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2.2 Le « néo-objet réflexif »

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Cette évolution vers une communication devenue autonome questionne donc sur la notion d’intelligence de l’objet. Les évolutions considérables opérées dans le domaine de l’objet ces dernières années introduisent une ère où objets du quotidien et informatique sont sur le point de fusionner, nous dirigeant vers l’utilisation d’objets hybrides. L’arrivée de ces objets marque alors la possibilité de rendre intelligent ou communicant ce qui était autrefois inerte. Cette intelligence se distingue à travers différents facteurs que l’on peut aujourd’hui imputer à ces objets.

Polysémisme autour du terme « réflexif »

Ainsi, l’objet qui communique est qualifié de « réflexif ». L’objet n’agit plus, il interagit, devenant par ce terme interactif. Cette notion d’interactivité met ainsi en avant les caractéristiques même de l’acte de communiquer : si ces objets communiquent c’est qu’ils échangent, amenant les entités du processus à réagir les unes sur les autres. De cette manière nous pouvons jouer sur l’étymologie du terme et qualifier l’objet numérique de réflexif selon deux spécifications : réflexif dans le sens de la réflexion pensée (information et langage et réflexif dans le sens du réflexe réactif (échanges partagés).

A travers cette première utilisation il apparaît effectivement important de rappeler l’une des avancés majeure de cette ère numérique : la création d’un langage. La machine ou ordinateur est vecteur de cette communication, elle est le moteur de son fonctionnement. Le schéma est, comme nous l’avons vu, le suivant : l’homme envoie des informations à la machine, celle-ci effectue alors trois actions puisqu’elle va dans un premier temps traduire cette information de manière à l’assimiler par le biais de son propre langage, suite à cela elle intégrera le message et confectionnera sa réponse avant de, enfin, traduire cette réponse dans le langage de l’Homme pour lui communiquer. Le langage de la machine au départ exclusivement composée de chiffres (langage machine) a ainsi évolué vers un langage plus « humain » intégrant des mots et des notions compréhensibles par l’Homme (langage d’assemblage). La machine s’est ainsi adaptée à
L’Homme, illustrant sa capacité à traiter tous types de symboles et tous types d’opérations. Plus que l’Homme lui-même, elle sait d’ailleurs s’adapter à tous les hommes malgré son langage propre : la machine est polyglotte universelle. D’ordinateur calculateur nous passons ainsi à la notion d’objet communicant à celui de l’élaboration d’une sorte d’Intelligence Artificielle (IA . Alors que l’intelligence nous est toujours apparue comme une capacité propre au genre humain, il semblerait donc que, par son processus de communication, l’activité de la machine puisse être assimilée au fonctionnement humain. Turing compare en effet la pensée de l’être humain à un ensemble de règles formelles agissant sur un ensemble de symboles, tandis que l’ordinateur de son côté s’adapte aux règles pour les appliquer sur des symboles définis.

L’ordinateur en vient alors à se rapprocher de la pensée humaine développant un constat annonciateur d’une interrogation révélatrice : l’ordinateur peut-il penser ?

La seconde utilisation du terme réflexif abordée dans cette analyse est en lien direct avec la première que nous venons de développer. Il s’agit d’appréhender le terme de réflexif dans le sens du réflexe réactif. Nous venons en effet de voir que l’objet est capable d’une communication avancée mais encore faudrait-il que l’échange résultant de ce processus soit judicieux.

Pour introduire ce point nous pouvons considérer que l’objet pouvant être qualifié de « traditionnel » et l’objet numérique sont tous deux dotés d’interface se trouvant dans la capacité d’effectuer une tache et donc de créer l’interaction. Alors que, à ce stade, l’objet traditionnel s’arrête à l’exécution de la demande, l’objet numérique se distingue par sa capacité à réagir et induire une succession de réactions avec l’utilisateur. Cette particularité introduit ainsi la notion d’interfaces illimitées et, par ce biais, d’échanges.

Pour opérer ces échanges, l’objet moderne doit pouvoir reconfigurer continuellement son interface en fonction du comportement de l’Homme et de son environnement. Or, le caractère imprévisible de ces éléments constitue un défi pour l’objet : nous ne pouvons naturellement pas anticiper tous les besoins et les configurations d’utilisation dictées par l’Homme. Face à la diversité de notre quotidien l’objet doit alors avoir conscience de ces éléments pour savoir par la suite s’y adapter.

Cette capacité d’adaptation va être régit par l’environnement technologique s’étant construit autour de ces objets. Comme nous l’avons vu, le monde numérique s’est enrichi par l’arrivée de l’Internet des Objets tissant un réseau de communication inter-objets.

Ces nouveaux objets sont ainsi connectés à des liens invisibles leur offrant la capacité de communiquer avec l’étendue de l’environnement social en diffusant ou captant des données ou en analysant l’information. Ce processus de « machine’ to’machine’ » ouvre l’objet à son environnement en développant l’idée de l’accessibilité à une information omniprésente en temps réel.

Les échanges sont enrichis, illimités

Cet « éco-système informationnel »(1) permet donc à l’objet d’atteindre un certain niveau d’autonomie contribuant à lui donner la possibilité d’assurer une continuité de communication. L’objet peut alors réagir permettant des échanges illimités et « enrichis ».

Suite à cette étude du terme réflexif appliqué aux nouveaux objets, il apparaît que ces derniers savent communiquer entre eux et avec nous, recueillir des informations sur leur environnement et agir ainsi dessus de manière intelligente. Nous pouvons ici les qualifier d’objets intelligents dans le sens où ces objets sont dotés d’une capacité à « gérer » un processus d’échange continu d’informations de manière cohérente face à des entités capables de réflexion.

