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Annexe 6 A : Entretien E1

Non classé

Mercredi 20 Mars 2013 1 9h
École Willingdon

A : Enquêteur
C : Madame C

1 A : Alors, comme je le disais, pour commencer par vous, j’aimerais savoir depuis combien de temps vous habitez à Montréal. Est-ce que vous habitez Montréal ?

2 C : Oui j’habite à Montréal depuis 1993, je viens d’Ontario, et j’ai déménagé ici pour travailler… alors ça fait vingt ans que je suis ici

3 A : D’accord, ça fait vingt ans que vous êtes ici et vous venez de l’Ontario.

4 C : C’est ça.

5 A : … et vous êtes née en Ontario ?

6 C : Oui

7 A : D’accord… et est-ce que vous êtes né dans une ville anglophone ou francophone ?

8 C : Complétement anglophone, alors c’est un petit village près d’Ottawa … et puis toute ma vie j’habite en anglais, je vis en anglais, j’ai étudié le français à l’école, mais… vraiment ce n’est pas des bons cours de français c’est… c’est un français de base que nous avons appris, alors… j’ai étudié le français aussi à l’université, c’est plus… c’est plus difficile là, mais c’est un niveau plus élevé de français alors j’ai appris plus de français là et après déménagé à Montréal ben… je suis des cours de français ici, et aussi, on a habité ici, tu apprends la langue aussi alors… ça, c’est un peu mon français

9 A : D’accord… et qu’est-ce qui vous a décidé de venir au Québec et puis à Montréal ?

10 C : J’ai eu un emploi, je travaille… au journal de Gazette ici le journal anglophone, alors j’ai eu un emploi ici alors j’ai déménagé ici.

11 A : D’accord et… donc j’imagine que votre scolarité, vous me dites, vous avez appris un peu en anglais pendant les primaires aussi. Est-ce qu’il y avait un programme enrichi ?

12 C : En français ?

13 A : Oui

14 C : Pas enrichi je dirais, en primaire je pense que c’était peut être un… deux classes la semaine… En école secondaire, le français c’est un choix, nous pouvons l’étudier si nous voulons… alors je l’ai pris… parce que mes parents m’ont demandé de le faire. Il y avait un programme d’immersion à mon école secondaire, mais mon français n’était pas assez bon pour… suivre des cours en français comme la littérature française. Je pense aussi c’est l’histoire peut être qui était enseigné en français… Alors qu’est-ce que j’ai fait, c’était cours de français… comme un cours de mathématique ou un cours d’anglais, alors c’est un cours de français que j’ai suivi.

15 A : Et c’est plutôt vos parents ou est-ce que c’est vous qui avez décidé d’apprendre un peu plus le français

16 C : En école secondaire ?

17 A : Oui

18 C : C’est mes parents.

19 A : C’est les parents.

20 C : Ce n’est vraiment y a pas une culture là de… où le français est apprécié comme cours, alors… y a d’autres choses là que j’ai voulu étudier donc je n’ai pas vraiment aimé le fait que j’ai du pris le français… Maintenant oui, parce que sinon je n’ai pas eu cette base de français là, mais… ce n’est pas vraiment une culture là qui est apprécié pour promouvoir le français.

21 A : Et est-ce que c’était difficile l’apprentissage du français en secondaire ?

22 C : Oui parce que… ben, c’était une classe de français alors tu es là pour probablement une heure de français je dirais, une heure par jour et ça, c’est seulement pour une moitié de l’année… et puis on était avec une prof, on étudiait beaucoup des verbes… mais on est pas dans des situations où nous pouvons pratiquer… parler le français, alors… et le français qu’on a appris c’est vraiment un français de base, c’était un français… comment est-ce que je peux le décrire ?… Ben académique là, quand je viens au Québec ce n’est pas de cette façon que les québécois parlent le français alors… et avec mon accent anglais que j’ai toujours, tout le monde essaie de… tout le monde ont commencé à parler l’anglais quand j’ai essayé de parler le français alors… on a pas l’opportunité de pratiquer… le français.

23 A : Et alors, finalement, quel souvenir vous gardez de votre scolarité en primaire et puis en secondaire ?

24 C : J’ai pas tellement des… des mémoires en primaires, je… peut-être on a appris comme des chansons, des petites choses comme ça, et puis… en secondaire c’était… ben j’ai appris des verbes alors… ça c’était bon, mais ce n’est pas quelque chose que j’ai… j’ai aimé (fort), ce n’est pas un cours que j’ai adoré, je n’ai pas avalé un cours de français… alors… ce n’est pas vraiment une expérience positive.

