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5.4 STRUCTURE VERTICALE & DEPLOIEMENT DE L’APPROCHE PROCESSUS

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Dans ce chapitre, nous allons observer les liens existants entre la structure horizontale des processus et les differentes typologies de structures verticales.

STRUCTURE VERTICALE & DEPLOIEMENT DE L'APPROCHE PROCESSUS

Globalement, parmi les cinq types de structures verticales identifiées par Mintzberg (cf.p33), l’observation des entreprises conduit à l’identification de trois groupes distincts. Ces trois groupes de structures verticales se distinguent par leur aptitude respective au déploiement de l’Approche Processus. Nous allons donc examiner, pour chacun de ces 3 groupes, dans quelle mesure une structure horizontale de processus peut se superposer à une structure verticale existante.

Le 1er groupe est représenté par les structures de type Bureaucratie Mécaniste et Bureaucratie Divisionnaire, c’est-à-dire les entreprises, de taille moyenne ou grande, évoluant dans le contexte raisonnablement stable d’entreprises produisant des biens ou des services selon des procédés relativement répétitifs, organisées ou non, en division.

Comme l’indique l’ensemble de la littérature disponible sur ce thème depuis Forrester, en passant par Lorino, jusqu’à Mougin, mais aussi l’observation de centaines d’entreprises (dont certaines sont citées dans ce mémoire), l’Approche Processus appliquée avec discernement semble permettre la mise en place d’un puissant outil au service de la performance.

Pour le 2ème groupe identifié, c’est à dire les organisations structurées selon des modèles de type Entrepreneuriale ou Adhocratique, l’aptitude au déploiement de l’Approche Processus semble plus problématique…

Observé en entreprise de type Entrepreneuriale :

Le dirigeant charismatique de cette carrosserie industrielle Savoyarde de 20 personnes, roulant en Ferrari, mène d’une main de fer son entreprise depuis plus de 30 ans. Ce patron déclare que l’Approche Processus est “inutile et que le système de Management de la société, c’est lui”. Pour preuve : la prospérité de son entreprise.

Pour des raisons réglementaires (commerce avec la Suisse), cette société doit maintenant se faire certifier ISO9001. Pour ce faire, un système de management par processus a été construit avec l’aide d’un consultant (ami du patron).

Cependant, à l’examen de la structure horizontale créée pour l’occasion, l’observateur constate sans étonnement que le dirigeant laisse “s’amuser” la secrétaire comptable avec les processus (cette dernière a d’ailleurs été bombardée “Responsable qualité” pour la circonstance) et que lui-même n’y prête strictement aucun intérêt.

Finalement, dans certains cas, les employés ne comprennent plus vraiment ce qui est attendu et naviguent à vue entre les discours contradictoires de la “Responsable Qualité” et du dirigeant. Le tout étant évidemment contreproductif, perturbant et consommateur de ressources.

Observé en entreprise de type Adhocratique :

Colin’s Engineering, société de prestation d’ingénierie de 25 personnes est dans l’obligation de se faire certifier ISO9001 (un gros client équipementier l’exige selon l’application d’une politique Corporate). Le dirigeant affirme que l’Approche Processus n’est pas adaptée à sa typologie d’organisation car son entreprise fonctionne selon un mode “Projet” : la composition, la taille et les compétences des équipes changent en fonction des contrats qui sont obtenus. Selon le dirigeant, “modéliser” le fonctionnement de son entreprise revient à le figer…

A l’examen de la structure de processus créée pour l’occasion, l’observateur constate effectivement que celle-ci conduit à une certaine “rigidification” des activités qui, selon les acteurs, ne demandaient pas à l’être. La résultante de la mise en place de l’Approche Processus, dans ce cas, est assez pénalisante puisque la raison d’être de cette société, et ce qu’achètent les clients, c’est de l’ultra-flexibilité…

Pour le 3ème groupe identifié, c’est à dire les organisations structurées selon le modèle de la Bureaucratie Professionnelle, vu par Mintzberg comme un “regroupement d’individus indépendants” (1990), l’aptitude au déploiement de l’Approche Processus semble également discutable. Par exemple, nous pouvons citer le cas des Universités où le “client” n’a pas encore été formellement identifié…Ou bien encore, le cas des hôpitaux où la problématique efficacité/efficience ne relève pas de la même logique…

Compte tenu du manque de données personnelles concernant les Bureaucraties Professionnelles, nous n’avancerons pas plus loin dans l’analyse de cette dernière typologie.