D’après le scientifique Joël de Rosnay, “Un matériau intelligent est à la fois sensible, adaptatif et évolutif. Il possède des fonctions qui lui permettent de se comporter comme un capteur (détecter des signaux, un actionneur (effectuer une action sur son environnement ou parfois comme un processeur (traiter, comparer, stocker des informations. Ce matériau est capable de modifier spontanément ses propriétés physiques, par exemple sa forme, sa connectivité, sa viscoélasticité ou sa couleur, en réponse à des excitations naturelles ou provoquées venant de l’extérieur ou de l’intérieur du matériau. »(2)

Ainsi la richesse de l’Internet des Objets couplée à la capacité de l’objet à communiquer à l’Homme donne lieu à un rapport d’échanges porteurs d’un impact social considérable. Ces objets marquant par leur pouvoir de transmission et leur omniprésence dans nos vies sont aujourd’hui pourvus d’un potentiel à répondre à de vrais besoins à travers le rôle du Néo-objet.

Introduction au Néo-objet

Face à cette capacité de « communication augmentée », nous interférons au quotidien avec des objets relationnels évolués qui ont appris à approfondir leur rapport à l’Homme. Nous avons vu que ces objets intelligents se développent en lien avec la société, percevant leur environnement et s’y adaptant. Ces objets deviennent aujourd’hui le symbole d’une révolution technique moderne « préparée » capable de faire face aux problématiques évolutives pesant sur notre société. Ils se révèlent alors comme une véritable part de réponse à ces problèmes de plus en plus complexes.

Les systèmes d’exploitation ont en effet atteint un point de maturité et suffisamment de souplesse pour transformer quasiment tous les types de dispositifs en systèmes intelligents. A travers cette prolifération technologique, chaque objet nous entourant devient ainsi susceptible de connexion et d’interaction, développant leur rapport à notre société. Aujourd’hui, la puissance du réseau et la révolution technologique que ce mouvement représente amène à développer un véritable monde connecté dans lequel nous trouverons bientôt plus d’objets intelligents que d’êtres humains. Il apparaît donc aujourd’hui que tout l’enjeu réside dans notre conscience et notre aptitude à maitriser cette révolution pour en faire un atout et traiter ce flux d’informations de manière à le rendre pertinent pour notre existence. Cette pertinence se retrouve alors dans la capacité à utiliser ces objets face aux évolutions sociales guidant nos besoins et se répercutant sur nos usages et comportements.

Les informations et données drainées par ces objets apparaissent rapidement comme des témoins porteurs de ces besoins, permettant de les cibler et les appréhender pour y apporter la réponse adéquate. L’objet intelligent devient ainsi le mieux placé pour faire face à ces besoins : par définition il a la faculté d’en saisir les enjeux et de s’y adapter pour développer la réponse appropriée. De cette manière, il apparaît que le néo-objet intègre auprès de l’usager d’aujourd’hui la production de ce que l’on pourrait qualifier de services intelligents. Nous sommes ainsi face à un nouveau paradigme de conception où l’objet est la conséquence de services rendus nécessaires par les besoins, les envies de l’époque et les nouvelles technologies.

Si nous avions auparavant des objets qui produisaient des services, il apparaît maintenant que le système s’est inversé amenant les services à produire les objets de notre environnement.

Jean Louis Fréchin pose ainsi sa propre définition du nouvel objet d’aujourd’hui, structurant et synthétisant les notions que nous avons pu aborder :

« Le « NéoObjet » est un support et une représentation animée par un programme qui porte et hybride des fonctions, des représentations, des interactions et de l’information pour tenter de proposer une utilité, un usage, ou des pratiques. Le « NéoObjet » offre des fonctions et des services invisibles ou non tangibles qui n’existent que par le résultat qu’elles produisent. »(3)

Depuis l’objet traditionnel au nouvel objet numérique, la communication a ainsi toujours représenté un rôle central dans leur conception. Forts de l’arrivée des nouvelles technologies qui impacta directement le domaine des objets de notre quotidien, ces derniers ont alors évolué au fil du temps et des avancés pour arriver aujourd’hui à l’état d’une sorte de méta-objet augmenté. D’un objet qui permet de communiquer nous sommes ainsi passé à l’objet qui communique lui-même, avant d ‘évoluer vers un objet capable d’une autonomie, celle-ci alors associée à un certain degré d’intelligence le dotant de capacités de réaction face aux enjeux sociaux à travers le rôle d’un objet-service adapté.

Ces objets modernes ont donc développé une véritable capacité d’adaptation et d’intégration les rendant dorénavant indispensables à notre quotidien. Ils occupent une place de plus en plus importante dans la société, définissant même notre rapport à l’environnement (qui, rappelons-le, est constitué de signes, de situations ainsi que des objets eux même et, à travers ces évolutions, il apparaît aujourd’hui que ces Néo-objets enrichissent tout en complexifiant les interactions de notre époque.

C’est au cœur de cet environnement changeant que l’Homme du 21ème siècle doit réussir à trouver sa place, une réflexion que l’on retrouve particulièrement présente chez le designer, lui-même se trouvant au cœur de la conception et des perspectives d’évolution de ces nouveaux outils. Quel est alors le rôle évolutif du designer dans notre quotidien ? Quel est son rapport à ces nouveaux objets ?

1 notion théorisée par Joël de Rosnay dans son ouvrage « L’homme symbiotique : regards sur le troisième millénaire»
2 Joël de Rosnay, Les matériaux intelligents, Texte de la 278e conférence de l’Université de tous les savoirs donnée le 4 octobre 2000
3 Article « Qu’est-ce qu’un objet aujourd’hui ? » rédigé par Jean Louis Fréchin dans le cadre d’une publication sur www.nodesign.net

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