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§ 3. COMPOSITION

Non classé

Le domaine de l’État comprend le domaine public et le domaine privé. La distinction de deux domaines est caractérisée par son origine moderne et doctrinale étant donné qu’elle n’existait pas sous l’Ancien Régime français, sous la révolution. L’ancien régime connaissait un régime de la couronne, dont le roi en qualité de souverain était le propriétaire et qui formait un tout unique(83).

En ce qui concerne la RDC, l’époque léopoldienne fut caractérisée par une domanialité particulière. Pour le roi, Léopold II, toutes les terres congolaises font partie du domaine et ce domaine royal est une propriété privée. Plusieurs décrets interviendront pour affirmer ce double caractère(84).

Le domaine privé comme le domaine publique appartiennent à l’État ou à telle autre collectivité publique mais leur distinction reste fondamentale, constitue la première base de la théorie du domaine et cette distinction se pose sur le caractère de nécessité.

I. LE DOMAINE PUBLIC

L’article 10 de la loi précédemment citée souligne que ”les biens de l’État qui sont affectés à un usage ou à un service public sont hors commerce, tant qu’ils ne sont pas régulièrement désaffectés ”.

Le domaine public renferme la catégorie la plus importante des biens hors commerce ; des biens appartenant à la nation et qui de plus ne pourraient point appartenir à des particuliers. Cet article range dans le domaine public non seulement les biens qui sont affectés à un usage public, mais encore ceux qui sont affectés à un service public et c’est sans distinguer entre les meubles et les immeubles. Cette disposition présente donc un intérêt évident lorsqu’elle dispose que les biens du domaine public sont comme tels hors commerce, c’est-à-dire inaliénable et imprescriptible. Ces biens étant en effet employés à un service d’intérêt général.

I.1. Composition

En ce qui concerne le critère de la domanialité publique M.A. FLAMME (85) suggère entre autre :

1. Le domaine public comprend tous les biens qui ne sont pas susceptibles d’appropriation.

2. Le domaine public ne comprend que les biens mis hors commerce par la loi.

L’indisponibilité étant une exception, ainsi pour avoir la qualification des biens publics, les biens doivent être expressément ou moyennant un texte légal mis hors du commerce. Toutefois, la formule de l’arrêt de la cour de cassation française du 2 octobre 1924 est importante pour des raisons à la fois logiques et pratiques parce qu’elle fournit une excellente raison de mise hors commerce même en l’absence d’un texte.

A travers cette formulation, les éléments suivants sont mis en évidence :

– le domaine public suppose une affectation
– cette affectation doit émaner des pouvoirs publics (un simple particulier ne pouvant, en principe, mettre un bien hors commerce).
– Cette affectation consiste à livrer une chose à l’usage du public, à la faire échapper à l’emprise des particuliers. A cet effet, un texte n’est pas nécessaire, la destination de la chose emporte pareille conséquence.

3. Le domaine public se compose des biens consacrés par l’autorité compétente à l’usage du public.

4. Le domaine public comprend les biens affectés à un service public.

Toutefois, il est reproché à ce critère d’être à la fois trop large et trop étroit. Large par ce que d’une part il n’y aurait aucun intérêt à rendre imprescriptible, par exemple, les locaux d’un ministère ou d’une maison communale lorsque ceux-ci sont simplement loués par l’Etat, d’autre part, parce que la notion du service public est indéfinie et rend le critère peu maniable et décisive. Trop étroit parce que ce critère tend à éliminer du domaine public les biens affectés à l’usage du public en ne prenant en compte que les biens affectés au service public de l’Etat.

5. Le domaine public comprend tous les biens affectés à l’usage public et a pour l’autorité compétente l’utilité générale(86).

Par ailleurs les éléments du domaine public peuvent être classés comme suite :

a. Le domaine public maritime, fluvial et lacustre ; les rivages de la mer appartiennent indiscutablement au domaine public. Et la question se pose en ce qui concerne les eaux territoriales, la mer territoriale et la mer adjacente aux côtes sur laquelle l’Etat riverain peut, du rivage même, employer la force armée et exercer ainsi un pouvoir qui lui est nécessaire pour ce territoire et ses côtes, assurer la sécurité de ses habitants et sauvegarder ses intérêts fluviaux et commerciaux.

– les lits de tout lac et de celui de tout cours d’ eau navigable, flottable ou non, font aussi partie du domaine public de l’Etat conformément aux prescrits de la loi du 09 août 1893.

– Les ouvrages d’art accessoires tels les écluses, les barrages et les élévateurs électriques.

