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1.2.1 REVUE DE LITTERATURE

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1.2.1.1 Clarification conceptuelle

Le travail des enfants est généralement défini par l’OIT comme la participation de personnes mineures à des activités à finalité économique et s’apparentant plus ou moins fortement à l’exercice d’une profession par un adulte. Selon les normes internationales sur la statistique du travail des enfants, la définition “large” englobe les enfants de 5 à 17 ans qui, au cours de la période de référence, ont exécuté toute activité relevant du domaine de la production générale du système de comptabilité nationale (SCN). L’OIT distingue trois (03) grandes catégories d’enfants travailleurs : les enfants occupés économiquement, les enfants astreints au travail et les enfants exécutant des travaux dangereux.

– Les enfants occupés économiquement sont ceux qui s’engagent dans toute activité dans le domaine de la production telle que définie par le SCN, ne serait-ce qu’une heure au cours de la période de référence. Ce concept comprend des formes de travail relevant tant du secteur formel qu’informel, des tâches effectuées dans le cadre familial et extra-familial, le travail rémunéré en espèces ou en nature, à temps partiel ou à plein temps ou le travail domestique (rémunéré ou non) effectué par un enfant pour le compte d’un employeur en dehors de son foyer.

– Les enfants astreints aux travaux (à abolir) constituent un sous ensemble de la catégorie des enfants occupés économiquement. Ils représentent en 2010 dans le monde, près de 70 pour cent de ceux-ci. Cet ensemble regroupe les enfants astreints au travail sous ses pires formes et ceux qui accomplissent un travail sans avoir atteint l’âge minimum spécifié pour ce travail.

– On entend par «travail dangereux» toute activité ou occupation qui, de par sa nature ou son type, se traduit directement ou indirectement par des effets dommageables pour la sécurité, la santé (physique ou mentale) et le développement moral de l’enfant. Le danger peut également être induit par une charge excessive de travail, par les rigueurs physiques associées à la tâche, ou par l’intensité du travail -durée ou nombre d’heures-, même lorsque l’activité ou l’occupation est réputée non dangereuse.

En définitive…

Dans cette étude, est considéré comme “enfant astreint au travail dangereux”, tout enfant de 5 à 17 ans, économiquement occupé, travaillant aussi bien dans les secteurs formels qu’informels, mais dans des branches d’activité dangereuses (mines et carrières, constructions) ; enfants exerçant des professions dangereuses (professions entraînant le transport de charges lourdes, l’exposition à la poussière, à la fumée, aux gaz, à l’utilisation d’outils dangereux, etc. et le travail de nuit.) ou des enfants n’effectuant pas de professions dangereuses mais travaillant au moins 40heures par semaine.

1.2.1.2 Revue théorique

Plusieurs théories explicatives du travail des enfants ont été développées. Parmi ces théories, les plus pertinentes sont :

1.2.1.2.1 Théorie de Van et Basu : l’Axiome de luxe et l’axiome de substitution

La théorie de Van et Basu a été élaborée pour expliquer sous un angle économique la mise au travail des enfants. Basée sur le modèle économique traditionnel du ménage (modèle unitaire), cette théorie tente d’expliquer le travail des enfants par la pauvreté ou le niveau de vie des ménages. Elle est basée sur deux hypothèses fondamentales appelées axiomes : « l’axiome de luxe » et « l’axiome de substitution » (Basu et Van, 1998).

L’axiome de luxe se fonde sur un présupposé comportement altruiste des parents. Il postule qu’une famille fera travailler ses enfants si et seulement si son revenu sans celui de ses enfants est relativement faible. Autrement dit, les parents retireraient leurs enfants du travail aussitôt que leurs propres revenus leur permettraient d’assurer la survie du ménage. Selon ces deux auteurs, tout ménage vise à maximiser son utilité économique (vivre dans des conditions décentes). Cette tâche incombe traditionnellement aux parents (conformément au code unitaire). Ainsi, aussi longtemps que la situation économique permet aux parents de subvenir aux besoins de leurs familles, les enfants eux, s’occuperaient d’autres activités (éducation, loisirs). Mais, aussitôt que celle-ci se détériore, les parents recourent à la main d’oeuvre de leurs enfants pour maintenir le niveau de vie du ménage.