25 A : D’accord, oui c’est ça, c’est pas un bon souvenir.

26 C : Non, non je dirais, mais aussi ce n’est pas un programme d’immersion, c’était un cours là par jour et c’était… vous êtes dans une… j’étais dans un monde complètement anglophone alors y a pas vraiment des places où tu peux pratiquer. Le prof que j’ai eu, c’est quelqu’un qui était plus vieux , il avait pas beaucoup d’énergie… On a une année, on a eu une prof plus jeune qui est venue de Montréal. Ça c’est intéressant parce qu’elle a eu plus d’énergie et puis… mais en même temps, c’est toujours, moi je n’ai pas apprécié le français plus que ça, c’est juste “ho, c’est un prof qui est plus intéressant que l’autre”, tu sais

27 A : Et puis comme vous disiez le… en dehors de l’école, y a pas d’occasion de parler français vraiment.

28 C : Non. C’est plate parce que mon père est francophone. Oui, mais… ma mère est anglophone, elle ne parle pas le français alors à la maison on a seulement (fort) parlé… l’anglais. Alors… ça c’est quelque chose que… moi je trouve ça triste un peu que mon père n’ait pas parlé le français à la maison parce que s’il a fait ça, je serai complètement bilingue, je serais comme Jean Charest… changé d’une langue à l’autre pas de problème tu sais, mais… comme elle n’a pas appris le français, elle ne comprend pas rien du français, ils ont décidé d’habiter en anglais. C’est toujours comme ça, il parle français… rarement mon père.

29 A : Ils sont toujours en Ontario ?

30 C : Oui, c’est ça

31 A : Et donc votre père qui est francophone il vient de quelle région ?

32 C : Il vient du Québec. Sa famille vient du… du Gaspé et des Laurentides, mais son père a travaillé pour… l’armée, mais les forces canadiennes et il est pilote, pis ils ont déménagé beaucoup beaucoup beaucoup alors… pour mon grand-père c’était important pour ses enfants d’apprendre le français et l’anglais parce que, dans une famille militaire, tu ne sais pas où tu seras dans 2, 3 années alors… mon père et ses frères et sœurs ils sont complètement parfaitement bilingues… parce qu’ils ont étudiaient à Edmonton, et aussi à Lachine alors ils ont fait le tour du pays un peu… alors… ça c’est comment mon père a appris l’anglais. Et il habite en Ontario alors il n’y a pas vraiment des places là pour… pour lui parler français… Il habite dans l’est d’Ontario près de Cornwell… maintenant… et ça c’est juste de l’autre côté de la frontière. Et puis maintenant y a beaucoup beaucoup de québécois qui ont déménagé là et pis… maintenant y a plus de… du monde qui parle français, ils ont des services en français maintenant, à la municipalité par exemple, des écoles, bibliothèques, et ce n’était pas comme ça quand moi j’étais jeune, c’est vraiment anglophone d’abord.

33 A : Et qu’est-ce que vous pensez de cette évolution vers plus de français… à l’endroit dont vous me parlez en Ontario ?

34 C : Mais là, qu’est-ce que c’est la… ?

35 A : Vous me disiez il y a plus de français maintenant. qu’est-ce que vous en pensez que le fait que maintenant il y ait un peu plus de français ?

36 C : Moi j’pense que c’est bon parce que je pense qu’apprendre… les langues… c’est merveilleux, c’est le meilleur de… plus de langues que tu connais, c’est bon pour toi, tu peux aller n’importe où… Alors moi, et je pense aussi… parce que ça, c’est vraiment une région anglophone, y a beaucoup de… comment je dirais ? … Pas de suspicion, mais y a des tensions un peu… avec… le Québec. C’est les gens là-bas sont vraiment les Canadiens là, ils adorent le Canada et puis toute la question de la séparation du Québec c’est quelque chose qu’il n’a pas alors y a de… des… je dirais une tension un peu… Alors je pense que le… toujours maintenant avec… l’exode de Français, de québécois qui sont là c’est des gens qui sont la retraite, les taxes sont moins bas en Ontario qu’au Québec alors y a… vraiment les gens qui sont dans la cinquantaine, la soixantaine, qui ont déménagé là… Et on voit des tensions qui sont toujours là. Moi je pense que c’est peut-être c’est un peu… mieux que depuis… 20 ans… Les gens commencent à se comprendre un peu plus, mais y avait une affaire avec un hôpital où ils ont demandé aux infirmières des nouvelles infirmières qui vont travailler là d’avoir une connaissance du français… parce que y a pas beaucoup de monde qui parle le français alors y avait comme une backlash1, les gens qui n’ont pas aimé ça, ils ont dit “ah l’Ontario, ce n’est pas une province bilingue, on a pas besoin de demander les gens de savoir le français pour travailler ici. Alors, tu vois, y a toujours ce type de dimension et
moi je pense que si… je pense que c’est important pour les Canadiens de comprendre… de parler 2 langues. C’est un pays bilingue. Alors, je trouve ça un peu triste.

