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A. LA CONSECRATION D’UN NOUVEAU FONDEMENT

ADIAL

La détermination du fondement à allouer au régime issu de l’article 1384 alinéa 5 du Code civil a fait l’objet de nombreuses controverses et il semblerait que la question n’a jamais vraiment été tranchée. En outre, rechercher un fondement unique servant de justification à la solution consacrée par l’arrêt du 12 octobre 1993 serait sans doute restrictif. C’est ce que certains auteurs n’ont d’ailleurs pas hésité à soulever en considérant que la combinaison de l’ensemble des théories proposées avait contribué à façonner ce nouveau régime. Ainsi, certains fondements ont fait l’objet de critiques au sein de la doctrine et doivent être écartés (a). On constatera alors qu’une seule théorie a été majoritairement adoptée : la théorie du risque-profit (b).
a. Les fondements controversés

On en recensera principalement deux : la faute du responsable (1) et l’idée de la représentation (2).

1) LA FAUTE DU RESPONSABLE

Selon ce premier fondement, la responsabilité du commettant est retenue car il a personnellement commis une faute, s’analysant soit comme une faute dans le choix du préposé soit comme une faute dans la surveillance de ce dernier. Cette faute est donc présumée. Cette thèse a été rejetée car on justifiait difficilement que le commettant ne puisse apporter la preuve de l’absence de faute, à savoir, par exemple, qu’il a choisi son préposé avec diligence. De même, une objection résulte de la pratique elle-même puisqu’il est courant que l’on soit le commettant d’une personne que l’on n’a pas choisie.

2) L’IDEE DE LA REPRESENTATION

Selon cette théorie, les fautes ainsi commises par le préposé seraient en réalité celles du commettant. La tentation de justifier ainsi la décision de la Chambre commerciale est grande puisqu’il résulte des faits de l’espèce que les fautes à l’origine des actes de concurrence déloyale et d’usage illicite de marque ont été commis par les préposés de la société défenderesse. Selon certains auteurs, cette théorie doit être écartée au motif que la faute a un caractère personnel, est propre à son auteur et ne saurait par conséquent être commise par procuration. Cependant, d’autres se sont ralliés à cette idée. En effet, MM. Henri et Léon MAZEAUD opèrent une véritable confusion entre le commettant et le préposé et estiment ainsi que tout ce que le préposé accomplit doit être considéré comme effectué par le commettant lui-même. Pour justifier une telle confusion, ces auteurs procèdent à une analyse du lien unissant le commettant au préposé qui n’est «qu’un instrument entre ses mains», le commettant ayant recours aux services du préposé pour son activité, pour son intérêt exclusif. Cependant, il nous semble que cette théorie de la représentation doit également être écartée puisqu’elle ne peut jouer qu’à l’égard des tiers et non dans les rapports unissant le préposé au commettant qui peut recourir pour le tout contre son préposé. Or, l’une des conséquences fondamentales du principe d’irresponsabilité du préposé ainsi consacré par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation réside notamment dans le fait que le commettant, une fois qu’il a indemnisé la victime, ne peut se retourner contre le préposé, contrairement à ce qui se faisait sous l’ancien régime.

b. La théorie du risque-profit : un fondement majoritairement approuvé

Si déjà, dès l’ancien régime, certains auteurs de la doctrine, soutenus par une jurisprudence alors minoritaire, ont tenté de faire évoluer la situation du préposé dans un sens plus favorable à ce dernier, il semblerait que ce soit en raison du profit que retire le commettant de l’activité du préposé. En effet, le préposé, qui se trouve dans un état de préposition par rapport au commettant, agit pour le compte et dans l’intérêt exclusif de son employeur. Il participe de façon active à la réalisation de profits et contribue, dans une certaine mesure, à la continuité de l’activité du commettant. A partir de là, on comprend aisément la position des partisans de la théorie du risque : on ne saurait légitiment tolérer qu’une personne qui entreprend un travail pour en tirer un profit pécuniaire et, qui pour ce faire, a recours aux services de personnes agissant sous ses ordres et avec les moyens que le commettant met à leur disposition, n’accepte pour contrepartie les risques de dommages causés par cette activité. On a donc une véritable connexité entre le profit et le risque et cette connexité répond à des impératifs à la fois économiques et moraux. On veut faire supporter au chef d’entreprise la charge des risques qu’il crée par son activité.

Cette théorie a pour avantage incontestable de ne plus envisager la relation entre commettant et préposé comme une simple relation entre individus. En effet, le commettant n’est plus ici considéré comme tel : il représente l’unité économique qu’il dirige, génératrice des risques de dommages aux tiers. Cette conception semble être davantage en adéquation avec la société contemporaine où les entreprises de grandes tailles et sources de risques plus importants sont en plus grand nombre. Le dirigeant d’une telle société contrôle véritablement de plus en plus rarement l’activité de ses salariés mais il n’en demeure pas moins que son entreprise présente des risques qu’il convient de lui imputer. Le commettant ne voit donc plus sa responsabilité engagée en tant qu’individu personne physique mais en tant que personne morale. Le préposé, quant à lui, n’est qu’un simple rouage de cette entreprise, ne disposant pas d’une véritable autonomie. Il convient à ce titre de préciser que ce dernier argument n’a de véritable valeur que si on considère que le préposé est privé de tout libre arbitre dans le cadre de son activité. En effet, et selon Monsieur François CHABAS, le préposé demeure un être humain doté de son libre arbitre et même si, dans le cas d’espèce, les actes de concurrence déloyale et d’usurpation de marque ne pouvaient être exécutés que dans l’intérêt exclusif de la société, les préposés se sont toutefois rendus coupables de complicité par aide et assistance. Néanmoins, il ne nous semble pas que cette théorie soit la plus juste car si, dans l’absolu, on a toujours le choix de dire «non» à un ordre, on sait également pertinemment que dans le monde du travail, le refus par un salarié d’obtempérer peut entraîner pour lui de graves conséquences. Le préposé n’est jamais totalement libre de refuser pour la seule et unique raison que la décision finale de son avenir dans l’entreprise appartient à son employeur. La théorie du risque-profit doit donc, nous semble t-il, être approuvée en ce qu’elle apporte la réponse la plus adaptée à la réalité de notre société et prend en compte des dimensions tant économiques que morales.

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