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1. LES CONDITIONS D’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITE CIVILE DU PREPOSE AUTEUR D’UNE INFRACTION PENALE

ADIAL

On en recense trois : tout d’abord, l’infraction commise par le préposé doit être volontaire (A). Ensuite, elle doit avoir donné lieu à une condamnation pénale de son auteur (B) et, enfin, on se rendra compte que le fait pour le préposé d’avoir obéi à un ordre de son commettant est indifférent au prononcé de la décision (C).

A. L’EXIGENCE D’UNE FAUTE PENALE VOLONTAIRE

L’assemblée Plénière fait expressément référence dans son attendu de principe à la faute commise intentionnellement par le préposé susceptible d’engager la responsabilité civile de ce dernier. Quid de l’infraction pénale involontaire : serait-elle également à même de renverser l’immunité civile du préposé consacrée par l’arrêt Costedoat ? Ou bien est-ce que l’arrêt Cousin n’entend réserver cette hypothèse qu’au cas de la faute pénale intentionnelle ? Certains auteurs ont avancé que l’extension de cette solution à la faute pénale non volontaire était envisageable dans la mesure où la référence à la faute intentionnelle ne résulterait que de circonstances de l’espèce. Pour autant, cette théorie n’est pas si évidente et, nous le verrons par la suite, sur ce point l’arrêt Cousin a donné lieu à diverses interprétations.

B. L’EXIGENCE D’UNE CONDAMNATION PENALE DU PREPOSE

La seule commission d’une faute pénale intentionnelle par le préposé n’est pas suffisante pour que sa responsabilité civile soit engagée. En effet, l’Assemblée Plénière a exigé que le préposé fasse l’objet d’une condamnation pénale en raison de ladite faute, pour que le principe de l’immunité civile soit renversé. A contrario, si pour une raison ou pour une autre le préposé devait échapper à toute condamnation, son irresponsabilité civile devrait être déclarée. On peut ainsi imaginer l’hypothèse où la victime n’engagerait pas de poursuite ou de la prescription de l’acte publique.

C. L’INDIFFERENCE DE L’ACCOMPLISSEMENT DE L’ACTE REPREHENSIBLE DANS LE CADRE DE LA MISSION CONFIEE

Ce dernier point est fondamental et la solution retenue par la Haute Juridiction ébranle fortement le principe de l’arrêt Costedoat en marquant même un retour en force à la solution antérieure à cet arrêt. Rappelons en effet que Monsieur Cousin, dans les moyens de son pourvoi, soulevait le fait qu’il avait accompli les actes répréhensibles sur ordre de son employeur et que, par conséquent, il avait agi dans les limites de sa mission, ce qui faisait obstacle à l’engagement de sa responsabilité civile, conformément à l’arrêt Costedoat. Il convient de relever la pertinence de ce motif. En effet, l’un des arguments en faveur d’une immunité civile du préposé consistait notamment en l’absence de marge de manoeuvre de ce dernier dans le cadre de son travail puisque le préposé agit conformément aux directives de son employeur. On connaît pertinemment les risques qui peuvent découler du refus par le préposé d’obtempérer. Ainsi, même lorsque le commettant ordonne à son préposé d’accomplir un acte illégal, les menaces qui pèsent sur ce dernier en cas de refus le contraignent à obéir. A l’inverse, certains auteurs contestaient cette conception et estimaient que le préposé conservait son libre arbitre dans toute circonstance. Cette dernière théorie nous semblait pour notre part très idéaliste et non adaptée à la réalité concrète du monde du travail. Dans un monde parfait, tout individu devrait pouvoir dire « non » sans craindre d’être réprimandé par la suite, d’autant plus lorsqu’il s’est opposé à un acte contraire à l’ordre public. Cependant, le monde du travail est loin d’être un monde parfait et la crainte, voire l’angoisse, de la précarité amène souvent les personnes les plus honnêtes à accomplir des actes illégaux, qu’ils réprouvent d’ailleurs eux-mêmes.
Néanmoins, entre la sauvegarde des intérêts privés et la sauvegarde de l’intérêt public, la Cour de Cassation a tranché et a décidé, dans son arrêt du 14 décembre 2001, que «le préposé condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis, fût-ce sur l’ordre de son commettant, une infraction ayant porté préjudice à un tiers, engage sa responsabilité civile à l’égard de celui-ci». Autrement dit, peu importe que le préposé ait agi sur ordre de son commettant et que, par conséquent, il se soit placé dans les limites de sa mission, sa responsabilité civile sera recherchée. On constate donc que ce qui justifie l’irresponsabilité civile du préposé ayant commis une faute civile, à savoir d’agir dans les limites de la mission qui lui a été impartie par son employeur, ne justifie pas cette même irresponsabilité lorsque la faute commise par le préposé est une faute pénale. On aboutit donc à une dualité de régimes suivant la qualification de la faute du préposé, alors que les conditions de l’article 1382 du Code civil sont réunies. Certains auteurs invitaient donc la Cour de Cassation à harmoniser ses solutions et appelaient à la cohérence.
Comment se justifie donc la solution de l’arrêt Cousin ? La réponse apparaît avec évidence : la sauvegarde de l’ordre public. Ainsi, toute faute intentionnelle susceptible de nuire à l’ordre public doit faire l’objet d’une réprobation spéciale d’ordre moral et est à même de faire sauter des verrous protecteurs tels que, en l’espèce, l’immunité civile consacrée par l’Assemblée Plénière en 2000 au profit du préposé. Cependant, cette justification ne tient pas si l’on considère que la limite à l’irresponsabilité civile du préposé réside dans l’existence d’une condamnation pénale et non pas seulement dans l’existence d’une faute pénale intentionnelle.
Ne faudrait-il donc pas davantage considérer que la solution de l’arrêt Cousin trouve sa justification dans le principe de l’autorité du criminel sur le civil ?

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