A la lumière de ces observations, que pouvons-nous conclure ?

Emettre un jugement définitif sur le sujet n’est pas envisageable compte tenu des données et de l’espace dont nous disposons. Pour ce faire, il nous faudrait conduire une étude spécifique sur les interactions entre les structures verticales et horizontales des organisations…Néanmoins, nous pouvons soutenir que pour les organisations relevant du de type Adhocratique ou Entrepreneuriale, l’intérêt de l’Approche Processus apparaît comme globalement restreint : la forme de leurs structures verticales semblant mal se prêter au déploiement d’une structure horizontale.

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Quoiqu’il en soit, l’identification de trois groupes distincts, et l’observation de cas représentatifs, semblent matérialiser un lien presque binaire existant entre les typologies de structure verticale et l’aptitude au déploiement de l’Approche Processus.

Cette alternative peut se formuler de la façon suivante :

– Compatible
ou
– Difficilement compatible.

En dépit de ces attributs potentiels, forcément réducteurs, pouvant être attribués à l’un ou à l’autre des 3 groupes d’organisation identifiés, nous pourrons conclure partiellement ce chapitre en rappelant que pour optimiser les chances d’une mise en œuvre efficace de l’Approche Processus, la prise en compte des risques associés à la nature de la structure verticale rencontrée sera très probablement nécessaire.

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Au-delà de la compatibilité, variable, entre les structures verticales et l’Approche Processus, il est à noter, comme nous l’annoncions plus haut dans ce mémoire qu’il existe, pour les organisations voulant déployer ce modèle de management, plusieurs façons d’interpréter la transversalité. Le chapitre ci-dessous aura donc pour but d’identifier les modes de “superposition” les plus couramment observés entre les structures verticales et les structures horizontales, ainsi que leur influence potentielle sur les performances de l’organisation.

Il est à noter que cette question pourrait faire l’objet d’un développement plus important. Cependant, afin de conserver le caractère “généraliste” de ce mémoire, nous nous contenterons ici d’identifier sommairement les risques et les bénéfices associés aux différents modes de déploiement.

Observé en entreprise (Assimilation verticale) :

Cette société métallurgique située dans les Ardennes et travaillant pour l’aéronautique, est structurée en “services” de façon très conventionnelle. En 2001, lorsque que la société a “migré” de la version ISO 9001-1994 à la version ISO 9001-2000, le Responsable Qualité de l’époque à définit les processus de son organisation en calquant tout simplement ces derniers sur les services existants…

L’assimilation des “processus” par les “services” est emblématique des problèmes rencontrés par les organisations ayant eu des formations très sommaires sur l’Approche Processus.

Les processus de cette entreprise sont donc définis en fonction des services existants sans aucune prise en compte des principes essentiels nécessaires à un déploiement efficace de l’Approche processus. Bien évidemment dans ce type de configuration, le gain est globalement assez faible puisqu’il s’agit d’une version littéralement falsifiée du concept (bien qu’il puisse subsister un certain intérêt à mesurer l’efficacité des services…)

Souvent même, dans le cadre d’une certification, les entreprises font tout bonnement pivoter d’un quart de tour la grille des services afin d’obtenir une représentation visuellement conforme…

Assimilation verticale

Même si, fidèles aux principes de la contingence, nous nous interdirons par principe de considérer une solution préférable à une autre en l’absence de contexte spécifique, nous pouvons néanmoins avancer que cette forme frelatée de l’approche processus ne permettra probablement pas le déploiement d’un système de management plus performant. L’intérêt de rapporter ce type de déploiement dans le cadre de ce mémoire est plutôt d’ordre descriptif : il est important de réaliser que ce type de configuration existe bel et bien sur le terrain.

Observé en entreprise (Configuration croisée) :

Toulouse-Lighting, société de fabrication de feux en polycarbonate pour l’industrie automobile (350 personnes) est certifiée ISO9001 et ISO/TS16949 depuis de nombreuses années. Les technologies mises en œuvre sont principalement de l’injection plastique et de la soudure ultrason.

Après observation, nous constatons qu’il existe deux structures différenciées : les services (structure verticale) et les processus (structure horizontale). La superposition peut s’illustrer schématiquement de la façon suivante (ci-dessous les processus et les services sont indiqués pour l’exemple) :
Configuration croisée

Concrètement, l’organisation fonctionne donc normalement avec cette double configuration où cohabitent une structure hiérarchique organisée par métiers (par silos) ainsi qu’une structure de processus organisée par finalité (Lorino, 1995).