L’axiome de substitution suppose que les enfants sont des suppléants parfaits à la force de travail des adultes ; ce qui veut dire que l’entreprise ou la firme est indifférente entre employer la main d’oeuvre infantile et la main d’oeuvre adulte, car le rendement entre ces deux forces de travail est le même.

Selon ces deux auteurs, le salaire sur le marché du travail est déterminé en fonction de l’offre et de la demande du travail. A cet effet, compte tenu de l’infériorité du salaire des enfants par rapport à celui des adultes, l’employeur aura tendance à préférer la main d’oeuvre infantile que celle adulte pour une productivité du travail jugée égale (équivalente). C’est ce qui fait que plusieurs employeurs mettent les enfants au travail dans le but d’exploiter leur force de travail.

Van et Basu montrent deux équilibres possibles : le premier concerne le « good economy » c’est-à-dire une économie dans laquelle le salaire du décideur est suffisamment élevé pour maintenir l’enfant en dehors du marché du travail. Cette situation s’apparente à celle des pays développés où les salaires des adultes sont suffisamment élevés pour que les parents puissent se passer du revenu des enfants. Le deuxième équilibre concerne le « bad economy ». Dans cette économie, l’interaction des deux hypothèses (pauvreté et substitution) contribue à la détérioration du niveau de vie du ménage. Le salaire des parents est trop faible pour leur permettre d’acheter du loisir pour les enfants. Ainsi, la pauvreté conduit les enfants sur le marché du travail qui dans cette économie sont en concurrence directe avec les adultes.

1.2.1.2.2 Théorie du capital humain : Adaptation au travail des enfants

Fondée au départ sur l’analyse de la demande individuelle et sociale de l’éducation, de la santé et de la mobilité géographique, la théorie du capital humain, élaborée par Schultz (1961) et Becker (1962) a été élargie à l’explication du travail des enfants par Diallo (2002).

Pour cette théorie, l’éducation est un bien d’investissement. En tant que telle, elle a un coût et un bénéfice. Le coût est constitué des dépenses scolaires directes (frais de scolarité, de fournitures scolaires, etc.), des dépenses indirectes (argent de poche, uniformes, frais de transport, …) et des coûts d’opportunité (travail et loisirs auxquels on renonce du fait de la fréquentation scolaire). Après l’école, on s’attend à travailler ; le bénéfice de l’éducation est ainsi le différentiel actualisé obtenu entre le coût de l’éducation et les revenus qu’on aura toute sa vie du fait d’avoir été à l’école.

D’après cette théorie, l’éducation est plus demandée dans les sociétés où son rendement est plus élevé que son coût, c’est-à-dire que là où le fait d’avoir scolarisé un enfant rapporte plus ce qu’il en a coûté. Elle est moins demandée dans les sociétés et familles où l’éducation de l’enfant coûte plus qu’elle rapporte. C’est justement à ce niveau précis qu’intervient cette théorie dans l’explication du travail des enfants.

En effet, le travail des enfants est lié au faible rendement du système éducatif surtout sur son angle d’efficacité externe. Les parents sont chargés d’assurer la survie et le développement de la famille. Pour cela, ils doivent arbitrer entre l’investissement des ressources disponibles dans le capital humain de leurs enfants et l’investissement dans le capital physique. Si l’éducation rapporte moins qu’elle coûte, l’investissement dans le capital humain des enfants remportera sur l’investissement dans le capital physique. Si l’éducation est faiblement productive, les parents congédieront automatiquement leur progéniture de l’école, investiront dans le capital physique et y utiliseront sans doute les enfants dans des activités productives.

1.2.1.2.3 Théorie marxiste : fraction des classes et travail des enfants

Cette théorie met au coeur des rapports de production, le concept de classe qui est un caractère structurel des sociétés. En analysant les positions et structures des classes, Miles (1982) dégage le processus adopté par les marxistes. Pour lui, la démarche « commence par l’identification de son mode dominant, du fait que ceci constitue le fondement pour une identification ultérieure des deux classes dominantes » (Miles, 1982 :156). Ce repérage structurel des deux principales classes antagonistes, les riches d’une part et les pauvres d’autre part, n’est cependant pas la première étape dans la division de toute société. Ceci ne révèle pas le contenu, économique, politique et idéologique spécifique à ces classes ou les structures des positions de classes.

