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2)b. L’image contemporaine des femmes et le cas de la femme hyper-sexualisée

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Après nous être interrogés sur l’image de la femme que renvoient les médias à partir des années 1980 particulièrement, nous pouvons nous interroger sur le type de représentations que nous percevons de la société aujourd’hui, à la fois dans les médias japonais, mais aussi dans les médias occidentaux.

Nous pouvons également effectuer une comparaison significative entre les images qui nous parviennent au travers du cinéma et des animés représentant les femmes de façon très sexuelle, avec la réalité des rapports homme/femme au Japon. Cette comparaison nous permettra de constater la différence entre les images médiatiques et la société.

En effet, nous sommes abreuvés de nombreuses images nous venant du Japon : manga, animés, photographies des rues tokyoïtes… les femmes y montrent alors quelquefois un visage traditionnel : ce que l’on voit dans des films tels que Geisha réalisé par Rob Marshall, par exemple, film américain adapté du roman du même nom du romancier Arthur Golden. Présentant le monde des geishas avant la Seconde Guerre mondiale, ce film adopte une vision « romancée » des femmes japonaises, grâce à des images élégantes, à la beauté des kimonos, vêtements traditionnels, coiffures et rituels inchangés depuis des siècles.

Cette image traditionnelle qui fascine le public occidental s’oppose à une image que nous croyons alors plus en accord avec la société d’aujourd’hui : en effet, on trouve fréquemment des images de femmes « hyper-sexualisée », dans les manga, les séries et films d’animation. Ce terme d’« hyper-sexualisation » correspond bien à l’abondance des images numériques, des différents médias véhiculant cette image sexuelle de la femme japonaise, en telle contradiction avec son image traditionnelle : on les retrouve sur Internet, sur les écrans de cinéma, à la télévision. De nombreux blogs, sites de vidéos en streaming, offrent
au monde entier cette image de la Japonaise 3.0, femme médiatisée à l’extrême, en images réelles ou en animation, qui paraît alors sous une forme sexuée à l’extrême. Les dessins et films érotiques et pornographiques japonais abondent et nous laissent croire que le Japon est une société sans tabous sexuels, sans pudeur. Le Japon est en effet plein de contradictions, et les images médiatiques qu’il nous renvoie des femmes japonaises contribuent à maintenir une réelle distance entre ses représentations et la réalité de la société japonaise.

Ainsi, l’écrivain et spécialiste du Japon Ian Buruma a constaté qu’en dépit d’une culture confucianiste qui consiste à se cacher, pour maintenir les formes, il n’y avait pas de culture plus ouverte que la culture japonaise du point de vue sexuel.(98) On sent d’ailleurs très bien ce manque d’inhibitions dans les dessins animés et manga japonais. Les hentai, manga porno, ont d’ailleurs un nom signifiant « perversion » : les Japonais excellent dans l’art de mettre en scène les fantasmes sexuels les plus fous, sans tabous.

Cependant, face à ces mœurs en apparence relâchées, les chiffres montrent un Japon beaucoup plus conservateur : très peu d’unions se font en dehors du mariage, et le désintérêt croissant pour le mariage explique la baisse de la natalité. De plus, on assiste au phénomène des « sexless » couples qui ne vivent pas leur sexualité ou ne s’adonnent au sexe qu’à des fins procréatrices.(99)

Les Japonais ont peu d’appétit sexuel : une a deux fois par semaine pour les gens âgés de trente ans, une fois par mois vers les trente cinq ans ; puis la fréquence va en décroissant.(100)

Autre preuve de ce que nous pourrions voir comme un tabou vis-à-vis de la sexualité, la pilule peu dosée n’est pas encore autorisée comme moyen de contraception. Seule la pilule à un dosage important (donc ayant des conséquences hormonales importantes) est autorisée dans le cadre d’un traitement. Ceci explique également le fait qu’il y ait de moins en moins de rapports, les jeunes femmes redoutant une grossesse non désirée, le préservatif n’étant pas fiable à 100%. Les jeunes femmes des nouvelles générations souhaitant avoir des enfants plus tard et se marier plus tard qu’autrefois, on comprend aisément que les rapports sexuels ne soient pas aussi fréquents que dans d’autres pays. Selon le gouvernement, l’interdiction de la pilule aiderait à lutter contre le sida et la « promiscuité » (symbolisant par ailleurs le caractère sacré du mariage). En réalité, selon certains spécialistes, il s’agit d’une façon de contrôler et d’avoir un pouvoir de pression.(101)

Parallèlement à ce manque d’appétit sexuel, à la baisse de la natalité et au désintérêt croissant pour le mariage, l’image actuelle que projette le Japon est en accord avec les phénomènes complexes et contradictoires de la société japonaise : d’un extrême à l’autre, entre pudeur et mise en scène, politesse extrême et vulgarité, dissimulation et exhibitionnisme.

Comme nous l’avons constaté plus tôt, nous nous accordons sur le fait que les images qui nous parviennent des femmes japonaises sont contradictoires : les femmes traditionnelles se retrouvent parmi leur opposé total : hôtesses dans les bars, jeunes filles délurées dans les rues, adolescentes prostituées, ce que nous avons vu plus tôt comme étant le phénomène tristement courant du « enjo kosai ».

Les médias véhiculent l’image d’une femme moderne ; seulement celle-ci est vue à travers le regard des hommes. L’idéal n’est plus une femme comme la ryosai kembo, mais désormais, soit une femme forte, sexuellement puissante ; soit son opposé, qui sera alors plus proche de l’idéal traditionnel, une jeune femme soumise, objet du désir sexuel masculin.

