146. Conformément à l’article 1315 du Code civil, la Chambre mixte de la Cour de cassation, le 22 avril 2005 , fait peser sur le créancier le risque de la preuve de la faute lourde (1), preuve qui est relativement difficile à rapporter car il s’agit de prouver une faute lourde entendue subjectivement (2) comme nous l’avons vu dans les développements antérieurs.
1 : Le risque de la preuve pesant sur le créancier.
147. La clause limitative de responsabilité ne doit pas avoir pour effet de dispenser totalement le débiteur de son obligation, ou même de l’inciter à l’exécuter avec moins de précaution. La neutralisation de la clause supportée par décret en cas de faute lourde (subjective) permet à cet égard un contrôle utile. Cependant, le mécanisme présente une faille, qui tient à ce que le créancier n’est le plus souvent pas bien armé pour prouver que le débiteur a failli de manière grave à son obligation. Or, c’est pourtant sur ce créancier que pèse actuellement le risque de la preuve de l’origine de l’inexécution conformément à la jurisprudence de la Chambre mixte du 22 avril 2005 qui a déclaré que « la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat-type de transport ne peut résulter du seul retard à la livraison ni même du seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir d’éclaircissements sur la cause du retard ». Ainsi, conformément à l’article 1315 du Code civil, c’est sur le demandeur, donc le créancier, que pèse la charge de la preuve de la faute lourde. Ainsi, le débiteur, bien que manquant à son obligation en n’acheminant pas le colis avec toute la célérité qui s’impose, n’a pas pour autant à justifier des raisons de cette inexécution. C’est donc au créancier qu’incombe l’intégralité de la charge de la preuve .
2 : La preuve de la faute lourde entendue subjectivement.
148. Comme l’a précisé l’arrêt de la Chambre commerciale en date du 13 novembre 2007 , « La faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat-type ne saurait résulter du seul fait pour le transporteur de ne point fournir d’éclaircissements sur la cause de la disparition des marchandises mais doit se déduire de la gravité de son comportement ». Ainsi, c’est la preuve d’une faute lourde entendue subjectivement qui doit être rapportée et non, ce qui serait beaucoup plus facile, la preuve du caractère particulièrement anormal de l’inexécution du contrat, qui correspondrait à un appréciation abstraite du comportement du débiteur ou autrement dit, à une faute lourde objective.
149. L’effet de la subjectivation de la faute est particulièrement nocif, dans ces conditions, lorsque les circonstances de l’inexécution sont indéterminées ou indéterminables. En pareil cas, où l’inaptitude du débiteur reste un fait mystérieux, la faute lourde est en effet elle-même mise au secret et ne peut donc désactiver les limitations légales ce qui , en conséquence, établit de manière paradoxale un régime favorable au débiteur.
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