En outre, selon lui, « A partir de là, l’analyse historique des relations économiques, politiques et idéologiques de cette formation sociale, implique la prise en considération des personnes qui occupent ces positions, leur niveau de conscience politique et stratégique qu’ils poursuivent activement (c’est-à-dire dans la lutte des classes) au sein des contraintes structurelles établies au départ » (Miles, 1982 : 156-7). Miles introduit ici le concept de fraction de classes pour expliquer les différences idéologiques au sein des classes, et émet l’idée que ce pourrait être également utile pour expliquer la situation des groupes distincts au sein de la classe ouvrière en y menant une étude sur la population noire en Grande Bretagne moderne.

Inspiré de cette théorie, Lavalette (1994) applique le concept de fraction des classes à l’étude du travail des enfants. Il affirme que la différenciation idéologique et la construction du concept « enfants » ont placé ceux-ci dans une position inférieure au sein du système de séniorité. Une telle idéologie est reproduite par les relations qui donnent une signification sociale et un sens à l’oppression de fait à laquelle les enfants doivent faire face dans le milieu social, en ce sens que sont affectées négativement toutes leurs activités dans tous les aspects de leur vie, y compris les activités sur le marché de travail.

1.2.1.3 Revue empirique

L’étude des facteurs associés au travail des enfants est souvent abordée dans la littérature sous deux angles : l’offre du travail et la demande du travail (Diallo, 2002) même si, comme le souligne cet auteur, il n’existe pas une ligne de démarcation claire entre ces deux types de facteurs.

1.2.1.3.1 Déterminants de l’offre du travail des enfants

Plusieurs facteurs expliquent la prédisposition des enfants au travail dangereux. Nous n’aborderons ici que ceux qui sont les plus essentiels.

– Pauvreté

La pauvreté, “raison majeure et omniprésente” qui limite beaucoup les possibilités économiques des familles, poussant celles-ci à recourir à tous les moyens pour accroître leurs faibles revenus, est citée comme facteur de la mise au travail des enfants (Agoli-Agbo, 2006). Les études les plus récentes ont montré un recul de la pauvreté ainsi que du travail des enfants sauf en Afrique où la pauvreté perdure et la proportion du travail des enfants en perpétuelle augmentation. Plusieurs travaux ont montré le lien de causalité entre la pauvreté et le travail des enfants.

Adjiwanou (2006) montre que la détérioration des conditions de vie des ménages les contraint à privilégier la survie quotidienne à leur bien-être futur en utilisant la capacité productive de leurs enfants. Il postule que l’investissement dans le capital humain au profit des enfants est illusoire pour les ménages pauvres dans la mesure où les difficultés financières ne leur permettent pas de répondre aux besoins d’éducation de leurs enfants. L’amélioration des conditions de vie des ménages conduit ces derniers à se passer de l’apport des enfants, et à leur garantir un bien-être futur à travers une scolarisation plus accrue. Dans un travail mené au Burkina-Faso, Lachaud (2004) a montré que les privations monétaires réduisent la probabilité de scolarisation et augmente par conséquent la prévalence du travail enfantin. Aussi, Bhukuth et Bennani (2006) dans leur étude sur le travail des enfants en milieu marocain, ont-ils montré que la précarité des conditions de vie des parents favorise le travail des enfants.

Par ailleurs une étude menée par l’OIT en 1999 au Zimbabwe, atteste que les enfants issus des milieux les plus défavorisés sont plus susceptibles de chercher un emploi. Cette étude révèle que 88% des enfants qui travaillent vivent dans des ménages où le revenu mensuel est inférieur à 2000 dollars zimbabwéens équivalent à un dollar américain (seuil de pauvreté). De ces différents travaux, une augmentation substantielle du revenu des ménages résoudrait le fléau du travail des enfants. Cependant, selon une étude rurale réalisée en milieu rural ghanéen (Canagarajah et Coulomb, 1997), la main d’oeuvre enfantine est majoritairement composée aussi des enfants issus des ménages très pauvres que des enfants issus des ménages aisés. Ce constat fait croire que si la pauvreté domine encore dans les familles des enfants travailleurs, on rencontre plus d’enfants qui choisissent de gagner un revenu plutôt que de poursuivre des études secondaires. A ce point, le travail des enfants ne relève donc plus nécessairement de la stratégie d’une famille cherchant à alléger sa pauvreté, mais plus d’une stratégie de réorientation professionnelle envisagée par l’enfant lui-même (Chantana, 1996) ; ce qui prouve que la pauvreté ne peut à elle seule expliquer la mise au travail des enfants. Cette situation nous amène ainsi à explorer d’autres facteurs notamment les qualités et dysfonctionnement du système éducatif.

