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1. Introduction au paysage des Abîmes

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La zone étudiée se situe dans la région Rhône-Alpes, au sud-est de Chambéry, où la cluse du même nom rejoint la vallée de l’Isère. (voir figure 1) Ce carrefour de communication est bordé par les Massifs de Chartreuse, Belledonne et des Bauges (voir figure 2). Le massif du Granier, qui limite au nord-est le massif de Chartreuse, domine la vallée de l’Isère (voir figure 4). Il est connu des spéléologues pour son important réseau de galerie, le troisième de France. Il abrite aussi le plus important gisement d’ossements d’ours des cavernes d’Europe, dans la grotte de la Balme à Collomb. Les communes des Marches, Apremont et Myans ont été recouvertes partiellement, au milieu du XIIIe s. (probablement en l’an 1248), par une coulée de boue gigantesque qui a entrainé un pan du massif du Granier. Cette catastrophe, qui a fait environ mille victimes et disparaitre plusieurs villages, a certainement forgé un paysage que l’on pourrait qualifier de lunaire, mêlant boues, marnes et rochers ayant atteint des tailles incroyables (voir figure 5 sur la pierre hachée). Les hommes sont venus très tôt se réinstaller sur ces terres désolées qui ont d’abord servi de pâturages, avant d’être petit à petit remises en valeur. Aujourd’hui le mont Granier porte les stigmates de cette catastrophe, tout comme les trente kilomètres carrés qui s’étendent sur son versant et à ses pieds, et qui portent le nom évocateur d’Abîmes de Myans (voir figure 3). Cet évènement est aussi à l’origine de la naissance du sanctuaire de la vierge de Myans, l’un des plus importants de la région. (suite page 14)

Situation générale et administrative de la zone étudiée (données IGN)

Figure 1 : Situation générale et administrative de la zone étudiée (données IGN)

Situation physique de la zone étudiée (données SCPAN)

Figure 2 : Situation physique de la zone étudiée (données SCPAN)

Situation de l'éboulement du Granier sur les photographies aériennes (©IGN Géoportail

Figure 3 : Situation de l’éboulement du Granier sur les photographies aériennes (©IGN/Géoportail)

Vue panoramique sur la cluse de Chambéry et la vallée de l'Isère depuis le clocher de l'Eglise de Myans

Figure 4 : Vue panoramique sur la cluse de Chambéry et la vallée de l’Isère depuis le clocher de l’Eglise de Myans

La Pierre Hachée (photos F. Biasini et © ADS)

Figure 5 : La Pierre Hachée (photos F. Biasini et © ADS)

Paysage des Abîmes de Myans (1) (photos F. Biasini et © ADS)

Figure 6 : Paysage des Abîmes de Myans (1) (photos F. Biasini et © ADS)

Paysage des Abîmes de Myans (2) (Photos Biasini, Petit, Quiquerez)

Figure 7 : Paysage des Abîmes de Myans (2) (Photos Biasini, Petit, Quiquerez)

Selon la légende, Dieu fit écrouler la montagne sur le prieuré du Granier car ses moines en avaient été injustement expulsés. Ces mêmes moines trouvèrent refuge dans l’église de Notre-Dame de Myans. Ils y prièrent la vierge qui aurait alors arrêté la course des rochers et de la boue au pied de l’église.

Alors que ce territoire devrait s’inscrire dans les paysages classiques de flancs de montagne et de vallées glaciaires, son histoire catastrophique laisse présager un paysage unique. L’effondrement du mont Granier a créé une topographie fine et un enchevêtrement complexe difficilement descriptible. Les documents actuels (photographies, couvertures aériennes, satellites, ainsi que les différents types de cartes) ne suffisent pas à rendre compte de ce paysage(1). Il doit se pratiquer afin de saisir tous les traits qui le caractérisent. Quel que soit l’endroit d’où ils sont abordés, c’est la première rencontre avec un « mollard » qui marque l’entrée dans les Abîmes de Myans (voir figure 6). Ce terme savoyard(2) désigne de petites buttes de tailles variées formées lors de l’éboulement, et dont des rochers peuvent émerger. Ces derniers s’ajoutent à ce terrain accidenté, certains rochers gisant là ou leur course les a arrêtés.

Ces « petits » accidents de terrain, qui sont peu visibles sur les cartes topographiques, ont pourtant contraints l’aménagement des Abîmes. Ainsi les chemins peuvent serpenter pour les contourner, alors que les routes plus importantes les creusent et déplacent les rochers. Certaines habitations s’y appuient, tandis qu’ailleurs ils servent à délimiter les parcelles, construire des murets, ou décorer les pelouses. Dans l’ensemble, les habitants des Abîmes semblent avoir tiré parti de cette contrainte (voir figures 7 et 8).

Il faut ajouter à cette microtopographie de bosses des « creux » qui subsistent aujourd’hui sous la forme de lacs et zones humides. Les tailles de ces pièces d’eau varient de façon importante de la simple mare de quelques mètres carrés, au lac de Saint-André qui mesure plus de sept hectares. Si les cartes actuelles ne dénombrent qu’une demi-douzaine de lacs, dans la réalité ils sont beaucoup plus nombreux et constituent aussi une part importante de l’identité de ce territoire.

Enfin la présence de la vigne, en quasi monoculture par endroits, rappelle que c’est ici qu’est produit l’AOC « Vin de Savoie Abymes ».

L’ensemble du paysage des Abîmes de Myans témoigne de l’importance de cet évènement encore aujourd’hui, après plus de sept siècles de transformations et d’aménagements. Mais ce sont certainement les textes contemporains de la catastrophe qui permettent d’en appréhender toute l’ampleur.

Paysage des Abîmes de Myans (3)

Figure 8 : Paysage des Abîmes de Myans (3)

1 Le paysage des Abîmes de Myans a d’ailleurs inspiré de nombreux peintres de l’école de Chambéry au XXe s. (voir Annexes « le Mont Granier et les peintres p i.)
2 Voir glossaire. Les autorités locales, conscientes du patrimoine paysager unique de leur commune, ont inscrit au Plan Local d’Urbanisme (PLU) la sauvegarde des buttes (mollards) si caractéristiques du paysage d’effondrement.

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