37 A : Et quand vous êtes arrivés au Québec, donc il y a 20 ans, est-ce que l’intégration s’est bien passée ? Comment ça s’est passé ?

38 C : Moi j’ai… je n’ai pas eu beaucoup de difficultés ici, mais moi je travaille en anglais presque toute la journée. Pas toute la journée, mais j’écris en anglais, je fais de la recherche en anglais, j’ai fait des entrevues en français parce que… habiter à Montréal quand tu veux parler avec le président d’une compagnie ou avec le porte-parole d’un groupe environnemental, il faut le faire en français , c’est la langue du travail ici. Alors j’ai pas trouvé ça difficile avec les gens sur la rue de mon quartier, mon voisin, tout était correct. J’ai pas eu de problème du tout… Mais j’habite dans un quartier anglophone, j’habite ici à Notre-Dame-de-Grâce et c’est possible, à ce point-là, c’était possible de vivre presque tout le temps en anglais, même quand tu dois parler avec quelqu’un du gouvernement. Et si tu parles de parler anglais, si je cherche ma carte de santé ou un renouvellement du permis de conduire, tu peux le faire en anglais. Je peux le faire en français aussi, mais… on peut avoir des services en anglais aussi alors… magasiner, y a pas de problème, j’ai trouvé l’intégration, c’était facile. Peut-être si je me suis déménagé à Laval ou à Longueil, peut-être à Trois Rivière, ça serait complètement différent, mais à Montréal, dans un quartier anglophone, j’ai trouvé ça, de toute façon, c’était correct.

39 A : Alors pour revenir sur l’anglais et le français, est-ce que vous auriez deux adjectifs à me donner sur la langue anglaise ?

40 C : Ben, je dirais… Ça c’est une question difficile là (rire) Je dirais, c’est… des adjectifs (voix basse)…/…je sais pas…. C’est une langue qui est importante, essentielle je dirais dans le monde alors je dirais que c’est essentiel, parce qu’il faut comprendre l’anglais pour travailler dans le monde je dirais… puis… c’est quoi l’autre… Ici au Québec je dirais… peut-être … controversée, un peu, maintenant (fort). Alors peut être ça c’est les… Alors c’est ça, c’est essentiel, mais c’est une controverse maintenant de… de l’apprendre… ou de… de le parler je dirais aussi dans certaines circonstances.

41 A : Est-ce que vous pourriez faire la même chose avec le français ?

42 C : Le français… ah OK, le français je dirais, c’est une… C’est différent parce que c’est ma deuxième langue, alors je dirais, c’est une langue… c’est une belle langue… ah c’est drôle hein j’ai dit belle pour le français (rire), et essentielle pour l’anglais. C’est une belle langue et puis l’autre chose que je dirais… je dirais que c’est une langue menacée aussi… C’est complètement différent hein ? Parce que si j’étais francophone probablement je dis des adjectifs complètement différents pour les deux.

43 A : C’est pas facile de donner des adjectifs comme ça. Je reconnais que c’est pas facile… quel regard vous portez aujourd’hui, ou peut-être que ça a évolué, sur la culture Québécoise ?

44 C : … (soupir) ben la culture Québécoise, ça… c’est une culture que je connais pas très bien. Je connais des exemples. Je ne suis… Ça, ce n’est pas ma (fort) culture à moi. Moi, j’ai… je dirais, j’ai… je fais partie de la culture montréalaise parce que je pense que Montréal c’est différent du reste du Québec. Il y a une culture ici qui est très différente de qu’est-ce qu’on trouve à Sherbrooke par exemple. Mais je pense que si on regarde la culture Québécoise, la musique, je connais les musiciens, les comédiens, j’écoute les émissions de télévision, je suis une grande partisane des Canadiens*. Alors je suis dans la culture, mais ce n’était pas ma culture directement. J’écoute les émissions, les films en anglais, les livres en anglais. Je lis les livres en français aussi, et aussi les journaux, mais je vais plus vers l’anglais toujours.

45 A : Et avant de venir au Québec, est-ce que vous aviez… qu’est-ce que ça représentait pour vous le Québec avant de vous installer ici ? Est-ce que vous aviez déjà des idées ?