– Dysfonctionnements du système éducatif

Les défaillances du système éducatif sont souvent évoqués comme l’une des causes de la mise au travail précoce des enfants (Diallo, 2002 ; Bougroum et Ibourk, 2004). Parmi ces défaillances, nous citons : l’inadéquation formation/emploi, les faiblesses internes du système éducatif et la mauvaise qualité de l’enseignement.

L’éducation, associée à la formation, a souvent été présentée comme un facteur décisif du développement tant individuel que social. Elle permet la formation du capital humain nécessaire à l’accès à un emploi décent et à un revenu (Diallo, 2002). Mais selon certaines études, l’éducation favorise la mise au travail des enfants à partir du moment où elle ne joue plus son rôle de promotion sociale qui naguère lui était reconnu. En Afrique, Asie et Amérique Latine, régions où l’on recense le plus grand nombre d’enfants travailleurs (UNICEF, 2007), on observe de plus en plus, une inadéquation marquée entre la formation et l’emploi. Selon Diallo (2002), la formation et la scolarisation y garantissent de plus en plus rarement l’emploi.

D’autres auteurs évoquent les faiblesses de l’organisation interne du système éducatif pour justifier le travail des enfants. Parfois, le travail des enfants est même effectif au sein de l’école. Il existe de nombreuses pratiques au sein de l’école, surtout en milieu rural, qui ont pour conséquence, consciemment ou non, la mise au travail des enfants. Dans une étude du travail des enfants en milieu rural togolais, Lange (1996) a identifié deux principaux comportements très répandus mais peu orthodoxes qui contribuent à la mise au travail des enfants : la construction et l’entretien par les élèves eux-mêmes de leurs écoles et l’accomplissement des tâches diverses au domicile du maître ou à son profit. Pour ces travaux plus ou moins difficiles, les élèves sont souvent contraints de sacrifier des jours, des semaines voire des mois entiers de cours. Pour les récompenser en retour, ces encadreurs favorisent leur passage en classe supérieure quand bien même ces élèves n’ont pas le niveau requis. Ce qui a sans doute de répercussions sur l’efficacité du système scolaire.

Enfin, il convient de signaler que la mauvaise qualité des enseignements dispensés, les coûts de plus en plus élevés de la scolarisation et les infrastructures insuffisantes ou très éloignées avec des effectifs pléthoriques dans les classes (Basu et Van, 1998) contribuent aussi à favoriser indirectement la mise au travail des enfants.

Face à la pauvreté grandissante et devant cette incapacité du système éducatif, les parents sont contraints de retirer leurs enfants de l’école pour les initier aux activités productives ou les envoyer en apprentissage dans certains métiers où ils sont beaucoup plus en situation d’exploitation que de formation.

– Normes culturelles

La culture est l’ensemble des croyances, des valeurs, des coutumes qui sous-tendent le comportement des membres d’une société particulière. L’environnement culturel influence l’homme à différents niveaux. Souvent saisies sur le terrain à travers l’appartenance ethnique et la religion, les normes socioculturelles sont présentées par de nombreux auteurs comme étant à l’origine du travail des enfants.

La façon de faire ressortir les liens entre le travail des enfants et les normes culturelles est la recherche d’assurances diverses par les enfants auprès de leurs parents. Etudiant le travail des enfants dans la société Bamiléké au Cameroun, Nguéyap (1996) a constaté que le travail des enfants y est assez répandu pour des raisons essentiellement culturelles. Dans cette société, un seul enfant hérite de ses parents et ne peut hériter des parents que l’enfant qui se démarque des autres par son travail dès l’enfance.

Cette explication du travail des enfants par les normes culturelles ne permet pas d’expliquer le phénomène dans toute sa globalité. Sinon comment comprendre le fait que dans une même société, dans une même communauté, certains parents mettent leurs enfants au travail alors que d’autres les en éloignent ?

