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1.1- Revue de littérature

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Le 18 janvier 2008, lors de son 33ème Sommet ordinaire tenu à Ouagadougou, la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a adopté l’Approche commune sur les migrations. Celle-ci a pour objectif de traiter la question migratoire intra et inter régional dans toutes ses dimensions.

Fruit de deux années de réflexion entamée depuis 2006, cette nouvelle approche fait échos à une résurgence du multilatéralisme relatif au dossier migratoire, surtout à partir des années 2000 et la signature de l’Accord de Cotonou, ainsi qu’à une intensification des efforts d’intégration économique en Afrique de l’Ouest et plus généralement en Afrique. L’approche commune de la CEDEAO sur les migrations vise à « trouver les voies et moyens pour optimiser les avantages de la migration pour le développement et d’en atténuer l’impact négatif ». Six enjeux prioritaires sont identifiés : l’optimisation des bénéfices de la mobilité intra régionale et la garantie de la circulation à l’intérieur de l’espace CEDEAO, la promotion du développement local dans les zones de départ et dans d’autres zones d’accueil potentielles, l’optimisation de la migration légale vers des pays tiers, notamment en Europe, en Amérique du Nord, dans le reste de l’Afrique et du Monde, la lutte contre les migrations irrégulières, la protection des droits des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile ainsi que l’inclusion de la dimension genre dans les politiques migratoires.

Avec cette approche commune, les objectifs poursuivis par la CEDEAO en matière de migration prennent une nouvelle orientation : il ne s’agit plus uniquement de mettre en place la libre circulation des personnes à l’intérieur de l’espace communautaire mais également d’adopter des mesures relatives aux migrations interrégionales, et particulièrement vers l’Europe. De plus, la CEDEAO entérine l’approche de l’Accord de Cotonou, qui envisage la migration non pas comme facteur de développement des pays ouest africains mais plutôt le développement des zones d’origine comme moyen de restreindre les migrations (Kabbanji et al, 2009).

Afin d’encourager la compréhension du phénomène, surtout de l’immigration irrégulière en Afrique de l’Ouest, l’OSIWA (Open Society Initiative for West Africa) a parrainé en 2008 une recherche dans quatre pays de l’Afrique de l’Ouest : le Ghana, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. Selon les documents présentés au Colloque Judiciaire organisé à cet effet les 9 et 10 mars 2008, à Abuja au Nigeria portant sur le thème Migration et Expulsion en Afrique de l’Ouest : Développer des Solutions Efficaces édité par Sam Amadi, la recherche a trouvé que « l’absence de démocratie, de respect pour les libertés individuelles et collectives, le manque de transparence dans la gestion des affaires publiques et l’injustice qui est établie en tant que système de gouvernance, et le manque d’opportunités égales pour tous les citoyens, constituent certaines des conditions qui incitent les jeunes à s’aventurer vers l’extérieur». Ceci est renforcé davantage par un ensemble de facteurs d’attraction, comme l’opportunité pour le développement économique, qui deviennent disponibles avec la mondialisation.

L’Afrique a donc continué à être la source de travailleurs qualifiés et non qualifiés qui soutiennent la croissance économique sur d’autres continents au détriment de sa propre croissance. Un atelier des parties prenantes organisé par l’OSIWA à Dakar, au Sénégal en 2008, a discuté les résultats de la recherche et a proposé un Colloque International de haut niveau afin de répondre aux défis de la gestion de la migration et de l’expulsion en Afrique. Le colloque a revu les cadres légaux et institutionnels existants aux niveaux multilatéraux, régionaux et bilatéraux et a conclu qu’il existait des mesures afin de porter remède aux violations des droits dans la migration. Mais, le colloque a conclu qu’il y avait un manque de capacité et d’expériences qui leur permettraient d’être utilisés afin de répondre à ces violations.