– les bords des lacs, rivières, fleuves navigables ou flottables appartiennent à l’Etat.

– les ports publics maritimes et fluviaux, les bateaux des commissaires maritimes et du service hydrographique, …

b. Les Voies de communication par terre et par air et leurs dépendances

– les routes publiques, qui sont classées d’intérêt général.

– les chemins de fer d’intérêt général font partie du domaine public. Non seulement les voies mais toutes les dépenses nécessaires à l’ exploitation du chemin de fer, appareil d’aiguillage et de signalisation, quais et places de stationnement, les magasins, les ateliers, les immeubles affectés au logement du personnel dont la présence permanente près de la voie est nécessaire.

– Dans les circonscriptions urbaines, les avenues et les monuments qui les ornent, …

– Les plaines d’ aviation ainsi que les constructions y afférentes ; aérogares, hangars… et les habitations réservées au personnel sont situés sur le terrain d’ aviation.

c. Le domaine public militaire : La législation congolaise, en la matière, suit les principes du droit Belge. Et l’article 540 du code civil Belge consacre l‘ énumération suivante :

– Fossés, remparts, places de guerre et forteresse, l’art. 541 ajoute que les terrains et les fortifications qui n’ ont pas été désaffectées continuent à appartenir au domaine public de l’Etat.

– les routes et les chemins de fer stratégiques.

– les immeubles affectés au service de l’armée mais constituant les éléments de défense.

– Les objets mobiliers qui sont nécessairement attachés à la défense nationale (ex : Grenade, fusil, …).

d. Les installations et bâtiments administratifs : La jurisprudence belge et française n’intègre que les immeubles affectés à l’usage immédiat et direct du public. Néanmoins, il résulte du rapport du conseil colonial qu’en étendant la définition du domaine public aux biens affectés au service public, le législateur a voulu y faire entrer tous les biens employés par l’Etat à une utilité publique, tels les archives de l’administration publique et les bureaux.

Pour le Professeur MUGANGU, la conception du droit congolais est donc large et aucun doute n’est donc possible pour les bureaux aux différents échelons de l’administration, les hôpitaux et labos, écoles, prisons, palais de justice, cimetières, postes et parcs.

e. Les mines : Sous l’E.I.C., l’article 1 du décret du 8 juin 1888 disposait que “l’ aliénation par l’Etat des terres qui lui appartiennent, et l’enregistrement des terres effectués conformément aux dispositions sur le régime foncier, ne confèrent aux acquéreurs et aux propriétaires de ces terres aucun droit de propriété ni d’exploitation sur les richesses minérales que le sol peut renfermer. Ces richesses minérales demeurent la propriété de l’Etat. La législation minière de 1937 dispose que les mines constituent une propriété distincte de la propriété du sol et appartient à la colonie (l’Etat).

Au Congo, la mine est inaliénable. Il n’y a que la concession qui peut faire l’objet des transactions privées. Et c’est dans la législation actuelle que l’affectation des mines du domaine public est manifeste. La loi dite “ BAKAJIKA ” disposant que le sol et le sous-sol (mines) sont la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat ” (87).

I.2. Protection juridique du domaine public

Nous allons souligner l’inaliénable et l’imprescriptibilité d’une part et la protection pénale d’autre part.

2.1. L’inaliénabilité des biens du domaine public de l’état

Il ressort des dispositions, l’article 10 de la loi dite “ foncière ” que “ les biens de l’Etat qui sont affectés à l’usage ou à un service public sont hors commerce ”.

Le régime juridique applicable au domaine public comprend deux principes essentiels parce que : le domaine public est inaliénable, en conséquence imprescriptible et non susceptible d’expropriation pour cause d’utilité publique.

1° Le domaine public est inaliénable

En effet, les biens du domaine public ne peuvent être vendus, ni échangés. Leur vente serait nulle de plein droit. Le principe ‘‘possession vaut titre’’ n’est pas applicable aux choses mobilières appartenant au domaine public. Même un acquéreur de bonne foi peut être contraint à tout moment de les restituer. A cet effet, même si l’objet a été acheté dans une vente publique, l’acquéreur devra restituer sans prétendre au remboursement du prix. Ceci apparaît comme une conséquence du fait que “ les biens du domaine public appartiennent à l’Etat, ainsi un particulier ne pourrait soit par titre, soit par usucapion acquérir des droits sur eux.

En effet, en attribuant à un particulier le droit d’user de tout ou partie de la route, la destination de cette route ne serait-elle pas mise en péril ? … les biens du domaine public ne peuvent non plus être loués” (88).