46 C : J’ai des idées parce que nous avons habité près de la frontière alors nous sommes venus à Montréal des fois, alors ce n’est pas un endroit étrange, ce n’est pas un mystère, je connais le Québec. Ma famille vient du Québec aussi, alors on a visité ma grand-mère qui habite dans les Laurentides alors je connais le Québec un peu. Mais ce n’est vraiment pas une connaissance profonde… C’est un peu comme notre voisin, c’est un peu comme les États Unis. Alors c’est pas un autre pays, c’est une partie de notre pays, mais ce n’est pas à nous, c’est une autre province. Je l’ai regardé un peu comme n’importe quelle province au Canada, mais c’est une province avec une langue différente, et où j’ai de la famille.

47 A : Est-ce que vous étiez content de savoir que vous alliez venir ici ?

48 C : Maintenant ?

49 A : quand vous êtes arrivée…

50 C : Ah oui Parce que moi, à ce point-là, j’habitais à Ottawa, c’est une ville plate… alors, c’est vraiment plate là-bas (rire). Alors j’ai voulu venir à Montréal, c’est une grande ville, y a des choses à faire, j’ai des amis aussi ici, et j’ai un emploi. J’ai étudié pour être une journaliste alors d’avoir un emploi dans un journal, c’était vraiment quelque chose, alors j’étais vraiment heureuse de venir ici.

51 A : Et aujourd’hui vous êtes satisfaite de votre vie.

52 C : Oui, oui, oui. Y a des moments maintenant où ça commence avec les tensions linguistiques, je dis OK… Je ne pense pas que je vais quitter le Québec, mais j’ai… depuis les derniers mois, j’ai commencé à penser quitter le Québec. Je ne pense pas que je vais le faire, mais c’est une possibilité que je considère maintenant.

53 A : Pourquoi ?

54 C : Parce que ça fait 20 ans que je suis ici. J’ai 3 filles. Les deux plus vieilles sont dans une école française. Ma petite va à une école française l’année prochaine. J’habite… Je travaille… Plus que la moitié de la journée en français, je peux faire des entrevues, toutes les choses que je dois faire comme journaliste, je peux les faire en français, on paie des taxes ici… Alors quand on entend les gens qui disent “tu ne peux pas parler l’anglais à Montréal”. Même si tu veux acheter un ticket pour l’autobus ou le métro, il faut le faire en français, on ne peut pas demander aux gens d’être capable de parler l’anglais, je trouve ça difficile. Pas difficile, mais je trouve ça triste un peu. Je ne veux pas vraiment déménager ailleurs. Je ne peux pas m’imaginer habiter à Toronto, à Ottawa. Ça va être plate d’être là… une langue… ha.. je ne peux pas m’imaginer habiter là-bas après être à Montréal. Mais, je trouve ça triste qu’est-ce qui se passe maintenant. Je comprends pourquoi ça se passe, mais je trouve ça triste.

55 A : Et c’est de plus en plus pour vous ? Vous avez l’impression que c’est de plus en plus difficile ?

56 C : C’est juste depuis le dernier année. Je dirais que c’est quelque chose qu’on entend tout le temps. Et je ne veux pas parce ce que, vous connaissez, on a vécu l’expérience des 2 référendums, est-ce que vous venez du Québec ?

57 A : De France

58 C : De France. Alors c’était vraiment, en 95, le dernier. C’était vraiment difficile, c’était stressant, c’était… Les résultats sont serrés, les gens se chicanent tout le temps, y a toute une discussion concernant : est-ce qu’on va… est-ce que Montréal va séparer du Québec ? C’était vraiment quelque chose que je ne veux pas revivre. Et avec qu’est-ce qui s’est passé récemment, c’est comme… on revisite un peu qu’est-ce qui se passé durant le dernier référendum et je ne veux pas suivre cette piste-là.

59 A : D’accord. Alors pour revenir sur l’école Willingdon, vous avez décidé donc un jour d’inscrire votre fille ici ? Comment ça s’est passé son inscription ? Est-ce que vous saviez que Willingdon était un programme en immersion ?