Les magazines féminins empressent la femme d’affirmer, voir d’afficher sa sexualité. Les jeunes adolescentes se prostituent pour correspondre à l’idéal chic parisien, l’image sexy et indépendante des jeunes filles des magazines occidentaux.

Le Japon se débat entre ses traditions et sa modernité et les médias montrent ce combat à travers les diverses images de femmes qu’on y trouve : nulle généralisation est possible au Japon, tant les femmes vivent des vies différentes selon leur milieu, leur profession, leur âge. Il n’y a pas une seule image possible.

Les geishas existent toujours, « reliques » d’un lointain passé, effacé depuis par la nouvelle génération de filles modernes. Le Japon maintient ses traditions mais la femme est bien loin de l’image d’autrefois : la geisha est certes toujours en kimono, mais aujourd’hui elle mène sa vie comme une femme moderne ; elle utilise un Ipod, un Iphone, un ordinateur portable. La lycéenne s’exhibe dans des vêtements manga, une mode dite « kawaii » ; elle crée une mode incongrue, nouvelle, totalement déjantée et loin des modes occidentales, même si afficher un sac de marque Vuitton ou Chanel ajoute un chic incomparable à son aura.

Aujourd’hui la nouvelle génération s’exhibe avec une mode inspirée à la fois de la culture pop manga, ou de la culture occidentale ; mais si les médias véhiculent une image « sexuelle » avec les publicités, les mannequins et les photographies de rues, il est important de noter que la notion de ce qui est sexuellement attirant au Japon est bien différente de la nôtre. Ce qui nous paraîtra osé ne l’est pas du tout pour les Japonais. Par exemple, la nuque est un endroit du corps particulièrement attirant pour un Japonais. En revanche, les jambes et les fesses ne l’intéressent pas du tout, contrairement aux Occidentaux. Ainsi, les jeunes femmes qui montrent leurs jambes dans les rues ne sont pas du tout perçues comme étant provocantes.

Nous pouvons conclure cette première partie en effectuant le constat suivant : depuis la Seconde Guerre mondiale, la femme japonaise a su évoluer, trouver une place plus proche de celle de l’homme, place qui autrefois était si éloignée et séparée, maintenue dans une sphère complètement opposée. La distinction entre les sphères masculines et les sphères féminines s’est affaiblie ; depuis qu’elle a réussi à s’intégrer de façon plus « légitime » dans le monde du travail, la femme des nouvelles générations aujourd’hui ne choisit plus entre carrière ou famille, elle fait en sorte de combiner les deux. Le mariage n’est plus son seul but dans la vie ; la jeune Japonaise n’imagine plus sa vie sans une carrière, un métier.

Cependant on constate que les traditions ne sont jamais très loin ; leur poids se fait encore sentir sur les épaules des jeunes japonaises. Celles-ci se retrouvent alors confrontées à des choix difficiles : une carrière, oui, mais elles doivent aussi penser au mariage et à avoir des enfants ; même si leur âge lors de leur mariage recule, il est inconcevable que ce jour n’arrive pas.

Même si elle veut une carrière, elle sait que certains secteurs ne sont pas vraiment faits pour elle, « et c’est bien comme ça (102)» , car elle n’a pas la force pour certains métiers, comme médecin. En effet, les femmes japonaises pensent qu’être médecin nécessite une force physique que les femmes n’ont pas. Fumiko, jeune Japonaise interrogée par Nilsy Desaint dans Mort du père et place de la femme au Japon, le dit très clairement : « c’est très dur, il faut porter les patients (103)». Elle n’est pas non plus faite pour un métier à lourdes responsabilités.

Elle peut évoluer dans sa carrière, mais elle choisit le plus souvent une carrière proche du rôle traditionnel de la femme : avec les enfants, avec les personnes âgées, dans les domaines artistiques… car ce sont des domaines plus « appropriés » aux femmes. Les médias lui donnent envie de se façonner une nouvelle image, mais celle-ci reste dominée par le regard masculin, puisque les hommes dominent majoritairement le monde des médias. Elle est alors montrée sous deux aspects : la femme forte et la femme soumise. Et en Occident, elle est alors souvent perçue sous un angle sexuel.

La femme de la nouvelle génération cependant, ne peut se compartimenter, se ranger dans des catégories aussi facilement : les magazines féminins écrits par des femmes, montrent bien que les Japonaises vivent des vies bien variées et différentes selon leur âge, leur catégorie sociale, leur profession… les messages des médias varient alors sensiblement.

D’une façon générale, nous pouvons conclure sur le fait que la Japonaise moderne est encore dirigée dans ses choix, elle garde un statut différent de celui de l’homme dans la société : mais les évolutions de ces dernières années lui permettent aujourd’hui d’avoir un métier, une carrière, de l’indépendance, et d’ensuite concilier cela avec une vie familiale. La Japonaise moderne n’a plus une seule vie : elle en a plusieurs : mère, épouse, icône sexuelle, étudiante, career woman.

Nous pouvons à présent nous intéresser au cinéma d’animation japonais, l’un des médias les plus importants au Japon, où les rôles féminins abondent et offrent de multiples perspectives d’analyse.

98 Jolivet Muriel, Homo Japonicus, op.cit. p.143
99 Jolivet Muriel, Homo Japonicus, op.cit., p.201
100 Ibid, p.211
101 Desaint Nilsy, Mort du père…, op.cit., p.250
102 Desaint Nilsy, « Entretien avec Fumiko », in Mort du père et place de la femme au Japon…, op.cit., p.200
103 Ibid, « entretien avec Fumiko » in Mort du père…, op.cit., p.195

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