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§2. Les limites au caractère extensible de la notion de voisin victime

ADIAL

Le critère de stabilité des relations avec ses voisins (A) pose parfois problème (B) pour faire jouer la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage.

A L’exigence d’une stabilité des relations avec ses voisins

Le trouble de voisinage ouvrant droit à réparation devant le juge judiciaire est subordonné à l’existence de relations particulières entre différentes personnes. Ces dernières deviennent des voisins à partir du moment où elles sont liées entre elles par un rapport de voisinage, caractérisé par une certaine durée ou périodicité au sein d’un territoire donné, celui de la victime, dont l’auteur du trouble fait un usage préjudiciable.

La spécificité du domaine de la théorie de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage ne se trouve pas dans des restrictions apportées au cadre géographique du voisinage mais dans les relations que ce cadre institue entre des individus amenés à coexister pendant un temps déterminé, plus ou moins long . On peut noter que la théorie des troubles de voisinage se définit plus aisément dans toutes les hypothèses à partir de la victime et de son environnement qui désigne le cadre du voisinage. Elle implique des rapports de personne à personne qui supposent, de la part du demandeur voisin, une certaine stabilité dans son occupation du fonds même si la stabilité d’exposition aux nuisances requise peut n’être que simple. Ainsi, le passant qui entend, le temps de sa promenade, les bruits du chantier n’est pas fondé à intenter une action pour trouble de voisinage. Sa présence dans l’environnement considéré ne remplit pas le caractère de constance qui lui confèrerait la qualité de voisin.

B Une stabilité de relation parfois insuffisante pour acquérir la qualité de voisin

La possibilité d’agir reconnue au locataire découle du droit personnel qui l’autorise à occuper le bien. Son contrat de location n’a pour objet que de lui permettre, précisément, de jouir des lieux pendant une période donnée. On comprend dès lors qu’on puisse aisément le qualifier de voisin. Si la stabilité d’occupation des lieux et la continuité des relations avec les voisins sont un critère déterminant pour pouvoir invoquer la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage alors les salariés d’une entreprise ont-ils la qualité de voisins et bénéficient-ils de cette théorie? En effet, les salariés se trouvent tous les jours sur les lieux du trouble et ils ont une relation quotidienne stable avec les voisins de leur entreprise, pour autant peuvent-ils se prévaloir des nuisances causées? Cette question n’est pas saugrenue puisque dans une affaire récente, des salariés d’un hôtel, s’estimant gênés par les nuisances dues à la rénovation d’un bâtiment voisin ont attaqué son propriétaire et les constructeurs pour troubles de voisinage. On ne sait encore comment les juges du fond se positionneront mais la simple mise en œuvre de cette action montre l’évolution potentielle de la notion de voisin.

Ainsi, à partir du moment où le voisin n’est plus celui qui occupe le fonds en vertu d’un titre l’autorisant spécifiquement à le faire, pourquoi les salariés ne pourraient-ils pas bénéficier de cette qualité, ou la subir ? Les limites d’une telle extension apparaissent rapidement. Tout d’abord, la distinction des préjudices respectifs du voisin employeur et des voisins salariés ne sera pas évidente à faire. Le premier étant censé offrir aux seconds des conditions de travail décentes, a dû, en principe adapter l’exécution du travail aux nuisances et, à ce titre c’est lui qui en subit un préjudice. Ensuite, certes on peut admettre qu’un salarié acceptant un travail donné dans un lieu donné, en accepte les inconvénients mais peut-on admettre que toute modification de son cadre de travail due à des éléments extérieurs lui donne droit, en cas de trouble anormal, à réparation ? De plus, comment réagir si les salariés sont mobiles, intermédiaires… ? De même, si tout trouble anormal donne au troublé le droit d’attaquer le troublant, pourquoi limiter cette action aux salariés ? Ainsi, celui dont la voiture est atteinte par la chute d’un élément du chantier pourrait attaquer sur le fondement d’un trouble anormal puisque, pendant le temps de stationnement de son véhicule près du chantier, il est un voisin, même si ce voisinage est éphémère . La jurisprudence, créatrice du principe de responsabilité pour trouble de voisinage, est d’évidence libre de fixer son domaine comme elle l’entend. Aucune raison théorique ne vient donc limiter le champ potentiel de ses bénéficiaires. Mais la solution ne serait-elle pas de cadrer une bonne fois pour toute cette notion de « voisin » pour éviter les dérives et par exemple de limiter l’application de la théorie des troubles anormaux de voisinage aux vrais voisins, bénéficiaires d’un titre d’occupation sur leur fonds ?

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