60 C : Oui. Ma fille qui est ici maintenant, c’est ma plus jeune fille. J’ai 3 filles. Alors, avec la plus vieille, elle est venue à Willingdon aussi pour faire… ben, on a pensé qu’elle va étudier ici pour tout son primaire. Alors on a su que c’était un programme d’immersion… et on a choisi Willingdon parce que c’est une… on a entendu des bonnes choses de l’école, y a des programmes d’enrichissement, y a le programme d’immersion, on a discuté avec les autres parents qui ont eu des enfants plus âgés qui étudiaient ici alors c’est une école avec une bonne réputation, alors on a décidé d’inscrire notre fille ici. Puis tout était correct pour la et la première année. C’était presque tout en français, mais on a remarqué que dans la cour, c’est normal, c’est une école d’anglophones. Dans la cour à la période de diner, même dans quelques classes, les enfants, les profs parlent anglais, alors, mon expérience avec un père francophone qui n’a pas parlé français à la maison et…. comment c’était un défit d’apprendre le français comme une adulte parce que c’est essentiellement qu’est-ce que j’ai fait, et mon mari aussi, on a discuté ça que peut être ce n’est pas la meilleur place pour apprendre le français et être capable de s’intégrer dans la culture Québécoise pour nos enfants. Alors, après la première année, on a décidé d’envoyer notre plus vieille à une école française. C’était correct. Son niveau de français était excellent, elle s’intégrait bien dans l’autre école, alors on a envoyé notre deuxième fille directement dans une école française. C’était plus difficile pour elle. Elle a connu un peu de français, mais pas assez pour être dans une école française, alors la maternelle, c’était vraiment difficile pour elle. Alors, avec notre troisième fille, on a appris des choses (rire), alors on a décidé que Sabrina vient ici pour la maternelle. C’était un programme préscolaire qui était la majorité de la journée en anglais alors… son français, elle a appris du français mais ce n’était pas assez pour une école français, alors on a dit “OK, on va envoyer Sabrina pour la maternelle, on va apprendre le français”, parce que c’est une immersion totale. Après ça, elle va aller à une école française, mais l’école de français de notre quartier était pleine pour cette année alors elle est revenue pour la première année, mais l’année prochaine elle sera dans une école française.

61 A : D’accord, donc en 2ème année, dans une école francophone.

62 C : Oui, c’est ça. Exactement.

63 A : Donc de la Commission scolaire…

64 C : De Montréal. C’est une autre école de quartier ici à NotreADameAdeAGrace.

65 A : Est-ce que vous êtes d’accord avec votre mari sur ces choix que vous faites ? Est-ce que vous êtes tous les deux d’accord ? Parce que lui, étant francophone…

66 C : Non, il n’est pas francophone. Il est Montréalais. Il est Italien, allophone alors. Alors… mais lui, il a étudié dans le programme d’immersion, ici, à Saint Laurent, dans la ville de Saint Laurent, et il pense que son français n’est pas… adéquat, je dirais, et nous deux nous travaillons comme journaliste, alors il vit la même expérience que moi et nous, les deux, pensons que c’est important pour nos filles de vraiment, d’aller à une école française, comme ça, elles seront intégrées dans la culture. On le voit avec notre plus vieille. Elle a 13 ans, puis elle est complètement intégrée dans la culture Québécoise (voix basse).

67 A : Même si vous imaginez, comme vous le disiez tout à l’heure, que peut-être vous allez déménager, changer peut-être de province ?

68 B : Oui, mais à la maison, on parle l’anglais. Nos enfants lisent les livres en anglais, écoutent la radio en anglais, y a pas de problème là-bas. Ben, quand elles écrivent en anglais, elles font des fautes, mais c’est normal, ce n’est pas une langue qu’elles étudient à l’école. C’est vrai maintenant avec la plus vieille en école secondaire, elle suit des cours d’anglais avancés, alors ça c’est vraiment où elle apprend la grammaire, les verbes, tout ça, alors ça améliore beaucoup cette année. Alors, j’ai pas de crainte du tout, et même pas du tout du tout. Si, c’est un gros “si” (rire), je ne pense pas que je vais déménager, je pense que la situation ici doit devenir pire pire pire, mais elles ont l’option, non, pas l’option, mais elles ont la connaissance. Si on quitte le Québec, pas de problème pour elles.

69 A : Mais si on quitte le Québec, le français serait moins utile.

70 B : Je pense que non, non, pas du tout. Parce que, ben, ce n’est pas une langue qui sera parlée tout le temps, mais si les filles veut aller à l’université française, elles ont une connaissance de la langue, ce n’est pas un problème, elles peuvent revenir pour étudier. Ou ailleurs en France, ou étudier en France. C’est la chose comme ça. Mais elles suivent aussi des cours d’italien les fins de semaine depuis quelques années alors elles parlent, non, elles comprennent les 3 langues. La plus vieille est capable de parler l’italien et d’écrire l’italien, j’imagine que les autres seront dans la même situation dans… 5, 6 ans. Et la plus vieille étudie l’espagnol alors. Pour moi là, je pense qu’apprendre les langues, ça va juste vous aider, ce n’est pas une… moi je ne pense pas
qu’il y a des choses négatives là d’apprendre plus qu’une langue. Alors même si on quitte le Québec, ben, on va chercher des écoles d’immersion ou bilingues, des choses comme ça pour que les filles suivent l’éducation en anglais, en français.

71 A : Est-ce que vous voyez d’autres avantages à connaitre plusieurs langues, déjà l’anglais et le français ? Déjà pour le côté pratique de connaitre plusieurs langues, est-ce que vous voyez d’autres avantages ?