Badie (2009) perçoit la migration comme un fait social, un bien public mondial et estime que la migration peut être accompagnée et transformée, dès lors qu’on joue en même temps sur les conditions de sa production et de son institutionnalisation. L’une et l’autre s’inscrivent dans un jeu coopératif d’autant plus performant qu’il inclut tous les partenaires : l’État d’origine, l’État d’accueil, les migrants eux-mêmes, considérés comme acteurs sociaux transnationaux et insérés dans leur propre environnement communautaire et familial. Tous sont porteurs d’intérêts diversifiés, mais pas nécessairement antagoniques. La bonne mobilité se construit à l’optimum de chacun de ces intérêts, selon le modèle « gagnant-gagnant ». Aussi, considère-t-il la migration comme un bien public mondial dans la mesure où si, par exemple, l’Europe représente 32 % du PIB mondial et seulement 6 % de la population du globe, elle devient évidemment un pôle de migration. Si, d’ici 2020, l’Italie perd 3 millions d’actifs et que le Nigeria en gagne 25 millions, le jeune nigérian se trouvera exposé à une contrainte sociale migratoire. Il poursuit en affirmant que Les migrations concourent ainsi au rééquilibrage démographique de l’espace mondial, dans une période où les contrastes et les décalages deviennent dangereux pour tous. Aujourd’hui, elles répondent de 56 % de la croissance démographique des pays développés, et jusqu’à 89 % de celle de l’Europe, gravement affectée par le vieillissement de sa population. Sur le plan économique, les transferts de fonds opérés par les populations migrantes vers leur pays d’origine sont passés de 102 milliards de dollars en 1995 à 232 milliards en 2006, dépassant le montant de l’aide publique au développement. Dans le domaine du savoir et de l’éducation, l’échange de fonctionnalités est exemplaire : les 86 000 chercheurs étrangers installés aux États-Unis ne contribuent pas seulement à l’essor de la science américaine, ils aident aussi à son rayonnement et à la construction, souvent mythique, de son image de supériorité et de primauté, cultivée partout dans le monde. Ce faisant, cette population devient l’importateur privilégié, dans son propre pays, d’un savoir de pointe : en son sein, les 15 000 chercheurs chinois formés aux États-Unis se distinguent plus particulièrement en enrichissant ce qu’ils ont appris d’un capital de savoir propre, acquis au travers de leur propre socialisation, et qui s’inscrit en synergie avec les résultats de leur apprentissage en terrain américain. Les performances chinoises en matière de nanotechnologie se sont alimentées de ces flux d’échanges jusqu’à leur permettre de se hisser parfois au-dessus de la technologie américaine.

Babou (1994) met en exergue la contribution des immigrés sénégalais sur l’économie de leur pays d’origine. Le journaliste rapporte que de mai 1993 date de l’ouverture de la branche new-yorkaise de la Banque de l’Habitat du Sénégal (BHS) à janvier 1994, elle a transféré environ 500 millions de F CFA vers le Sénégal. De plus de 909 clients au début de l’année 1993, la banque comptait déjà en août 1994, 2500 clients. Le volume de transferts à cette période vers le Sénégal culminait jusqu’à 43 millions de F CFA en une journée. Durant les 08 premiers mois de l’année 1994, le volume global des transferts était de 5,2 millions de dollars américains soit plus de 02 milliards 700 millions de F CFA.

Selon Terre d’Afrique 2 paru en Mai 1994 dans un article contenu dans le rapport du Programme Migrations Internationales en Afrique de l’Ouest (PMIAO), les mouvements migratoires ont une importance particulière sur le continent africain et cela pour deux raisons : d’abord c’est un phénomène ancien puisqu’on retrouve les traces de grands mouvements de population en Afrique avant la colonisation ; ensuite il s’agit souvent de migrations de grande ampleur.

Le journal estime qu’en 1994 5 % de la population africaine ne vit pas dans son pays d’origine, soit 36 millions de personnes et souligne par ailleurs que la complexité et le caractère fluctuant des migrations internationales rendent difficiles toutes prévisions en la matière ainsi que l’appréhension difficile des nombreux facteurs déterminants la migration comme l’évolution des conjonctures économiques des pays d’accueil et d’origine ainsi que la fermeture des frontières des pays du nord.

Lascoux Costa (1994) estime que la connaissance des phénomènes migratoires est imparfaite et les évaluations chiffrées sont peu fiables et fait remarquer que l’observatoire des migrations internationales de l’OCDE (Organisation de la Coopération et du développement Economique) déplore périodiquement le manque d’harmonisation des sources statistiques. Elle affirme que «le flou qui préside aux débats sur les migrations internationales joue sur la méconnaissance et entretient les fantasmes des opinions publiques dans les pays d’accueil ».

Parlant des flux migratoires, elle soutient qu’ils soulignent les déséquilibres engendrés par le développement inégal et par les écarts considérables des évolutions démographiques. Elle distingue trois types de migrations que sont les «migrations pendulaires» qui conduisent les travailleurs à s’exiler quelques mois pour un salaire décuplant leur revenu initial, et à revenir chargés de biens de consommation dont la revente s’avère lucrative. Les «migrations tournantes» qui se font à l’échelle d’une région planétaire, d’un pays à l’autre et au gré des événements. Enfin les «migrations de santé» qui se développent à la mesure des progrès scientifiques des pays du nord et de la dégradation de la situation sanitaire dans les pays du sud.

Gendreau et Merabet (2007) montrent que l’analyse des mouvements migratoires maliens constitue un cas d’école. Ce pays est souvent cité en exemple pour le rôle de sa diaspora dans le développement interne, notamment au travers des transferts financiers vers les communautés villageoises, mais subit en même temps de plein fouet la pression occasionnée par les politiques migratoires restrictives des Etats Membres de l’Union Européenne et que traiter des questions migratoires dans le contexte de défiance actuel est une véritable gageure. En effet, des nombreuses discussions avec les partenaires maliens, il ressort que la migration n’a jamais constitué un problème ; elle est au contraire considérée comme un élément central de développement économique du pays.

