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2. Lier la politique de sécurité à des questions économiques et marketing

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Il y a un point sur lequel tout le monde s’accorde, aussi bien les dirigeants du club que les supporters : le plan « Tous PSG » a été mis en place en grande partie pour redorer l’image désastreuse du club. En revanche beaucoup d’anciens abonnés s’accordent à dire que ce plan est avant tout un plan de marketing et communication. Pour Ben, de la Brigade Paris, les choses vont plus loin : « le plan Leproux masque le véritable but des opérations. Colony Capital [l’actionnaire majoritaire du club] veut attirer de nouveaux investisseurs. La violence, finalement, ils s’en servent comme d’un prétexte. Ce qui leur importe c’est de faire taire le mouvement supporter en tribunes, pour lisser l’image du PSG »(47). Difficile, en effet, pour un club d’attirer de nouveaux investisseurs si ces derniers risquent de se faire insulter à chaque match par les supporters. Simon, ex-président des Lutece Falco, dessine une analyse quasi identique : « Le véritable objectif du plan Tous PSG est peut-être aussi de faciliter la politique de Colony Capital. Ils n’ont jamais caché leur jeu : ce qui les intéresse, plus que le club, c’est d’obtenir le bail du Parc des Princes. La France ayant obtenu l’Euro 2016, ils pourront remettre le stade à neuf, avant de vendre le PSG. Ils n’auront plus qu’à livrer au futur propriétaire un stade vidé de tous ses éléments perturbateurs, ou gênants »(48).

Afin de changer son image, le club s’est également associé à SOS racisme afin de lancer la campagne « Place au respect ». C’est un des points importants du plan, et nous avons pu nous en rendre compte lors de notre observation au Parc des princes. Tout d’abord, en empruntant les escaliers, on peut remarquer différentes pancartes avec des messages forts tels que : « La pelouse est sacré, l’herbe est interdite », « Il y a de meilleurs façon de mettre le feu », etc. Ensuite, une banderole permanente est placée sur presque toute la largeur de la tribune latérale Paris sur laquelle est inscrite : « Au Parc des princes, la plus belle des victoires c’est le respect ». Avant le début du match, un clip sur le thème du respect a été projeté sur les grands écrans, avec des joueurs prenant la parole pour essayer de faire passer le message. Ce jour-là, le club avait également mis en place un tifo (selon le nom donné aux spectacles organisés dans les tribunes avec des feuilles, drapeaux, etc.). Sur chaque siège un grand papier cartonné rouge ou bleu (les couleurs du PSG) attendait les spectateurs. Au dos de chaque papier, un mot fort était écrit tel que « solidarité », « respect », etc. En plus de toutes ces initiatives mises en place pour changer l’image du club en montrant un public respectueux, le speaker évoquait également très souvent l’importance du respect dans le stade.

Enfin, les stadiers, qui comme on l’a vu précédemment, sont aujourd’hui plus nombreux et ont reçu pour consigne d’intervenir très rapidement en direction des spectateurs ne se comportant pas « correctement » pour leur demander de se calmer.

On peut alors se demander si cette campagne « Place au respect » est efficace. Elle l’est selon la direction du club :. « Une trentaine de membre de SOS racisme assiste à tous les matchs du PSG au Parc des princes afin de répertorier les comportements des supporters.

Dans leur rapport, ils indiquent qu’il n’y a pas eu de comportements racistes ou d’actes de violence », explique Stéphanie Bourhis. Dans ce même rapport, l’ambiance générale est décrite comme « saine et sympathique ». Les anciens abonnés ne sont pas de cet avis.

Concernant les pancartes, par exemple, Stéphane, 40 ans, ancien abonné Auteuil et réabonné depuis janvier 2011, nous explique : « J’ai vu beaucoup de gens s’arrêter et rigoler devant. À l’intérieur, ça n’a pas changé grand-chose ». Avant d’ajouter : « Au début ils ont essayé de dire aux gens maintenant c’est comme ci c’est comme ça, notamment pour les joints, parce que là-bas ça y va, mais ils ne peuvent pas tout voir, et quand ils interviennent ils ne se mouillent pas, ils disent juste, vous êtes filmés, donc faites attention si vous ne voulez pas finir le match au poste. Les mecs en question sont restés discrets et à la fin du match ils sont repartis comme ils étaient venus ». Durant notre observation, nous avons également pu constater que plusieurs petits groupes de 10 à 15 personnes, placés en bas des tribunes, rejetaient tout ce qui était mis en place par le club. Ils ont donc sifflé et lancé des insultes durant le clip sur le respect ainsi que pendant le déploiement du tifo à l’entrée des joueurs, alors qu’ils avaient d’ailleurs déchiré et jeté les papiers en carton au préalable. Stéphane doute de la réussite de l’entreprise : « ces tentatives du club pour rendre les supporters plus respectueux ne seront jamais efficaces, c’est comme dans la société, tu peux demander aux gens d’être respectueux, s’ils en n’ont pas envie, ils ne le seront pas ».

Beaucoup de supporters pointent également du doigt les objectifs marketing du plan Leproux. « Le pouvoir de contestation des ultras est très important, sur les maillots par exemple, ils vont contester si le maillot ne respecte pas les couleurs d’origine, par contre quand il est bien ils sont beaux joueurs et ils le disent aussi. Le plan permet d’écarter cette contestation », nous explique Antoine Lech. Autrement dit, le maillot actuel du PSG (à dominante rouge), n’aurait jamais été accepté de la part des supporters avant le plan Tous PSG car il ne respecte pas la tradition. Patrick Mignon résume bien la chose : « les supporters parisiens se considèrent comme des victimes des évolutions marchandes du football, sa médiatisation ou l’extension des places assises. Ils sont engagés dans la cause du football et dans leur cause, en tant qu’acteurs »(49). Loïc livre sa vision : « c’est super bien d’avoir appelé cela plan anti violence, parce que t’as l’air d’un con quand tu t’y opposes. C’est très fort médiatiquement, mais au final, c’est un plan marketing. L’idée, c’était d’augmenter le prix moyen de la billetterie, et d’attirer de nouveaux sponsors, car avec l’image désastreuse des supporters du PSG c’était compliqué ». Il dresse le même constat concernant la politique du club qui vise à attirer un public plus familial : « C’est juste un coup de communication, parce que qu’est-ce qu’ils les empêchaient de le faire avant ? Ils auraient pu le faire en tribune latérale, mais ça aurait été un manque à gagner d’inviter les femmes en tribune latérale, on perd moins en faisant ça en tribune populaire ».

En résumé, beaucoup d’anciens abonnés considèrent que le club se sert de cette lutte contre la violence comme un prétexte afin de servir d’autres objectifs (économique et marketing). Simon, ex-président des Lutece Falco, nous livre encore une fois sa vision des choses : « Sans pouvoir apporter de preuve concrète, on ne peut s’empêcher de penser qu’attirer un prochain actionnaire avec un stade complètement maîtrisé́, sans ces associations qui contestaient le prix des places, qui voulaient faire respecter une certaine tradition concernant les maillots, etc., c’est comme revendre une entreprise dans laquelle on aurait supprimé tous les syndicats. C’est plus facile »(50).

47 Arno P-E, op. cit.
48 idem
49 P. Mignon, op. cit, p. 232.
50 Arno P-E, op. cit.

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