72 C : Oui, parce que, apprendre une autre langue, ça vous donne… c’est comme une voiture aux autres cultures aussi. On va aller en Italie, mon mari est Italien, alors on va en Italie cet été avec les filles. Elles comprennent déjà un peu l’italien, elles comprennent ou connaissent un peu la culture, alors ce n’est pas juste arrivé dans une ville étrange, c’est quelque chose avec laquelle elles ont un peu de familiarité déjà. Et ma fille maintenant avec l’espagnol, elle a toute une curiosité concernant les pays espagnols, les pays où ils parlent l’espagnol. Alors, je pense qu’il y a aussi ce côté-là, pas pratique là, mais ça donne une ouverture, une curiosité aux enfants aussi.

73 A : Est-ce que vous pensez que le programme en immersion, ça serait pas plus difficile pour un enfant de suivre un programme en langue seconde ?

74 C : Pour mes enfants, je dirais non. Elles non. Elles trouvent l’école facile. Mais je pense que peut-être pour des enfants qui ont de la difficulté, qui peut-être ont des défis quant aux apprentissages, peut-être ça va être plus difficile. Mais on a pas eu cette expérienceAlà, mais je sais qu’il y a des enfants qui ont de la difficulté dans des programmes comme ça (voix basse).

75 A : Jamais vous n’avez pensé d’inscrire vous enfants dans une école en anglais ?

76 C : Non, ben y a pas vraiment d’option ici. Y a des écoles bilingues, des 50%, mais je dirais à la fin de la 6ème année, je pense que c’est le même montant de français parce que c’est bilingue, pour les 7 ans que les enfants sont là. Alors, non non, jamais on n’a pensé à ça. Ben je sais qu’il y a des écoles privées, mais même dans les écoles privées, je pense que le français est enseigné aussi.

77 A : C’est ça c’est plus ou moins enrichi en français… J’aimerais avoir votre impression sur ce graphique que j’ai trouvé sur “Statistiques Canada” qui présente l’évolution des inscriptions en immersion chez les élèves qui sont admissibles à s’inscrire. Alors ça, c’est le Canada en général.

78 C : Je pense que c’est plus haut maintenant.

79 A : Oui, c’est ça. Ça s’arrête un peu tôt.

80 C : Oui, ben je pense que ça (elle montre du doigt l’année 1978) c’est quand les programmes d’immersion français ont commencé. Je pense, parce que mon mari était jeune, il était né en 66, parce qu’il a suivi des cours d’immersion en école secondaire. En tout cas, moi je… ça, c’est pour tout le Canada ?

81 A : Ça c’est pour tout le Canada oui.

82 C : Je sais qu’il y a beaucoup d’intérêts. C’est intéressant que ça devienne une ligne plus plate ici (elle montre du doigt l’année 1990), mais ça peut être aussi une question que si les cours sont disponibles. Je sais qu’il y a des listes ailleurs, y a des listes d’attente. Ma sœur habite en Ontario, elle est venue envoyer son fils à une école avec immersion, pis y a une liste d’attente. Ils ont demandé qu’un des 2 parents soit francophone ou connaît le français très bien avant d’envoyer un enfant là-bas. Alors je sais qu’il y a comme des barrières. Alors peut-être ça peut expliquer ça.

83 A : Alors la limite (je montre doigt l’année 1990), elle serait plus au niveau de “y a pas assez d’offres”.

84 C : Je pense que c’est ça. Parce que, quand j’entends, je vois des articles d’ailleurs au Canada, y a des listes d’attentes pour les cours de français, pour l’immersion, parce que les parents ont l’impression que c’est comme un programme enrichi, alors tout le monde pense que leurs enfants sont les plus intelligents, alors ils vont (rire), ils doivent être dans les programmes d’immersion. Mais je pense que c’est ça, c’est une question d’offre, et aussi, d’avoir des profs qui soient capables d’enseigner en français ailleurs qu’au Québec.

85 A : Vous dites que les inscriptions en immersion, c’est… chez les gens, c’est peut-être lié au niveau d’intelligence de leurs enfants. C’est valorisant.

86 C : Oui. Ben, c’est récemment que j’ai lu un article concernant, je pense que c’était à Toronto ou Vancouver je ne me souviens plus où exactement ça s’est passé, mais c’est des parents, ou peut-être quelqu’un de l’administration d’une commission scolaire qui a dit que les parents ont l’impression que les programmes d’immersions, ce sont des programmes enrichis. Alors ce sont des gifted.program2, comment on les décrit ici, alors c’est pour des enfants qui sont très intelligents, qui sont capables de faire beaucoup plus que ce qui est enseigné dans les cours réguliers. Alors ils voient les programmes d’immersion comme ça, alors ils veulent que leurs enfants suivent ces programmesAlà.

