouer avec ton portable. Bref il y a plein de trucs à imaginer et beaucoup de progrès à faire.

LG : Donc surtout avant, à la mi-temps et après le match ?

BV : Ouais ! parce que le pendant c’est assez dur, un truc que tu peux avoir je pense, c’est un apport au niveau des stats qu’on puisse consulter en temps réel depuis son téléphone, ou alors voir un ralenti. En France dans la plupart des sports il n’y a pas de ralentis pour des raisons d’arbitrage. Et là j’y crois au truc. Faire plus pendant le match ça me paraît compliqué. Et en France on n’est pas assez expert pour apprécier la finesse des stats.

LG : Est-ce qu’il y a déjà eu des études de faites concernant les attentes des spectateurs de manière générale ?

BV : Ouais il y en a, mais elles ont toutes un gros biais, c’est qu’elles sont faites par les gens qui ont un intérêt à la connectivité dans les stades. Tu as l’entreprise Cisco System, c’est la plus grosse société du monde qui équipe les entreprises en télé communication, et ils ont un département cisco sport qui équipe les stades et les arénas. Donc évidemment qu’ils vont produire des stats et des études pour montrer à un club ou à une franchise US que les spectateurs ont envie d’un stade connecté. Si tu reprends ces stats là, il faut bien les nuancer.

LG : Donc il n’y a pas eu d’études sur les attentes des spectateurs en général ?

BV : Non il n’y a pas encore eu d’étude universitaire complètement neutre.

LG : Et bien merci beaucoup de m’avoir aidé.

BV : Je t’en pris.

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