– Conséquence de la pandémie du VIH/SIDA

Avec près de 30 millions d’adultes et d’enfants infectés par le VIH/SIDA en 2000, l’Afrique subsaharienne constitue la région la plus durement touchée. Cette région enregistre à elle seule 50% des 8500 infections nouvelles qui surviennent chaque jour dans le monde. Le VIH ne se limite plus aux villes mais s’étend de façon inquiétante aux zones rurales touchant la population paysanne, en particulier les personnes les plus productives âgées de 15 à 45ans. Par conséquent, un grand nombre de parents sont morts du SIDA laissant leurs familles s’enfoncer davantage dans la pauvreté, les responsabilités devenant de plus en plus lourdes pour les survivants, particulièrement les enfants (BIT, 2004). Une étude réalisée par l’UNICEF dans six pays d’Afrique de l’Est et australe conclut que : « le VIH/SIDA démantèle les familles et augmente les possibilités d’exploitation des enfants par le travail. Juste à l’âge où ces enfants devraient aller à l’école, leurs lourdes et nouvelles responsabilités de chef de famille les conduisent à abandonner leur scolarité ».

– Migration

En Afrique, beaucoup d’études ont identifié la migration comme facteur favorisant la mise au travail précoce des enfants (N’Guessan, 1997 ; Gastineau, 2002).

L’évènement fondateur fut le navire « Etinero », surpris au large de l’AOF avec 250 enfants à bord mais accostant avec zéro (0) enfants au port de Cotonou. Deux (2) ans plus tard, il a été découvert plus de cinq cents (500) enfants béninois exploités et maltraités dans les carrières d’Abeokuta au Nigeria (UNICEF, 2007).

Selon une étude réalisée au Bénin en 2002 (Ouensavi et Kelland) sur le travail des enfants, le taux de migration de la main d’oeuvre des 10-14 ans est de 8%. Dans le même ordre d’idée, Kouton et al. (2006) affirment que des 28857 employés domestiques recensés à Cotonou en Juillet 2005, seuls 13,3% étaient des natifs de la ville ; 67,1% des immigrants internes et 19,6% des immigrants externes.

– Caractéristiques du chef de ménage

Selon certaines études, les caractéristiques du chef de ménage déterminent le travail des enfants. Nous aborderons ici le sexe, le statut matrimonial, le niveau d’instruction, et l’âge.

. Age, sexe et statut matrimonial du chef de ménage

La littérature montre que les femmes chefs de ménage font plus travailler leurs enfants (Diallo, 2002 ; Lopez-Acévédo, 2002). Ces auteurs expliquent la situation par le niveau de vie et le profil démographique de ces ménages. En effet, les ménages dirigés par les femmes seraient généralement pauvres. Dans ce contexte, l’apport de tous les membres de ces ménages est indispensable pour la survie de ces derniers. Les enfants y sont donc mis au travail d’autant plus que ces ménages sont ceux où le rapport de dépendance est généralement très élevé. Cette conception va évoluer dans le temps et selon les résultats de ses travaux en Afrique de l’Ouest sur le travail des enfants, Diallo (2008) reviendra pour montrer cette fois-ci que toutes choses égales par ailleurs, les enfants ont plus de chances de travailler lorsque le chef de ménage est un homme.

Outre le sexe du ménage, l’âge conditionne aussi le travail des enfants. Plus le chef de ménage vieillit, plus il sollicite le soutien des enfants surtout en absence des adultes (Lopez-Avécédo, 2002).

Enfin, il est montré que les chefs de ménage non mariés mettent généralement leurs enfants au travail dans des proportions plus élevées que ceux mariés.

. Niveau d’instruction du chef de ménage

Plusieurs études empiriques ont montré que le niveau d’instruction du chef de ménage est à l’origine de la mise au travail par ce dernier de leurs progénitures. Selon ces études, la relation entre le niveau d’instruction et la prévalence du travail des enfants est négative. Lachaud (2004) explique cette relation par le fait que la scolarisation n’est pas valorisée par les ménages où le chef lui-même n’a pas été scolarisé. Pour Diallo(2002), connaissant les avantages et exigences de la scolarisation, les chefs de ménage instruits offrent les conditions favorables et privilégient l’acquisition en capital humain à leur progéniture.