“ Le domaine public ne peut être grevé de servitude, il ne peut non plus être soumis à la servitude de passage. De même l’incorporation d’un bien dans le domaine public fait tomber toutes les servitudes dont le bien serait affecté et contraire à sa destinée.

Quant à la mitoyenneté, le particulier ne pourra rendre mitoyen le mur continu de l’immeuble domanial, mais l’Etat pourra lui ériger une mitoyenneté. Les biens du domaine public ne peuvent être hypothéqués.

2° Le domaine public est imprescriptible

L’article 620 du code civil congolais livre III dispose “ on ne peut prescrire le domaine des choses qui ne sont point dans le commerce ”.

2.2 Protection pénale du domaine public

La protection pénale du domaine public est assortie des sanctions spéciales, originales ; elle est assurée par une police spéciale, la police de conservation qui prévoit les contraventions de voirie.

1° La police de conservation(89)

C’est une police spéciale qui renferme l’ensemble de dispositions législatives et régulières destinées à préserver l’intégrité matérielle de certaines dépendances du domaine public et l’usage auquel elles sont affectées.

Il convient de distinguer la police de conservation des mesures administratives destinées à assurer la conservation du domaine public mais ne constituent pas nécessairement des mesures de conservation.

Seules méritent cette qualification celles comportant des sanctions pénales particulièrement prévues par un texte.

L’administration dispose donc, d’un pouvoir de plein droit de conservation qui lui permet d’édicter toutes les mesures réglementaires ou individuelles pour préserver l’intégrité de l’ensemble des biens faisant partie du domaine public.

La police de conservation ne peut s’exercer qu’à l’égard des biens domaniaux qui bénéficient de la protection pénale du régime de la contravention des voiries. En outre, la police de conservation crée des obligations à la charge des autorités administratives chargées de la mettre en oeuvre. Ces autorités sont notamment tenues de faire usage des pouvoirs que leur confèrent les textes pour faire cesser la situation irrégulière qui compromettait l’usage normal du domaine public.

2° La police de la conservation se distingue également de la police d’ordre public. Cette dernière étant définie comme le pouvoir reconnu à certaines autorités administratives de prendre des mesures assorties des sanctions pénales afin d’assurer la sécurité, la tranquillité et la salubrité publique. Cette police s’exerce sur l’ensemble des dépendances du domaine public et a été confiée soit à des autorités de police générale, soit à des autorités de police spéciale.

La distinction entre la police de la conservation et la police d’ordre public apparaît plus nettement au plan des sanctions applicables. Les infractions à la police de conservation constituent les contraventions des voiries alors que les violations de règlement de police d’ordre public sont de contraventions de police sanctionnées par le code pénal à défaut des dispositions spéciales.

La contravention de voirie est un fait susceptible de compromettre l’intégrité matérielle des biens du domaine public ou de nuire à l’usage auquel ces biens sont destinés. Et elle peut être de grande ou de petite voirie.

II. LE DOMAINE PRIVE DE L’ETAT

Celui-ci ne se distingue des propriétés particulières que par la personne du propriétaire et par certaines règles protectrices que l’importance de cette personne impose. Au demeurant, le domaine privé de l’Etat est soumis aux règles générales de la propriété(90).

-> Composition du domaine privé de l’Etat

Il se compose principalement des biens(91) suivants :

1. Toutes les terres qui ne sont pas affectés à un usage public ou à un service public.
2. Les immeubles, notamment ceux destinés au personnel de l’Etat.
3. Titres et actions représentant les emprunts des pouvoirs publics et les participations dans le capital des sociétés.
4. Les biens sans maître au sens de l’article 12 de la loi du 20 juillet 1973. Le Professeur MUGANGU souligne que le principe de l’article 12 a été repris de l’article 529 du C.C. Belge, en droit belge, les biens sans maître visent exclusivement les immeubles. Il s’agit principalement des immeubles abandonnés, enregistrés aux noms des propriétaires disparus ou d’une personne morale dissoute. Les immeubles en déshérence sont également des biens sans maîtres au sens de l’article 12 de la loi du 20 juillet 1973.
5. Les choses perdues ou abandonnées(92), épaves : toute chose perdue ou égarée dont on ne connaît pas le propriétaire. Aucune législation, cependant, n’a encore traité des épaves fluviales ou maritimes ; quant aux choses abandonnées et aux épaves terrestres, l’arrêté ministériel du 16 juin 1926 prévoit la vente aux enchères un an après leur remise à l’administrateur territorial.
6. Les biens acquis par expropriation pour cause d’utilité publique. Ces biens tombent dans le domaine privé avant d’être affectés dans le domaine public.
7. Les biens obtenus au moyen des modes habituels d’acquérir la propriété. La composition du domaine privé n’est pas limitativement définie par la loi “ foncière ” (loi du 20 juillet 1973), comme celle du domaine public n’est qu’exemplative(93).