Pour l’UA (2006), c’est à la lumière des enjeux de la migration et de ses ramifications (socioéconomiques, politiques etc.) que le Conseil des ministres de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) avait adopté, en juillet 2001 lors de sa 74ème session ordinaire à Lusaka, en Zambie, la décision CM. Dec. 614 (LXXIV) demandant que soit élaboré un cadre stratégique pour une politique de migration en Afrique à soumettre à l’examen des Chefs d’Etat africains. Le document cadre de politique de migration a donc identifié neuf questions thématiques majeures de migration et leurs sous thèmes ainsi que des recommandations soumises aux Etats membres de l’UA. Le cadre de politique de migration fournit des lignes directrices exhaustives et intégrées de politique sur les questions thématiques et sous-thèmes ci-après : a)Migration de la main-d’œuvre, b) gestion des frontières, c) migration irrégulière, d) déplacement forcé, e) droits de l’homme des migrants, f) migration interne, g) données sur la migration, h) migration et développement, i) coopération et partenariat inter-Etats.

Schatzer (2000), dans son ouvrage publié par les Nations Unies et l’Office International des Migrations, présente les différents enjeux des migrations et aborde des questions essentielles telles que l’intégration des migrants dans le pays hôte, les conséquences de la migration irrégulière et la nécessité d’une coopération interrégionale au niveau des Etats concernés. Il évoque également les conséquences du développement inégal des pays et le rôle prépondérant de la mondialisation dans l’ampleur et la généralisation des déplacements des populations. L’auteur, à partir de l’analyse des différentes causes de la migration et des implications de ce phénomène apporte un éclairage précieux sur la dimension internationale du sujet car son ouvrage est consacré à l’analyse du phénomène migratoire dans plusieurs pays du monde notamment l’Afghanistan, l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, le Sénégal.

Igué (2008) analyse les migrations dans un contexte national. L’ouvrage structuré en six chapitres allant de l’historique de la migration béninoise à son impact socio-économique en passant par les causes, l’appréciation quantitative et les différentes formes d’organisation et d’insertion des Béninois dans les pays d’accueil sans oublier les avantages que le Bénin tire en retour. Il met l’accent sur les conditions d’émigration des Béninois ainsi que leurs impacts dans les pays de départs que dans les pays d’accueil.

Les facteurs justifiant l’immigration des étrangers au Bénin sont multiples.

Primo la relance des activités économiques dans les années 1990 en dépit de la variabilité du taux de croissance économiques et des chocs extérieurs que sont les crises énergétiques, alimentaires, financière et économique. Secundo sur le plan politique le Bénin s’inscrit dans une perspective d’aspiration à l’état de droit, la démocratie libérale et au rayonnement culturel. Le maintien de façon permanente depuis 1990 d’un climat de paix et de démocratie qui génère une confiance et incite les étrangers à résider sur le territoire. Cette situation se trouve renforcée par les crises politiques dans les pays voisins comme le Togo et la Côte d’Ivoire en 2001. Tertio, l’hospitalité béninoise, la porosité des frontières et le nombre important des voies d’immigration, le brassage culturel et la difficulté de différenciation des communautés linguistiques d’une frontière à l’autre favorisent également les mouvements d’immigrations. La corruption facilite également les fraudes et les passages d’une frontière à une autre. A cela s’ajoutent le nombre limité des agents de police aux postes frontaliers et l’insuffisance des équipements de contrôle aux frontières. Enfin sur le plan législatif et réglementaire, la Constitution de la République du Bénin accorde les mêmes droits et libertés aux nationaux et aux étrangers. La facilité et la liberté de transfert des capitaux notamment les bénéfices, les dividendes et les fonds acquis en cas de cession ou de cessation d’activité de l’entreprise dans le cadre de la législation en vigueur pour tout investisseur étranger favorisent également l’immigration vers le Bénin (OIM, 2011).

Parmi les immigrants, ils existent ceux qui rentrent de façon irrégulière sur le territoire national ou font entrer des marchandises de manière frauduleuse. Ils empruntent les routes d’immigration irrégulière, à l’est les principaux axes d’immigration sont Idigny-Ilaro, Idigny-Ilesha, Idigny-Abéokuta, Idiroko-Abéokuta, Kraké-Nigeria, Owodé-Nigeria, Igolo-Nigeria. A l’ouest on peut citer les axes Pira-Togo, Tchetti-Atakpamé, Hila-condji-Lomé Aplahoué-Togo. Au nord les axes Doso-Malanville, Porga-Burkina-Faso (OIM, 2011).

Ce sont autant d’avis antérieurs sur les questions migratoires qui ont éclairés notre opinion sur les orientations à donner à ce travail de recherche.

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