D’autres auteurs comme Diallo et Koné (2001), Bougroum et Ibourk (2004) donnent une explication indirecte à la relation. Selon eux, les chefs de ménage instruits ont plus de chances d’avoir des revenus élevés leur permettant non seulement de mieux scolariser leurs enfants, mais aussi d’accéder aux services payants des personnes adultes, ce qui dispense les enfants du marché de travail. Pour ce qui concerne les enfants confiés ou ceux qui sont orphelins, ceux-ci ne sont pas dispensés de ce phénomène du fait de leur statut dans le ménage.

S’il est vrai que l’instruction influence négativement la mise au travail des enfants, il n’en demeure pas moins que certains ménages (où le chef et/ ou le conjoint ont un niveau d’instruction élevé), emploient des filles rurales en bas âge comme domestique rappelant ainsi le phénomène de Vidomégon (enfants confiés) au Bénin.

. Religion du chef de ménage

Son impact a été relevé par Carnagarajah et Coulombe dans une étude réalisée au Ghana en 1997. Selon ces deux auteurs, la religion joue un rôle non négligeable dans la mise au travail des enfants. En effet, à cause de leur doctrine sur les relations familiales, sur la richesse et sur la vie en général, les animistes et les chrétiens font plus travailler leurs enfants que les musulmans. Ce qui remet en cause les travaux de Marcoux (1993) qui montre qu’au Mali, la plupart des enfants de la rue sont envoyés par leur maître coranique et de ce fait, sont exposés au travail. Il faut donc prendre avec réserve cette affirmation. Nous n’allons pas nous en tenir qu’aux conclusions de nos analyses en confrontant les variables.

Ceci nous amène à explorer d’autres caractéristiques (celles de l’enfant) notamment le statut de l’enfant dans le ménage.

– Caractéristiques de l’enfant

. Age et sexe de l’enfant

L’âge est une variable cruciale pour toute étude démographique. Les études sur le travail des enfants montrent que les parents prennent leur décision d’investissement en éducation des enfants et celle du travail des enfants en fonction de l’âge et du sexe de l’enfant. Ainsi, plus l’âge de l’enfant croît, plus celui-ci travaille (blunch et al, 2000; Diallo, 2001; Bougroum et ibourg, 2004).

En fait, cette situation serait due au fait que les travaux qu’exercent les enfants sont généralement des tâches manuelles qui loin de requérir des compétences techniques, exigent prioritairement de l’enfant la force et l’endurance qui s’acquièrent avec l’âge. Selon les résultats d’une enquête réalisée au Ghana, au Sénégal et en Inde (1991 et 1992), Ngadande montre la relation entre l’âge et le phénomène. Ces résultats révèlent que les enfants travailleurs sont en moyenne plus âgés (treize, quatorze ans) que ceux qui ne travaillent pas (dix, onze ans). De même, le sexe de l’enfant détermine sa mise au travail.

Cependant dans la littérature, les avis divergent quant au sexe qui est le plus défavorisé. Edorh (2003) montre que les fillettes sont plus mises au travail que les garçons. Cet avis partagé par Lachaud (2004), reçoit également l’approbation de Souleymanou (2001) qui a montré que les filles camerounaises ont 1,6 fois de chances de travailler que les garçons. Cette inégalité selon le sexe s’explique par la discrimination des filles à l’égard de la scolarisation. Les filles sont moins scolarisées et contribuent aux tâches ménagères et au commerce alors que les garçons sont scolarisés. Par contre plusieurs auteurs ont montré que les garçons sont soumis à un risque plus élevé de travailler que les filles (BIT, 1997;Diallo 2002). Cette controverse s’explique selon lopez-Acévédo par le type d’activité considéré. Ainsi, la faible présence des filles parmi les enfants travailleurs est due au fait que ces études tiennent rarement compte des travaux domestiques.

. Statut de l’enfant dans le ménage

La tradition africaine est marquée par une forte mobilité des enfants entre les ménages. La circulation des enfants est une pratique perçue comme un mode de partage des responsabilités parentales et symbolise la solidarité intra et inter familiale.