Par exemple, dans cette organisation, une personne est chargée du suivi qualité des fournisseurs (SQF). Celle-ci dépend hiérarchiquement du Responsable Qualité Site mais interagit fonctionnellement avec le Directeur des Achats (DA) au sein du processus “Mettre à disposition des composants”. De la même façon, le directeur Achats, bien que pilote de ce processus, dispose lui aussi de son propre silo hiérarchique…

Cette deuxième typologie que nous qualifierons de “croisée”, de loin la plus répandue, a l’immense avantage de permettre à l’organisation de déployer l’Approche Processus de façon plutôt efficace sans pour autant remettre en cause sa structure hiérarchique (avec les difficultés inhérentes à ce genre d’exercice).

Un autre avantage de ce type d’approche est de casser les éventuels conflits d’intérêts. Par exemple, le responsable qualité du site observé identifie clairement l’intérêt à ce que la personne chargée de la “qualité fournisseur” ne soit pas hiérarchiquement rattaché au directeur des achats. Cette configuration étant une sorte de “garantie d’indépendance” évitant potentiellement les éventuels “petits arrangements entre amis” toujours préjudiciables pour les intérêts globaux de l’organisation.

Les inconvénients importants liés à cette approche se matérialisent souvent à travers les difficultés qu’éprouvent les acteurs à assumer quotidiennement la coexistence de ces doubles interfaces parfois à la source de beaucoup de confusion.

Observé en entreprise (Configuration UAP) :

Julyplast, entreprise d’injection plastique ayant fait l’objet d’un rachat en 2011, n’a globalement plus aujourd’hui de structure verticale. Julyplast met en œuvre quatre procédés bien distincts : l’injection, le soufflage, l’assemblage et la peinture. Les activités de ces quatre procédés ont été identifiées comme Processus du système de management. Dans ce cadre, nous observons que les fonctions présentes auparavant dans les services sont dorénavant ventilées au sein de ces quatre processus.

Par exemple, dans le processus observé, “Injecter les composants”, l’ensemble des acteurs dont le rôle est de fournir au processus client (Assembler les composants) des pièces conformes au bon endroit au bon moment, sont rassemblées au sein de la même entité. Concrètement, le processus réalise non seulement des activités de production, mais aussi (et c’est nouveau) des activités de Maintenance, de Qualité ou de Logistique…

Configuration UAP

Finalement, organisés selon une logique de finalité, nous retrouvons dans chacun des processus un échantillonnage des activités réalisées anciennement par les services. C’est tout simplement l’application pratique du principe énoncé par Philippe Lorino qui consiste à “surimposer, dans le fonctionnement de l’entreprise, une logique de finalité à une logique de compétence”. (Lorino, 1995). Ce type de configuration, que nous pouvons considérer comme la version ultime de l’Approche Processus, est souvent nommée dans l’industrie comme “Organisation en UAP” (Unité Autonome de Production).

L’organisation en UAP présente un certain nombre de vertus. Nous pouvons en citer quelques-unes qui sont, logiquement, également celles de l’Approche Processus en général :

– Abandon de la logique de métier,
– Orientation vers le client interne, vers la finalité,
– Responsabilisation des équipes,
– Individualisation des performances,
– Approche terrain des problèmes.

Quelques inconvénients peuvent subsister néanmoins, citons les plus importants :

– La cohérence de l’ensemble peut être éprouvée par l’apparition de phénomènes de “chapelles”,
– Les exigences du client final (l’utilisateur du produit) peuvent être perdues de vue de par la focalisation sur le client interne,
– Certaines ressources, auparavant partagées, ne le sont plus (défaut d’économies d’échelle),
– La taille de l’organisation doit être suffisamment importante afin que le partage des ressources puisse se faire dans de bonnes conditions.

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Ces trois interprétations possibles de la transversalité étant identifiées, il est important de signaler que les structures de processus mise en place par les organisations sont souvent en réalité, un patchwork constitué, à des dosages variables, de ces différentes typologies de transversalisation.

Finalement, pour orienter le système de processus vers un dosage plus ou moins prononcé en faveur de l’une ou de l’autre de ces interprétations, une analyse du contexte spécifique de chaque organisation sera nécessaire afin que la typologie de transversalité implémentée soit réellement favorable à l’amélioration des performances.

En tout état de cause, quelle que soit l’option retenue, la prise en compte des risques et des enjeux spécifiques aux options de transversalisation seront probablement une des conditions déterminantes du succès ou de l’échec de l’Approche Processus.

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