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A. UNE NOUVELLE ANALYSE DE L’IMMUNITE DU PREPOSE

ADIAL

La Première chambre civile de la Cour de Cassation a justifié sa solution par l’idée que l’immunité édictée par l’article L121-12 alinéa 3 ne profite qu’aux personnes expressément visées par ce texte, au rang desquelles figure le préposé mais pas son assureur. L’immunité civile ainsi consacrée par le Code des assurances au bénéfice du préposé ne s’étend donc pas à son assureur de responsabilité. Ce premier motif ne nous étonnera pas en ce qu’il n’est point novateur. En effet, la Première chambre civile de la Cour de Cassation avait déjà pu affirmer dans un arrêt du 8 décembre 199347 que l’immunité édictée par l’article L121-12 alinéa 3 du Code des assurances ne bénéficie pas à l’assureur du préposé et ne s’oppose donc pas à un recours subrogatoire exercé contre lui. Cependant, pour que le recours subrogatoire soit recevable, l’assuré doit être responsable. Or, la double immunité dont bénéficie le préposé semble s’y opposer fortement. Sur ce point là, la Première chambre civile de la Cour de Cassation semble nous inviter à adopter une nouvelle analyse de l’immunité du préposé. En effet, jusqu’à cet arrêt, la Jurisprudence et la Doctrine semblaient employer sans trop de distinction les termes d’«immunité» et de «responsabilité». L’arrêt Costedoat qui a consacré l’immunité du préposé énonçait en effet dans son attendu de principe que «n’engage pas sa responsabilité le préposé qui a commis une faute alors qu’il agissait dans les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant». Les arrêts du 9 novembre 2004 ont adopté la même solution en considérant que le médecin salarié qui commettait une faute alors qu’il agissait dans les limites de sa mission n’engageait pas sa responsabilité.
Ne serait-ce pas là une assimilation erronée ? L’arrêt commenté semble en effet le penser puisque la Première chambre civile a considéré que le recours subrogatoire exercé par l’assureur du commettant à l’encontre de l’assureur du préposé était recevable dans la mesure où «cette immunité n’emporte pas l’irresponsabilité de son bénéficiaire». Le préposé ne serait donc pas irresponsable et cette double immunité consacrée à son profit tant par la jurisprudence que par le Code des assurances n’entraînerait pas une irresponsabilité. L’immunité est une exception qui interdit la condamnation de la personne qui en bénéficie et ne serait donc qu’une cause d’impunité et non d’irresponsabilité. Ou, comme l’affirme Madame PORCHY-SIMON, l’impunité dont bénéficie ainsi le préposé ne serait en réalité qu’une sorte d’ «immunité procédurale strictement personnelle»48 en ce sens que le préposé serait bien débiteur d’une dette de responsabilité mais toute action à son encontre se trouverait paralysée en raison de sa qualité. A ce titre, la reconnaissance d’une dette de responsabilité par la Cour de Cassation est plus ou moins implicite dans cet arrêt puisque, dans son attendu, la Première chambre civile énonce que l’assureur du médecin est tenu «en sa qualité d’assureur de responsabilité» à prendre en charge « les conséquences dommageables des fautes commises par l’assuré». Ainsi, en affirmant que «l’immunité n’emporte pas l’irresponsabilité de son bénéficiaire», la Cour rend par là même le recours subrogatoire de l’assureur du commettant contre l’assureur du préposé possible puisqu’elle reconnaît ni plus ni moins l’existence d’une dette de responsabilité de ce dernier, condition fondamentale à l’exercice d’un recours subrogatoire.

B. APPROCHE CRITIQUE DE LA SOLUTION

L’arrêt du 12 juillet 2007 a pu faire l’objet de vives critiques en ce qu’il met à mal les principes fondamentaux régissant le recours subrogatoire. Madame HOCQUET-BERG a pu considérer que cette solution opérait une sorte de «petite révolution»49 , plus ou moins bien perçue par les auteurs.
Cependant, cet arrêt demeure fondamental en ce qu’il semble révéler le sens exact de l’immunité du préposé qui doit seulement être entendue comme un obstacle à l’action de la victime conte le préposé qui agit dans les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant – pour toutes les raisons étudiées dans le premier développement – et à sa condamnation. Néanmoins, une question doit se poser : la recevabilité du recours de l’assureur du commettant contre l’assureur du préposé ne serait-elle pas de nature à maintenir, ou plus justement à rétablir, un caractère indirect à la responsabilité du commettant ? La question est légitime puisqu’en admettant ce recours au motif que l’immunité du préposé n’entraîne pas son irresponsabilité, on en vient ni plus ni moins à faire du préposé, même indirectement, le débiteur final de l’indemnisation. Certains auteurs ont d’ailleurs pu voir dans l’arrêt du 12 juillet 2007 la résurrection d’une véritable responsabilité du fait d’autrui, même indirecte. Ces mêmes auteurs considéraient en effet qu’au lendemain de l’arrêt Costedoat et de la consécration de l’immunité civile du préposé qui agit dans le cadre de sa mission, on ne pouvait plus concevoir l’article 1384 alinéa 5 du Code civil comme le fondement d’une véritable responsabilité du fait d’autrui mais davantage comme «le siège d’une responsabilité directe et personnelle de l’entreprise»(50), en accord avec l’idée selon laquelle l’entreprise doit supporter la charge des risques qu’elle crée par sa propre activité. De même, les termes généraux de l’arrêt commenté laissent penser que la solution ne s’appliquera pas seulement au préposé professionnel de santé mais à tout salarié quelle que soit ses fonctions. Cependant, sur ce dernier point, une limite peut être opposée : certes la décision commentée ne distingue pas selon les catégories de préposés. Cependant, son application effective dépendra fortement de l’existence d’une assurance de responsabilité civile professionnelle souscrite par le préposé. Or, toutes les professions ne requièrent pas la souscription d’une telle assurance. Donc une résurrection d’une véritable responsabilité du fait d’autrui oui, mais qu’à l’égard des préposés titulaires d’une assurance de responsabilité civile professionnelle. À ce titre, on peut légitiment se demander si la solution de la Première chambre civile ne risque pas d’entacher la relation entre le préposé et son assureur.

47 Civ.1re, 8 dec.1993, Bull.civ.I, n°357
48 Recueil Dalloz 2007, p 2908, note S. PORCHY-SIMON
49 JCP 2007,II, n°10162, note S. HOCQUET-BERG
50 Note S. PORCHY-SIMON voir supra

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