87 A : Est-ce que vous pensez qu’ici, à Willingdon, c’est le cas aussi ?

88 C : Les parents pensent ça ?

89 A : Oui.

90 C : Je pense qu’ici c’est différent. quels sont les choix pour les parents au Québec ? Si tu as le certificat de… j’ai oublié le terme exactement là, mais… comme nous nous avons ce certificat parce que moi j’ai étudié en anglais, j’habite en Ontario, mon mari a étudié en anglais alors, nous pouvons envoyer nos enfants à l’école en anglais. Si on a le choix, je pense que c’est complètement différent. C’est pas comme s’il y a des écoles publiques anglophones où tu peux envoyer tes enfants. Le choix c’est une école bilingue ou d’immersion, alors je ne pense pas que, d’après moi, on a cette même perception ici.

91 A : Je pense qu’il y a des écoles anglophones qui sont en anglais avec un programme en français plus ou moins enrichi.

92 C : Ici, au Québec ?

93 A : Oui. quand on regarde la liste dans les commissions scolaires, il y a des écoles bilingues, en immersion, et puis anglaises.

94 C : Toujours ?

95 A : Oui.

96 C : Ha, j’ai pensé qu’il y en avait plus des écoles anglaises.

97 A : Alors, il y a de l’enrichissement en français, mais qui n’est pas au niveau d’une école bilingue.

98 C : Ici, à Montréal ?

99 A : A Montréal aussi oui.

100 C : Dans la Commisssion Scolaire English Montreal, est-ce que ?

101 A : La commission scolaire English Montreal, oui oui. quand on va dans le site internet. Il y a 3 types d’école : bilingue, immersion, et puis anglaise.

102 C : Ça peut pas être des grandes écoles.

103 A : Alors justement, peut-être que comme vous disiez, ce sont des parents… en fait, j’ai pas vraiment d’idée pour quelles raisons ils inscrivent leurs enfants dans une école anglaise.

104 C : Ce n’est pas pour des enfants qui ont de la difficulté d’apprentissage ?

105 A : Peut-être .

106 C : Peut-être . Parce que, quand je pense aux gens que je connais, où leurs enfants n’ont pas du tout de difficultés à l’école. Je connais personne qui envoie leurs enfants à l’école anglaise. Tout le monde voit les avantages que les enfants vont avoir, d’avoir appris le français.

107 A : D’être bilingue.

108 C : Ben, pas nécessairement bilingue parce que, quand je vois les enfants qui quitte les écoles d’immersion, je n’ai… (soupir) c’est difficile, je ne dirais pas, quand je vois ma fille qui a quitté une école française, qui est complètement à l’aise dans les 2 langues qu’elle parle… elle parle comme des adolescentes Québécoises de souche là, tu sais avec “genre” et tu sais, elle a toute la langue, elle est complètement bilingue. Et je vois les enfants qui quitte Willingdon et les autres d’immersion, les enfants comprennent la langue, mais ils ne sont pas nécessairement à l’aise à parler l’anglais, sont pas intégré vraiment dans la culture Québécoise je dirais. Alors, c’est différent.

109 A : Mais vos enfants, en dehors de l’école, ils socialisent en français.

110 C : Ho oui bien sûr.

110 A : Ils ont des activités en français.

111 C : Oui. Ben, juste faire les leçons de natation, c’est tout en français. Elles jouent au soccer3, c’est la même chose. Elles jouent au (?), les pratiques sont bilingues, alors y a des enfants dans une équipe qui parlent que le français, alors ça se déroule en anglais et en français.

112 A : D’accord. Alors justement, par rapport au bilinguisme, il y a quelques semaines, il y a eu l’anniversaire au New-Brunswick4.qui fêtait ses 20 ans de bilinguisme depuis l’adoption du bilinguisme dans la Charte canadienne. Donc, c’était un anniversaire. qu’est-ce que vous pensez de ce genre de célébration ?

113 C : J’ai pas entendu parler de ça (rire)… Je pense que, au Nouveau-Brunswick, c’est intéressant parce qu’il y a une plus grande population… je pense qu’un plus grand pourcentage de la population, elle est minoritaire, la minorité. quand tu vas au Nouveau-Brunswick, le français, tu le vois, tu entends le français partout, n’importe où tu es dans la province, alors c’est différent que le Québec où tu n’entends pas l’anglais de la même manière ailleurs que dans la grande région de Montréal. Ben, c’est intéressant, c’est beau. Moi je pense que c’est… c’est bon pour eux, je sais que c’est important pour les Acadiens qui sont là d’avoir cette reconnaissance, c’est important d’avoir le service en fran… avoir le statut bilingue, ça garantit certains services en français et en anglais, dans la deuxième langue en tout cas. Alors, je pense que c’est important. Je ne pense pas que le Québec, ça va comme ça, mais (rire).