Ainsi, les enfants sont placés ou confiés au sein des ménages pour être scolarisés ou apprendre un métier. Selon Vignikin(2003) en acceptant d’accueillir et d’élever les enfants qui ne sont pas les leurs, les ménages tuteurs s’assurent ainsi une main d’oeuvre gratuite. Cette situation des enfants confiés est confirmée par une étude dans laquelle Baya et Zoungrana (1996) montrent que la participation des enfants au travail varie selon le lien de parenté avec le chef de ménage. Les enfants du chef de ménage travaillent moins et ont une scolarisation prolongée. Un autre statut de l’enfant est celui où il est l’enfant biologique du chef du ménage mais dont l’épouse n’est pas sa mère biologique. Ces enfants n’ont pas les mêmes chances d’être scolarisés que les autres dont la mère vit dans le ménage. Ainsi, ce sont eux qui ont une situation difficile et qui sont mis au travail.

. Milieu de résidence

Dans presque toutes les études de population, le milieu de résidence est une variable très importante. Wakam (2003) montre que le milieu rural favorise davantage la mise au travail des enfants que le milieu urbain mais que la prévalence du phénomène n’est pas négativement associée au degré d’urbanisation. En effet, au Cameroun, il constate que la prévalence du phénomène est plus élevée dans les métropoles (Douala et Yaoundé) que dans les villes secondaires.

1.2.1.3.2 Facteurs liés à la demande de travail des enfants

Ce sont des facteurs extérieurs aux ménages attirant les enfants sur le marché du travail. De façon générale, ce sont les facteurs qui poussent les employeurs à recourir à la main d’oeuvre enfantine. En fait, il est question du coût de la compétitivité de la main-d’oeuvre enfantine, du développement technologique, et du développement du secteur informel.

– Facteurs du coût et de la compétitivité

Dans la littérature, le faible coût de la main d’oeuvre enfantine constitue l’un des facteurs essentiels du travail des enfants. A cause de leur faible rémunération, les enfants sont souvent privilégiés sur le marché au détriment des travailleurs adultes généralement expérimentés. A ce propos, Diallo (2002), étudiant le travail de la femme de maison en Côte d’Ivoire, a constaté que ce métier est essentiellement une affaire de petites filles. Pour lui, les petites filles y travaillent prioritairement car elles coûtent nettement moins chères à leurs employeurs que les femmes adultes.

Aussi, la mondialisation a- t-il eu pour effet l’enrôlement des enfants sur le marché du travail. Depuis les accords de l’OMC sur le libre échange des biens et des services, ce phénomène tend à s’amplifier. En effet, avec une productivité basse et une faible capitalisation, les unités de production du Tiers Monde, face aux grandes structures des pays industrialisés sur le marché mondial se maintiennent en produisant surtout à des prix bas. L’emploi de la main d’oeuvre enfantine bon marché dans ces pays est donc perçu comme l’un des moyens de leur survie.

– Niveau du développement technologique

La possibilité d’engager les enfants dans le travail dépend largement aussi de la technique de production utilisée. La faible mécanisation des facteurs de production a une forte incidence sur le travail des enfants. Ce constat a été fait par de nombreux auteurs qui se sont intéressés au travail des enfants. Pour eux, la forte prévalence du travail des enfants au 19ème siècle en Europe et actuellement en Afrique est liée au faible niveau de développement technologique de ces régions à ces différentes époques (Stella, 1996). L’avènement de la mécanisation a en revanche, selon d’autres auteurs, constitué un élément fondamental dans la mise au travail des enfants. Désormais avec la machine, il ne fallait être ni physiquement fort ni doué de qualifications précises pour pouvoir prétendre à certains emplois. Mais l’idée, quoique réaliste est assez contestable. Quel que soit le degré de simplicité de la mécanisation, l’utilisation de la machine exige toujours de la part de ses utilisateurs un minimum de qualifications, dont disposent rarement les enfants.

La revue nous a permis d’avoir une idée des variables qui influencent la soumission des enfants aux travaux dangereux. Ainsi, nous avons trois catégories de facteurs : Les facteurs liés à la prédisposition au travail des enfants : il s’agit des faiblesses institutionnelles, de la pauvreté, des disfonctionnements du système éducatif, les normes culturelles et la pandémie du VIH/SIDA. Ensuite, la catégorie des caractéristiques du ménage et de son chef. Elle regroupe le niveau de vie du ménage, l’âge, le sexe et le statut matrimonial du chef de ménage, sa religion et son niveau d’instruction. Enfin nous avons les caractéristiques de l’enfant qui pourraient le prédisposer aux travaux dangereux. Il y a son âge et son sexe, son statut dans le ménage et son milieu de résidence.

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