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3.3.3-Peut on oublier cependant la figure de l’historien ou du professeur ? L’analyse est elle déterminante dans la constitution d’une mémoire collective ?

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« Ce n’est pas avec des histoires que l’on peut construire l’histoire »(143). Marc Ferro cite cette phrase de F. Braudel pour signifier que bien qu’il soit nécessaire de convoquer toutes les mémoires, la seule « juxtaposition de ces discours »(144)ne suffit pas à fonder une analyse. Reconstituer diffère de reconstruire. Si nous devions distinguer le web-documentaire historique selon ces deux termes, nous serions tentés d’y accoler le terme ”reconstitution”. En effet, la majorité des web-documentaires historiques ne proposent pas une analyse d’une période ou d’un événement. Ils proposent simplement des documents, des contenus à valeur historique qui servent la connaissance. L’absence d’historiens est le signe de cette prise de position. Il n’est étonnant de souligner que le webdoc sur François Duprat et l’extrême droite française propose des analyses de journalistes et d’historiens car il s’agit d’une création réalisée par un historien. La petite histoire n’a pas sa place. Nous pouvons même poser la question de la possibilité de coexistence entre l’Histoire et les histoires. Des documentaires tels que La nuit oubliée sépare ( thématiquement et graphiquement ) les témoignages et les explications historiques.

Toutefois le web-documentaire historique est un moyen de renouveler cette hiérarchie entre le savoir dogmatique et le savoir du témoin. Henri Atlan et Edgar Morin s’interrogent à ce propos :

« Mais revenons aux sciences humaines : il existe, là aussi, une espèce d’idéal scientifique, celui de l’objectivité et de la soumission au fait. Idéal certes plus difficile à réaliser que dans le cas de la physique. Mais que se passerait-il si cet idéal scientifique pouvait être atteint dans le domaine de l’histoire ? Cela voudrait dire que l’on devrait renoncer, une fois pour toutes, à une théorie historique globale dotée d’une capacité explicative large pour restreindre à des explicatifs locaux pour rendre compte de ces collections de faits. Dans ce cas-lé, évidemment, on ferait sauter le caractère mythique des travaux historiques. Mais la question alors se poserait de savoir s’il serait encore possible de régénérer ces évènements dans la mémoire. Je pense que non. Si ces évènements historiques n’étaient qu’objets de science historique idéale, une science historique elle-même non traversée de mythes, ils seraient confinés dans la connaissance érudite, celle du ”vrai scientifique” et ne pourraient plus jouer aucun rôle fondateur dans la société. La Révolution française n’exciterait plus personne, il ne serait même pas question de commémoration »(145)

Les petites histoires sont alors essentielles pour refonder la mémoire collective car chaque témoin apportera sa pierre à l’édifice commémoratif. L’histoire et la mémoire sont des enjeux collectifs qui se construisent collectivement.

143 Citation de Fernand Braudel
144 FERRO, Marc, Les oublis de l’histoire, op cit.
145 ATLAN, Henri et MORIN, Edgar, Sélection, réjection, op cit.

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