114 A : Ça vous déçoit ?

115 C : Non… c’est compliquer ici avec la protection de la langue française. C’est une petite province dans une mer (voix haute) d’anglais, alors c’est difficile de garder le français, il y a de la pression qui vient partout. Alors je pense que d’être… c’est difficile parce que je veux avoir les services en anglais, je veux que les hôpitaux anglais existent pour les personnes âgées, qui sont malades. A ce point-là, est-ce que c’est important de leur demander de toujours parler, décrire leurs symptômes dans leur 2ème langue ? Non, je pense que ce n’est pas… on doit avoir de la compassion dans une situation comme ça de servir les personnes dans la langue maternelle, pour les soigner. Mais je pense la même chose, juste aller à la bibliothèque municipale, je veux que les journaux soient disponibles en anglais, les livres, les cédéroms, tout ça, mais pas seulement en anglais, l’espagnol, de réfléchir qu’est-ce qu’on a dans nos communautés… que les gens voient leur langue aussi dans ces institutions. Mais de devenir une province complètement bilingue, officiellement bilingue, je pense que ça peut être difficile. quand on voit les compagnies comme Home.Depot.ou Walmart qui ne veut pas changer leur nom au Québec, ou Second.Cup, juste du mot “Les cafés Second Cup” devant “Second Cup”, et les compagnies ne veulent pas faire ça. Si nous sommes une province bilingue, est-ce qu’ils vont changer ? Je ne sais pas. Est-ce qu’ils vont avoir des employés qui parlent le français ? Comme maintenant, je ne sais pas. Peut-être non. Alors je pense que c’est différent ici. Au New-Brunswick, ils ont une tradition avec les 2 langues. Je pense qu’ailleurs, c’est plus difficile pour les Français parce qu’ils sont dans les minorités. Dans le passé c’était les minorités. Le pouvoir c’était toujours dans les mains des Anglais, alors… c’est une situation différente je dirais qu’ici. C’est compliqué le Québec (rire).

116 A : Mais vous comprenez, d’après ce que je comprends, que la défense du français… vous comprenez ça, mais à une certaine limite.

117 C : (soupir) C’est difficile parce que… ben c’est ça. Où sont les limites ? Moi je suis capable de vivre en français, alors j’ai pas de problème avec ça, mais quand tu entends les gens qui disent “oh, je paie des taxes ici, pourquoi est-ce que je ne peux pas aller… quand je dois payer mes taxes (rire), maintenant y a personne au Ministère du Revenu qui va me parler en anglais”. quand on entend les représentants du syndicat qui décrit un bilinguisme qui est comme une mauvaise herbe, qu’on le trouve partout maintenant, les gens qui parlent, les employés du gouvernement qui offrent les services en anglais : “ça, c’est quelque chose négatif”. Je ne comprends pas ça. Pourquoi est-ce que c’est… ? Ce que je trouve un peu triste, c’est… de ne pas donner au québécois l’avantage d’avoir la connaissance d’une 2ème langue. quand je vois qu’est-ce que mes filles peuvent faire dans les 2 langues, je trouve ça plate que ma voisine, qui est Québécoise, elle ne puisse pas envoyer ces enfants à l’école bilingue ou d’immersion. Elle paie pour que les filles suivent des cours d’anglais, parce que l’anglais dans les écoles francophones, c’est une blague, c’est une perte de temps. Alors, je trouve ça triste même toute la discussion concernant l’enseignement de l’anglais en 6ème année à l’école. Je pense qu’on doit (fort) donner à nos enfants cette connaissance, ça va les aider. quand je vois les gens qui quittent le Québec qui sont aux États-Unis, ils comprennent rien. Comment est-ce que vous pouvez voyager, apprendre des choses sur les autres pays, les autres cultures si tu parles seulement le français ? C’est difficile, je trouve ça plate. Alors, c’est vraiment compliqué là je… je comprends la défense de la langue, mais je veux qu’ils nous donnent les opportunités aux jeunes là d’être ouvert au monde, d’être capable de voyager n’importe où, de travailler où ils veulent. Alors… c’est compliqué (rire) je dirais. Peut-être ça c’est un bon mot, adjectif pour décrire la langue française, ou la situation au Québec en tout cas (rire).

118 A : Bon, j’en ai fini avec l’interview. On peut s’arrêter là. Merci beaucoup.

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