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1-1 Un travail social contesté

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1-1-1 Le new public management

Né dans les années 80 dans les pays anglo-saxons, le new public management concerne un certain nombre de logiques gestionnaires issues du secteur privé. Les anciennes formes de gestion des administrations sont considérées comme obsolètes. Dans une société post industrielle caractérisée par la globalisation et une économie des savoirs, il existe un décalage trop important entre la bureaucratie, ses règles et ses procédures, et la société actuelle [OSBORNE, GAEBLER, 1993]. Cette doctrine du new public management décompose le secteur public en unités stratégiques organisées par produit « manageable » [HOOD, 1995]. Une compétition est introduite « entre organisations publiques mais aussi entre organisations publiques et privées » [GANGLOFF, 2009].

La crise de l’État Providence, dans un grand nombre de pays, légitime ces nouvelles perspectives managériales, malgré des tensions fortes : « l’opposition entre l’utilitarisme de la stratégie et du marketing et un certain égalitarisme démocratique apparaît alors flagrante » [GILBERT, 2004]. Ce bouleversement idéologique s’est appliqué au cours des années 90 à l’hôpital puis à l’ensemble du secteur sanitaire et social en France.

1-1-2 Un morcellement du secteur social initié par la culture du contrat

En trois décennies, les travailleurs sociaux sont passés d’une pratique et d’une culture communes à un morcellement des acteurs du social dû à rationalisation des pratiques dans une logique gestionnaire qui contribue à les transformer en « intervenants du singulier » [ION, 2006], face à un public fragilisé par la pauvreté de masse.

On observe un glissement terminologique avec l’émergence de termes comme « intervention sociale » ou « intervenants sociaux », la notion d’intervenant marquant une indétermination, une forme de fin du processus de professionnalisation car ce terme englobe les professionnels et les bénévoles ou bien des professions en contacts de publics spécifiques qui ont grandement évolués avec le chômage de masse.

Le processus de reconnaissance du travail social est apparu dans le contexte des « trente glorieuses » où des modalités de rapports entre l’usager et le travailleur social se sont mises en place, ont été transmises par les IRTS et ont permis une professionnalisation des pratiques adaptées à des publics ciblés (toxicomanes, sans domiciles fixes par exemple). Ce lien entre usagers et travail social est grandement complexifié : aujourd’hui, architectes, urbanistes, économistes, géographes, sociologues apportent d’autres références et d’autres rapports au temps et au politique que les travailleurs sociaux « traditionnels ».

Ainsi les formateurs du GRETA, ou bien de l’AFPA ou bien les agents du Pôle Emploi, mais également tous les acteurs de la Politique de la Ville et des politiques transversales de lutte contre l’exclusion, peuvent développer des aptitudes traditionnellement utilisées par les travailleurs sociaux. Le développement de la pauvreté de masse a, de surcroît, remis au goût du jour le bénévolat avec les militants des restos du coeur ou d’autres organisations caritatives, ou bien les semi-professionnels des fondations, par exemple. Il existe, ainsi, une mise en cause des Travailleurs Sociaux qui vient, dans un premier temps, de leur mise en concurrence avec les bénévoles ou les semi-professionnels mais, également, de la nécessité pour tous les métiers de contact, dans les zones difficiles notamment, d’utiliser des techniques d’entretien dans le face à face avec l’usager.

Le pilotage des nouveaux dispositifs qui ont accompagné les lois de décentralisation a nécessité le recrutement de cadres qui viennent des sciences de l’administration et de la gestion.

Une première scission s’est opérée entre les personnes en contact avec le public : « le front » et les personnes assurant la gestion des équipes de travailleurs sociaux : « l’arrière » [ION, 2006] et ceux pilotant les dispositifs des politiques transversales. Il y a eu division du travail des travailleurs sociaux et apparition de nouveaux objectifs avec une nécessité de rendu compte et d’un suivi financier de chacune des actions collectives engagées par les services.

Le public a subi, lui aussi, des évolutions dues à la dégradation de la situation économique et les travailleurs pauvres constituent, par exemple, un public pour lequel les dispositifs classiques ne trouvent plus de réponses prédéterminées. C’est cette nouvelle singularité des publics qui a permis le développement en parallèle et la résurgence du bénévolat dans l’action sociale et du parcellement des professions d’aides à la personne et d’aide sociale dans les structures associatives, par exemple à visée caritatives [ION, 2006].

Ces éléments contribuent à l’émiettement des métiers du social et à une perte de reconnaissance des travailleurs sociaux, notamment dans leur formation initiale.

1-1-3 Le modèle libéral et la figure du manager et du médiateur : les emblèmes du travail social professionnalisé depuis 30 ans

Le courant néo-libéral se défini comme l’apparition dans les politiques publiques locales, du développement d’une économie marchande des services jusqu’au sein du secteur social et médico-social. La loi du 2 janvier 2002, avec notamment la démarche qualité et les différents référentiels et labellisations y afférant, constitue les prémisses d’une nouvelle idéologie gestionnaire, une « gouvernance, extraordinaire maquillage à l’anglo-saxonne des nouveaux rapports de pouvoirs ». |CHAUVIERE, 2004, p130]. Un basculement s’est opéré des valeurs éthiques, non marchandes et républicaines, vers les valeurs marchandes telles que l’individualisation de la consommation de service, la concurrence, la flexibilité, la solvabilité. Le social est ainsi rattrapé par l’économique et devient, à son tour, marchandise et « les capacités analytiques et défensives du secteur social lui-même sont en recul ». [CHAUVIERE, 2004, p135].

On passe de l’idéal de la solidarité nationale à l’idéal du social rentable (accès aux services à la personne, au bien-être). Le modèle entrepreneurial s’impose avec l’État comme partenaire, parmi d’autres, rendant « floues les limites entre l’Action Sociale et l’économie de service » [CHAUVIERE, 2004, p208]. C’est la fin du «champ unifié de l’Action Sociale » [CHAUVIERE, 2004, p212].

La culture du contrat imprègne les services sociaux : management par objectif, contrats de plans, contrats de villes ou de pays, et pénètre les pratiques sociales de type « clinique ».

Cette logique ne « fonctionne pas avec les enfants, le fou, le malade ou le détenu notamment, tout comme les personnes tenues à l’écart de la société contractuelle » [CHAUVIERE, 2004, p212]. Ces populations tendant à être gérées par la puissance publique plus qu’à être « travaillées par le social » pour retrouver une place dans la société.

Selon l’auteur, Il s’agit plutôt de préserver la gestion de la paix civile par tous les moyens classiques d’un côté et, de l’autre, de promouvoir une économie des services sociaux sans s’obliger nécessairement au bonheur de tous, c’est-à-dire « en renonçant à la conception de l’intérêt général et de l’intégration » [CHAUVIERE, 2004, p.237].

Cette position est nuancée par d’autres auteurs pour lesquels c’est au dispositif de formation initial et continue des travailleurs sociaux de s’adapter à cette nouvelle donne. Il se dessine ainsi « une mutation dans les pratiques de formation : il ne s’agit plus de seulement traiter la formation des travailleurs sociaux du point de vue des pratiques pédagogiques… mais de repenser le mandat qui est confié aux professionnels de la formation » [JAEGER, 2007, p3].

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