III. MODES D’ACQUISITION DES BIENS DOMANIAUX

Pour les Etats comme pour les particuliers, point de propriété sans acquisition. Mais les modes d’acquérir les biens nationaux sont nombreux et différent aussi pour la plupart des modes d’acquisition du droit commun. Ces modes sont :

– la nationalisation (qui est prévu aussi par la Résolution 1803);
– l’expropriation pour cause d’utilité publique (ce mode l’est également);
– l’acquisition à titre onéreux ;
– la déshérence successorale ;
– les choses perdues et sans maître ;
– confiscations spéciales ;
– aides et dons ;
– biens vacants ;
– l’usucapion.

IV. PARTICULARITE DES BIENS DU DOMAINE

Les biens du domaine public sont hors commerce et tiennent leur statut en raison du fait qu’ils sont affectés à l’usage public ou à un service public et pour cette raison, ils sont inaliénables, incessibles et insaisissables. “ En principe, il ne sont pas susceptibles de transmission puisque une personne de droit public est censée ne jamais disparaître ou mourir ”(94).

“ Toute fois ils peuvent faire objet d’une concession réglementée par le droit administratif, c’est le cas des autorisations de voirie et des permis de stationnement(95)”.

Il y a lieu de mentionner les aisances de voirie et la possibilité laissée au propriétaire riverain de la voie publique de laisser couler les eaux de son toit sur la voie publique.

Ce qui implique que la puissance publique peut accorder des droits “ très limités(96) ” sur le domaine public.

Les biens du domaine privé sont dans le commerce, cessible mais :

– ils demeurent insaisissables ;
– leur cession n’est jamais à titre gratuit ;
– cette cession est toujours soumise à des formalités.

-> Maintien en vigueur du régime colonial

L’article 2 de la loi fondamentale dispose : “ les lois, décrets et ordonnances législatives, leurs mesures d’exécution ainsi que toutes les dispositions réglementaires existantes au 30 juin 1960 restent en vigueur tant qu’ils ne seront expressément abrogés.

Ni le Pouvoir central, ni le Pouvoir Provincial n’ont pris, pendant la période allant du 30 juin 1960 au 1er août 1964, un texte abrogeant les textes coloniaux relatifs aux régimes fonciers.

Le 1er août 1964, la RDC a une nouvelle constitution. Et l’article 43 en son alinéa 4 dispose que “ …une loi nationale réglera souverainement le régime juridique des cessions et des concessions foncières faites avant le 30 juin 1960 ” ; lors du colloque du “ foncier et minier ” tenu à Élisabethville du 10 au 18 novembre 1964, le ministre des terres, mines et énergie du gouvernement central, concluant qu’il ne semblait pas douteux q’une réforme du régime foncier soit souhaitable et que cette réforme constitue une des tâches primordiales du gouvernement central … ” et imprescriptible de l’Etat ”.

83 Séverin MUGANGU, op. cit., p. 70.
84 Thomas LWANGO, Cours de Droit civil des biens, G2 Droit, UCB, 1996 – 1997, inédit.
85 M.A. FLAMME, Droit administratif, T II n° 413-432, Bruxelles, Brûlant, 1989, cité par François Tulkens ; “ Le domaine public et la protection de l’environnement ” in Quel avenir pour le droit de l’environnement, Bruxelles, BURPRESS, 1995, p. 136.
86 Séverin MUGANGU, Cours de droit civil des biens, syllabus, inédit, G2 Droit, UCB, 1998 – 1999, p. 27.
87 Séverin MUGANGU, op. cit., inédit, p.23.
88 Idem. p. 24.
89 Idem. p. 27.
90 Séverin MUGANGU, op.cit, inédit, pp. 20 à 43.
91 Gaston KALAMABAY, op. cit., p. 62.
92 Séverin MUGANGU., op. cit, p.128.
93 Thomas LWANGO, Cours de Droit civil des biens, inédit, UCB, G2 Droit, 1996-1997, p. 62.
94 Idem. p. 63.
95 Séverin MUGANGU, op.cit, inédit, pp. 21 à 29.
96 Séverin MUGANGU, op.cit, inédit, pp. 21 à 29.

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